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Bangladesh, smart grid
Expert en réseaux électriques intelligents et responsable d’équipe projet au sein de la division Énergie de l’Agence française de développement (AFD), François Lhomme décrypte les vertus du digital dans ce secteur. Il revient également sur le projet ambitieux lancé en 2019 au Bangladesh par l’AFD, avec le concours de l’Union européenne.

Favoriser la circulation d’informations entre les consommateurs et le fournisseur d’électricité afin d’ajuster le flux en temps réel, permettre une gestion plus efficace du réseau électrique : les réseaux électriques intelligents (smart grid) se mettent au service d’une électricité de qualité pour tous. 

C’est le cas au Bangladesh, huitième pays le plus peuplé au monde avec plus de 164 millions d’habitants, dont 116 millions vivant en milieu rural. Sa récente croissance économique a permis de réduire largement la part de population vivant sous le seuil de pauvreté. Et d’améliorer certaines infrastructures, comme le taux de foyers connectés au réseau électrique qui est passé de 10 % en 1994 et tend vers un objectif de 96 % pour 2020.

Toutefois, dans ce pays qui reste l’un des plus pauvres au monde, l’écart en matière d’électrification entre régions urbaines et rurales demeure élevé, tout comme la croissance de la demande en électricité. À partir des années 1990, une série de réformes a notamment donné naissance à la Dhaka Power Distribution Company (DPDC), une société de distribution électrique opérant principalement dans le sud de Dhaka, la capitale. La demande électrique sur le réseau de la DPDC étant prévue très à la hausse dans les années à venir, les défis à relever sont nombreux pour répondre aux besoins. Dans ce contexte, le smart grid a un rôle essentiel à jouer. Explications. 

francois lhommePourquoi l'AFD s’implique-t-elle dans le secteur du réseau électrique intelligent au Bangladesh

François Lhomme : l’amélioration des performances du secteur électrique pour la production, le transport et la distribution est au cœur de la stratégie de développement économique du Bangladesh. L’accès à un approvisionnement en électricité fiable en quantité suffisante est nécessaire au soutien d’une croissance économique qui s’inscrit dans le développement social et la lutte contre la pauvreté. La sécurisation de l’approvisionnement permet d’améliorer globalement les conditions de vie des populations locales.


Lire aussi : plus d'informations sur le projet de l'AFD et de l'Union européenne au Bangladesh


Il est clair que toute compagnie électrique se doit d’intégrer la digitalisation et le numérique dans ses solutions afin de pouvoir atteindre cette première cible de l’électricité fiable en quantité suffisante. Ainsi, le smart grid permet de cristalliser cette migration vers un réseau plus performant et plus efficient. De plus, le déploiement du numérique dans nos projets va permettre l’accélération du déploiement des énergies renouvelables et donc participer à la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) du pays.

En quoi la digitalisation du réseau électrique est-elle particulièrement novatrice au Bangladesh

Aujourd’hui, le smart grid au Bangladesh est embryonnaire et se résume au déploiement de compteurs communicants. Avec son projet, financé à hauteur de 100 millions d’euros auquel il faut ajouter 12 millions en provenance de l’Union européenne, l’AFD se positionne sur des solutions numériques avancées dans les postes de distribution, comme dans les réseaux en moyenne tension. 

Grâce aux automatismes avancés, les performances du réseau vont être améliorées et l’opérateur va pouvoir optimiser la distribution d’énergie sans entreprendre des investissements trop lourds. L’idée est d’utiliser l’existant et de le contrôler en frôlant les limites dynamiques du réseau sans provoquer de panne chez l’utilisateur. L’optimisation du flux d’énergie est ainsi mieux contrôlée car on mesure en temps réel les variations du réseau afin d’en tirer le meilleur profit grâce à l’amélioration de ses performances : plus stable, sans coupure, avec plus de volume d’énergie distribuée.

Quelles sont les principales difficultés en matière d’accès à l’énergie pour les habitants de Dhaka ?

À Dhaka, l’accès n’est pas véritablement un problème. La question se pose plutôt sur le volume et la qualité de l’énergie disponible face à une demande croissante, dans une agglomération qui devrait passer de 17 à 20 millions d’habitants d’ici 2021. Ce déséquilibre entre l’offre et la demande en énergie peut provoquer des coupures ; des solutions de remplacement avec des générateurs diesel polluants sont alors mises en place dans les quartiers ou chez les industriels.

Pourquoi le smart grid en particulier est-il une solution pour le Bangladesh ?

Dans le cas de notre projet, le smart grid va améliorer les performances du réseau et par voie de conséquence éliminer la pollution des générateurs diesel qui étaient en back-up du réseau lors des coupures. Au total, ce sont 1 141 000 personnes pour qui la qualité du service d’électricité sera sensiblement améliorée. Par ailleurs, ce projet contribue à la lutte contre le changement climatique avec 104 000 tonnes cumulées d’émission de CO2 évitées par an.

Dans sa globalité et au-delà du seul projet avec la DPDC, les solutions déployées à travers le smart grid apportent de l’optimisation et de la valeur opérationnelle avec une maintenance possible en amont des défaillances et une optimisation de l’usage des équipements (transformateurs de puissance, disjoncteurs…). Ceci grâce à des algorithmes en temps réel qui analysent en continu les matériels connectés au réseau et prolongent ainsi leur durée de vie. Le numérique présent à tous les niveaux du réseau va permettre une meilleure connaissance de celui-ci et une anticipation sur les évènements liés aux pannes. Le smart grid, c’est plus de fiabilité et une plus grande disponibilité du réseau. 


Dans quelle mesure l'infrastructure existante au Bangladesh est-elle compatible avec ce projet ?

La DPDC travaillant avec les standards internationaux et appliquant des règles strictes d’ingénierie, les problèmes de compatibilité ou d’interopérabilité devraient être minimisés. Ainsi, différents types d’équipements venant de multiples constructeurs pourront communiquer entre eux et opérer des fonctions d’automatisme avancées. C’est le grand principe apporté par la norme internationale IEC 61850. Le Bangladesh n’échappe pas à cette approche et les équipements existants pourront être intégrés à des solutions innovantes et numériques, quitte à changer quelques briques de communication afin de rendre le tout interopérable à distance.

Quelle est la stratégie de l'AFD pour relever certains des défis actuels du secteur ?

Autant au Bangladesh que dans nos autres pays d’intervention, l’AFD se positionne pour cristalliser la transition énergétique des pays dans le respect de l'Accord de Paris et l’application des ODD.
Le but est de renforcer et de moderniser les réseaux afin d’optimiser l’existant et de permettre plus de flexibilité face à l’accélération du déploiement des énergies renouvelables. L’accès à l’énergie reste un sujet central mais plutôt appliqué au continent Africain.

Le numérique dans les réseaux devient le nerf de la guerre. L’AFD tente d’intégrer des solutions numériques et innovantes quels que soient l’état des réseaux et la demande des compagnies électriques. Il s’agit de préparer l’avenir et d’ouvrir au maximum les architectures des solutions mises en place afin d’intégrer aussi l’innovation. Nous œuvrons pour intégrer des solutions numériques, modernes, matures et fiables au profit des réseaux des pays que nous accompagnons dans leur développement.