Qui est le principal soutien aux pays qui en ont le plus besoin ? Les banques de développement et leur puissance financière ? Les grandes ONG internationales ? Les fondations de richissimes entrepreneurs ou d'anciens sportifs millionnaires ? Non. La première source d'aide aux pays en développement ce sont eux, les membres des diasporas installés un peu partout dans le monde.
La solidarité passe d'abord par les diasporas
Ils envoient ainsi quelques dizaines ou centaines d'euros par mois à leurs proches restés dans leur pays d'origine. Et font de leurs contributions personnelles un montant global trois fois supérieur à la totalité de l’Aide publique au développement. La Banque mondiale estime à 429 milliards de dollars les envois de fonds officiellement enregistrés vers les pays en développement en 2016. La même année, la totalité de l'Aide publique au développement était de 142,6 milliards de dollars.
Au Sénégal, l'OCDE estime que 10 % du PIB du pays provient de l'argent envoyé par la diaspora installée principalement en Europe, et en France. Tous les ans, ce sont environ 1,5 milliard de dollars qui font le voyage de l'Hexagone et d'ailleurs vers le Sénégal.
Co-financer pour mieux développer
Dans ce contexte, l'AFD signe le 19 octobre une convention de financement avec le gouvernement sénégalais. Avec le concours de l’Union européenne et l’État du Sénégal, il s'agit de cofinancer les initiatives des diasporas sénégalaises de France, mais aussi d'Espagne, d'Italie et de Belgique, en faveur du développement du pays.
D'une durée de 4 ans pour un montant total de 14 millions d'euros, le programme bénéficie d'une contribution de l’État sénégalais à hauteur de 2 millions d'euros. Une preuve marquante de la solidité du partenariat engagé avec la France autour de ce dispositif depuis 2005 et confié à l’Agence française de développement à partir de cette année.
Olivier Kaba, chef de projets migrations pour l'AFD, dévoile les contours de ce dispositif :
Quel est le rôle des diasporas dans l'économie des pays en développement à travers le monde ?
A 80 %, les sommes transférées vers les pays d’origine sont destinées à la consommation et à la couverture des risques des familles restées au pays (sécurité alimentaire, santé, scolarité). Mais les sommes sont tellement considérables que les 20 % restants représentent près d'un tiers du total de l’Aide publique au développement. C’est cet argent que l’AFD et ses partenaires locaux et internationaux proposent d’utiliser au mieux et de faire fructifier pour servir le développement des pays concernés.
En quoi consiste le partenariat entre l’Union européenne, l’Agence Française de Développement et l’Etat du Sénégal ?
Le cœur du projet, c’est d’offrir un « effet de levier » financier aux contributions directes des diasporas pour le développement de certaines régions excentrées du Sénégal. Les précédents projets (2006-2013) avaient ainsi permis de mobiliser 6 millions auprès de la diaspora sénégalaise en France. Sur ce nouveau projet, l’Europe intervient à hauteur de 10 millions d’euros, le Sénégal et l’AFD pour 2 millions d’euros chacun. C’est un effet multiplicateur considérable.
Dans tous les cas, l’argent versé par les diasporas va directement au terrain ; il est géré au Sénégal par une administration locale. Et le « contrôle social » est totalement sécurisé : les fonds des donateurs allant dans leur communauté d’origine, il est très facile pour les contributeurs de suivre et de juger de la bonne utilisation de leur argent.
Il n’y a pas que l’aspect financier…
Evidemment. Nous offrons également un cadre technique de haut niveau et des compétences sur tous les aspects du développement inaccessibles à de simples associations. Sans oublier le transfert de compétences des membres de la diaspora eux-mêmes que nous soutenons : un élu français d’origine sénégalaise pourra ainsi partager son savoir en matière de gouvernance auprès d’élus locaux, quand un ingénieur ou un universitaire de la diaspora basé en France pourra faire de même dans son domaine.
Quels types de projet financera ce partenariat ?
En tout, ce sont 150 projets de développement qui seront financés pour répondre aux besoins de territoires ruraux du pays dans les secteurs de l’agriculture, de l’éducation, de la santé ou de l’accès à l’eau potable. Il s’agit aussi de financer 200 missions d’experts dans des domaines divers et d’accompagner 300 entreprises.
Par le passé, le regroupement de plusieurs associations de la diaspora a par exemple permis la construction du lycée d'Ourossogui, au nord-est du pays. Sur le plan économique, Niokolo Transports, une coopérative de transport de personnes a pu voir le jour grâce à nos programmes et à l’investissement direct de plusieurs émigrés. Cette initiative a non seulement permis de désenclaver les régions desservies (Tambacounda, Kédougou), mais c’est aussi un grand succès économique.
Valoriser l’apport des diasporas émigrées, c’est aussi donner à voir un autre point de vue sur l’immigration ?
En effet. Nous défendons le fait que les migrations sont avant tout un facteur de développement et de croissance, beaucoup plus qu’un déclencheur de vulnérabilités, un aspect trop souvent isolé et mis en avant. Nous avons une vision suffisamment proche du terrain pour porter cet aspect éminemment positif des migrations. Les montants transférés, les transferts de compétences, la formidable vivacité des projets développés, le contrôle social sur ces derniers, tout cela est extrêmement utile.