Vous avez mené une étude sur l’exposition aux risques climatiques physiques du portefeuille de l’AFD. En quoi consiste-t-elle ?
Depuis la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, les établissements bancaires doivent analyser leur exposition aux risques liés au changement climatique. Il s’agit de savoir si la situation financière de leurs emprunteurs peut être fragilisée par des aléas climatiques de type cyclone, précipitations extrêmes, stress hydrique, stress thermique ou hausse du niveau de la mer.
En 2018 nous avons dirigé une étude sur les risques liés à ces cinq aléas dans nos pays d’intervention. Elle a consisté à géolocaliser les actifs de nos emprunteurs – entreprises, États, collectivités locales, institutions financières, fonds d’investissement – et à évaluer leur exposition à chacun des aléas : dès lors qu’une de ses activités le classait parmi les 10 % des emprunteurs les plus exposés, l’emprunteur se voyait attribuer un point d’attention.
L’exercice a été mené sur un échantillon représentant 20 % des emprunteurs et 80 % de l’encours, soit environ 25 milliards d’euros.
Quelles en sont les conclusions ?
Elle nous a confirmé qu’en tant qu’institution nous étions vulnérables au risque physique climatique. En effet, 63 % des emprunteurs étudiés présentent au moins un point d’attention, ce qui veut dire qu’ils sont vulnérables à au moins un des cinq aléas climatiques analysés. Six contreparties, représentant 3,6 % de l’échantillon et 2,4 % de l’encours, présentent quant à eux trois points d’attention.
Certains de nos emprunteurs ont déjà fait face à des risques climatiques physiques. C’est le cas de la ville du Cap, en Afrique du Sud, qui a connu trois années consécutives de sécheresse, avec des impacts importants sur ses revenus et ses dépenses. C’est également le cas d’EPM, une compagnie d’électricité détenue par la ville de Medellin, en Colombie : au printemps 2018, des pluies diluviennes ont provoqué un glissement de terrain qui a fragilisé la construction d’un barrage. Le chantier a pris du retard alors que l’entreprise comptait produire un tiers de son électricité à partir de ce barrage dès 2019. La taille de l’entreprise et sa bonne gestion financière lui ont cependant permis de faire face à ses engagements.
Quel impact ce travail va-t-il avoir sur l’activité de l’AFD ?
Pour une banque de développement comme l’AFD, l’idée n’est pas d’éviter le risque, ce serait illusoire, mais d’accompagner les emprunteurs les plus exposés en leur proposant des financements adaptés pour améliorer leur résilience face au changement climatique. L’enjeu sera de faire évoluer notre processus d’évaluation pour intégrer le risque climatique de manière plus fine.
Nos travaux pourront aussi servir dans le dialogue de politique publique avec nos partenaires bancaires. En complément d’un prêt, nous pourrions par exemple proposer de l’assistance technique aux banques pour les aider à mieux prendre en compte le risque climatique dans leurs propres crédits.
Nous n’en sommes encore qu’aux prémices. Mais le sujet va prendre de l’ampleur dans les années qui viennent, c’est certain.