3
millions de dollars US d'investissement en actions
6
pays africains dans lesquels JUMO est active
12
millions de prêts accordés en 2017
L’émergence combinée des technologies financières – la fintech – et des téléphones mobiles offre d’immenses perspectives pour démocratiser l’accès aux services bancaires en Afrique. JUMO est l’une de ces start-up qui ouvre l’accès au crédit et à l'épargne en temps réel via les smartphones. Pour le bénéfice de tous.

En Afrique, 80 % des habitants du continent sont connectés à un réseau de téléphonie mobile, quand 20 % seulement disposent d’un compte bancaire. En parallèle, la croissance fulgurante de la fintech dans les économies émergentes permet à des millions de personnes de surmonter les difficultés quotidiennes liées à l'accès à l'électricité, à la santé, l’éducation ou encore l'obtention de capitaux d’amorçage ou d'argent liquide. Autre aspect plus important encore, la fintech fournit une gamme de services financiers abordables et d’usage pratique aux personnes ne bénéficiant pas ou peu des services bancaires, ouvrant ainsi la voie à l'inclusion financière universelle.

Dans ce contexte, le groupe AFD considère la fintech comme un partenaire clé dans ses efforts visant à réduire l'extrême pauvreté et à promouvoir la prospérité partagée dans les pays en développement. En avril 2018, la filiale de l’AFD dédiée au secteur privé Proparco a ainsi pris une participation de 3 millions de dollars dans JUMO, une start-up permettant l’accès au crédit et à l'épargne en temps réel via un simple téléphone portable. Les services de la société sont disponibles en Tanzanie, au Kenya, en Ouganda, en Zambie, au Ghana et au Pakistan.

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Des femmes plus autonomes dans les affaires
En Zambie, JUMO a noué un solide partenariat avec Airtel, l'un des principaux opérateurs de réseaux mobiles du pays, pour la fourniture de crédits à court terme, payés directement via le compte Airtel Money du client. Les prêts sont simples et faciles à obtenir, puisqu’ils ne nécessitent pas d’épargne ni de lourds dossiers imprimés. Les clients peuvent emprunter des sommes modestes, comprises entre 26 ZMW (2 euros) et 1 000 ZMW (85 euros), moyennant un remboursement dans les délais déterminés. La majorité des clients de JUMO ne dispose que de très faibles revenus (à titre d’exemple, 80 % de ses clients en Tanzanie vivent avec moins de 4 dollars par jour) et n’a jamais eu accès à des produits financiers auparavant (77 % de sa clientèle zambienne n’a jamais contracté un prêt formel auparavant). Plus intéressant encore, les trois quarts des utilisateurs de JUMO tous pays confondus sont de petits ou micro-entrepreneurs.

C’est le cas de Denia Tembo, 23 ans, propriétaire d’une boutique de vêtements pour femmes et de chaussures pour enfants dans la banlieue de Lusaka, à Chipata Compound. Il y a moins d’un an, elle était sans emploi et ne savait pas quoi faire de sa vie : « Je n’avais pas d’argent pour payer les transports ni pour acheter quoi que ce soit pour moi ou ma famille. »

Lorsqu’elle a entendu parler de JUMO et des prêts d’Airtel, Denia s’est empressée d'emprunter de l'argent pour démarrer une petite affaire. « Grâce à mon premier emprunt de 20 ZMW (1,70 euros), j’ai acheté des chaussettes pour hommes et je les ai revendues. J’ai réalisé un petit bénéfice, remboursé le crédit et emprunté un peu plus d’argent pour acheter davantage d’articles en vue de les revendre », explique Denia.

Lentement, elle a développé son stock et trouvé un local pour installer sa boutique à Chipata Compound. Son dernier emprunt lui a permis d’acheter plus de stock et des provisions pour elle-même et sa famille : « Sur un total de 735 ZMW (62 euros), j’ai consacré 460 ZMW (39 euros) à l’achat de chaussures d’enfant pour ma boutique et 275 ZMW (23 euros) à l’achat en gros, pour payer moins cher. Je vis avec ma sœur qui est au chômage, et ses cinq enfants, et je dois donc subvenir aux besoins de ma famille. »
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L’absence de garantie n’est plus un problème
Selon la Banque mondiale, le téléphone mobile favorise l'inclusion financière en Afrique subsaharienne. Si la proportion d’adultes disposant d'un compte bancaire est restée stable entre 2014 et 2016, la proportion de ceux disposant d'un compte de paiement sur mobile a presque doublé, passant de 12 % à 21 %.

Comme moins d'une personne sur dix a un dossier de crédit dans les pays en développement et que les petites entreprises se voient souvent refuser des crédits par les institutions financières classiques, la fintech aide ces personnes à accéder à des solutions adaptées à leurs besoins.

Dans le cas de Richard Simutenu, un petit crédit non garanti lui a permis de relancer son activité. Il a commencé par emprunter 26 ZMW (2 euros) par le biais de la plateforme JUMO afin d’acheter des articles courants pour sa quincaillerie située dans le marché central animé de Lusaka. Il a progressivement augmenté le montant de son prêt jusqu’à 440 ZMW (37 euros). « Grâce au dernier crédit, j'ai acheté les articles de quincaillerie les plus demandés, et cela m'a vraiment aidé à stimuler mon activité », affirme Richard.

Il n'a jamais essayé de souscrire à un crédit par le biais d'une banque ou d'un fournisseur reconnu de services financiers, connus pour refuser les clients sans garantie. « Il est très difficile d'obtenir un prêt pour des gens comme moi qui n'ont rien à montrer, confirme Richard. Par exemple, ils vous demandent de fournir un titre de propriété, mais si vous louez, il n'y a pas de titre à montrer ! Mais avec les prêts d’Airtel, je suis juste tenu de rembourser dans les délais, pour pouvoir augmenter le montant emprunté et avoir toujours accès à de l'argent, n'importe où et n'importe quand. »

Richard prévoit d’emprunter plus d'argent pour accroître son stock, notamment avec des articles de plomberie et de construction, très prisés par les clients. Le magasin de ses rêves est beaucoup plus grand que sa boutique actuelle de deux mètres carrés. « Je voudrais acheter un grand local avec un entrepôt annexe où je rangerais tout mon stock, et mes clients pourraient se procurer chez moi tous les articles dont ils ont besoin », avance Richard avec fierté.
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Le marché de « l’argent mobile »
Benny Musonda est dans le secteur de la construction depuis presque toujours. Né dans une famille d’entrepreneurs, il a appris le métier auprès de son père et de ses oncles, mais il a attendu la trentaine pour lancer sa propre affaire. « Quand j’avais 25 ans, on me disait que j’étais trop jeune pour gagner beaucoup d’argent, et j'ai continué à travailler pour mon oncle. Mais maintenant que j’ai 32 ans, je suis assez mûr pour prendre de gros projets ! Et j’en suis à mon 50e chantier à mon compte ! », précise-t-il avec fierté.

Comme beaucoup de travailleurs indépendants en Zambie, où les emplois sûrs sont rares et où les gens ont souvent plusieurs petites affaires à la fois, Benny a une activité secondaire qui consiste à acheter et revendre des téléphones mobiles.

Contrairement à de nombreux petits entrepreneurs, Benny dispose d’un compte bancaire sur lequel il épargne depuis l'âge de 18 ans. Cependant, sa banque a refusé de lui accorder un crédit parce qu'il ne pouvait pas produire de fiches de paie : « J’étais désespéré car malgré mon ambition, les portes restaient fermées. »

Benny n’a découvert les prêts d’Airtel que récemment. Lui aussi a démarré avec un très petit emprunt de 20 KMW (1,70 euro) avant d’augmenter les montants jusqu’à 1 000 KMW (85 euros) pour son dernier prêt, utilisé pour acheter trois téléphones mobiles revendus avec un bénéfice considérable de 80 %.

Comme il est toujours sur la route, circulant entre ses clients et ses chantiers, il est essentiel qu’il puisse accéder à « l'argent mobile » en cas d'urgence. « Un jour j’ai oublié mon portefeuille à la maison, mais j’ai pu obtenir un prêt de 100 ZMW (8,5 euros) pour payer une prestation de transport. Lorsque je suis en déplacement, je sais que je pourrai toujours obtenir un prêt pour débloquer la situation si j’ai mon téléphone avec moi. »
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La fintech transforme le secteur financier

À la fin de l’année 2017, on dénombrait plus de 300 start-up dans la fintech en Afrique. Ce secteur a vu ses investissements passer de 12,2 milliards de dollars en 2014 à 19 milliards de dollars au niveau mondial en 2016. Dans ce contexte, l’augmentation du nombre d'institutions du développement qui rejoignent la fintech à impact social reflète la confiance des investisseurs.

« L’investissement de Proparco dans JUMO – qui est également notre premier investissement dans une entreprise de la fintech – constitue un prolongement naturel de notre action en faveur de l’inclusion financière, à travers les organismes de microfinance, les crédits aux petites et moyennes entreprises, et aujourd’hui la technologie mobile, explique Grégory Clemente, directeur général de Proparco. Ce projet utilise la technologie de la téléphonie mobile pour atteindre un plus grand nombre de personnes dans un périmètre beaucoup plus large. » 

Créée en 2014 en Afrique du Sud par Andrew Watkins-Ball, la société JUMO est passée d'une équipe de sept personnes à environ 300 personnes en 2018, en déployant ses produits dans six pays. Au cours de la seule année 2017, JUMO a accordé 12,2 millions de prêts à ses clients dans le monde entier.

« JUMO a commencé à résoudre le problème de l'accès à des services financiers de qualité pour les populations des économies émergentes, affirme Andrew Watkins-Bell. Il est inacceptable que les gens aient des difficultés à effectuer des transactions, épargner ou trouver des capitaux pour financer leur entreprise ».

Proparco en soutien aux start-up africaines

Malgré la croissance régulière de l'investissement dans les start-up à l’échelle mondiale, seuls 560 millions de dollars ont été investis dans ces entreprises en Afrique en 2017, contre respectivement 2 milliards et 68 milliards de dollars dans leurs homologues en Amérique latine et en Asie. L'accès au financement reste un obstacle pour les start-up africaines, comme le montre l’étude Roland Berger commandée par l’AFD selon laquelle moins de 4 % d'entre elles y ont accès.

Dans ce contexte, Proparco est un important catalyseur de l'investissement privé dans les start-up de ce continent, soit directement, soit par le biais du Fonds d'investissement et de soutien aux entreprises en Afrique (FISEA). Ce fonds prend des participations dans des entreprises, des banques, des institutions de microfinance et des fonds d'investissement opérant dans l’Afrique subsaharienne.

Depuis 2015, Proparco soutient quatre fonds de capital-risque pour un montant de près de 20 millions de dollars. Par ailleurs, Proparco a directement investi dans quatre start-up – parmi lesquelles JUMO – qui ont recours à la technologie pour réduire le coût d'accès aux biens et services pour les populations locales. Enfin, notre filiale a mis en place un service dédié aux prises de participation dans de jeunes entreprises africaines innovantes. L’objectif est d’identifier et de financer les meilleurs fonds de capital-risque et les meilleures start-up partageant les mêmes objectifs de développement que Proparco. Avec un intérêt tout particulier porté aux secteurs de la fintech, de l’énergie, de l’éducation et de la santé.