Tchad, école
Lancé en 2017, le fonds Paix et Résilience Minka entame sa cinquième année d’existence. Du Sahel au Moyen-Orient en passant par la République centrafricaine et le bassin du lac Tchad, les projets Minka contribuent à répondre aux crises et aux conflits dans ces zones prioritaires de la politique extérieure de la France. Bilan à l'occasion de la Journée internationale du vivre-ensemble en paix du 16 mai.

Elles se suivent mais ne se ressemblent pas. Partout dans le monde, au fil des années, les crises se révèlent plus longues et plus complexes. Si le traitement médiatique, attaché à l’immédiateté, ne permet pas de les saisir dans leur entièreté, sur place, les populations doivent faire face à des situations d’urgence qui s’installent. Selon l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), en 2020, les pays fragiles ont dû accueillir près de 460 millions de personnes vivant dans l'extrême pauvreté, soit près de 80 % du total mondial.

Mouvements de populations fuyant la guerre, revendications territoriales, tensions résultant du changement climatique… La typologie des conflits apparaît aujourd’hui compliquée à dessiner. Et le Covid-19 n’a rien arrangé. La pandémie s’est ajoutée aux difficultés déjà présentes. Si l’affaiblissement économique des pays touchés ne fait aucun doute, les conséquences sociales et politiques de cette crise sanitaire ne se révéleront véritablement que sur le temps long. 

De l’urgence au temps long du développement

Le fonds Minka se donne pour objectif d'apaiser les situations de crise grâce à des projets de développement adaptés. Faisant écho aux priorités de la politique extérieure de la France, quatre bassins ont été identifiés : le Sahel à la suite de la crise malienne de 2012 ; la République centrafricaine (RCA) du fait du conflit en Centrafrique ; le Moyen-Orient pour répondre aux crises syrienne et irakienne ; le bassin du lac Tchad en proie aux exactions de Boko Haram.


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C’est donc dans ces régions que se concentrent les programmes Minka. « Nous fonctionnons par bassin de crise et non par pays dans la mesure où les crises n’ont pas de frontières. Autrement dit, nous n’agissons pas tant dans un pays en particulier que sur les déterminants et les conséquences de la crise en elle-même, explique Jean-Bertrand Mothes, responsable du département Fragilités, crises et conflits à l’Agence française de développement (AFD). Minka est le fonds de la France destiné à agir avant, pendant et après une crise ou un conflit. Nous soutenons des projets répondant à ces enjeux : prévenir la crise, atténuer ses conséquences, et enfin reconstruire. »

Pour affronter ces situations d’urgence, l’efficacité joue un rôle déterminant. C’est pourquoi Minka a facilité les procédures : ces dernières sont moins longues grâce au principe de « flexibilité instrumentale », ou comment gagner en rapidité dans la phase de préparation des projets.

De 2017 à aujourd’hui, le fonds Minka permet de réenclencher les dynamiques de développement à la suite d’une crise ou d’un conflit. Les programmes doivent par ailleurs produire des effets visibles dans les six mois pour les populations tout en garantissant des effets de long terme. En quatre ans, c’est 653 millions d’euros qui ont été engagés au profit de 85 projets.

De l’importance de n’oublier personne

Il s’agit donc d’identifier les déterminants de ces crises tout en répondant aux besoins immédiats des populations. Dans ce contexte, la cohésion sociale occupe une place déterminante dans les projets financés par le fonds : créer du lien est un impératif en situation de conflits.

« Nous attachons beaucoup d’importance à "ne pas nuire", c’est-à-dire à mener des projets sans privilégier une communauté plutôt qu’une autre. Ne pas attiser les tensions existantes ou en créer de nouvelles. Ainsi, au Moyen-Orient, nous prenons en compte les besoins des réfugiés syriens et aussi ceux des populations hôtes vulnérables », souligne Jean-Bertrand Mothes.

Au Liban par exemple, 2020 fut une année difficile, au-delà de la crise liée au Covid-19 : « Premier pays d’accueil des réfugiés syriens, marqué par une perte de confiance de la population envers ses institutions, le Pays du cèdre a été frappé successivement par une crise économique, sociale, politique et sanitaire – sans oublier l’effet catalyseur de l’explosion du port de Beyrouth en août dernier. Une catastrophe aux effets destructeurs dont la réponse a dû être rapide, coordonnée et durable. » À la suite de cette explosion, 13 millions d’euros ont été débloqués pour venir en aide à la population.

Au nom de la concertation et de la logique partenariale, les programmes sont mis en œuvre avec les gouvernements locaux, des ONG françaises, locales ou internationales. En République centrafricaine, un centre de santé prenant en charge les femmes victimes de violences a ainsi vu le jour à Bangui grâce au programme Nengo. Aux côtés de la Fondation Pierre Fabre, de Panzi RDC, de la Fondation du docteur Denis Mukwege et de l’Institut francophone pour la justice et la démocratie, ce modèle s’inspire directement du travail mené par le docteur Mukwege. En moins d'un an, 29 formations ont été organisées et près de 500 femmes ont été prises en charge.

La jeunesse n'est pas oubliée. Le projet MédiaSahel intègre notamment les jeunes marginalisés de la région du Liptako-Gourma au débat citoyen, et ce, à travers les médias. Il s’agit de construire des émissions avec et pour ces jeunes. Près de 4 000 programmes en dix langues ont déjà été diffusés par 169 radios partenaires.

Dans le contexte du Covid-19, les projets se sont également adaptés afin de mettre en place les mesures de prévention adéquates face à l’épidémie. « 2021 est une année de réflexion sur les initiatives, conclut Jean-Bertrand Mothes. Nous aimerions, dans les années à venir, aller encore plus loin pour la paix. En renforçant toujours plus la coordination des acteurs sur le terrain, notre soutien à l’insertion socioéconomique des jeunes, nos actions en matière de genre, de droits humains, de confiance entre populations et institutions ou encore de Justice. Le Covid-19 a réaffirmé l'importance de prévenir et d'agir rapidement face aux crises. Minka a su le faire et continuera à optimiser ses capacités d’adaptation. »