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Mali, marché
La promotion de la paix est un engagement majeur du groupe Agence française de développement (AFD), notamment à travers le fonds de financement Minka destiné à consolider la paix sur les territoires affectés par un conflit violent. Charles Tellier, responsable de la division Fragilités, crises et conflits à l’AFD, revient sur les conséquences de la crise du coronavirus pour ces pays vulnérables.
Charles TellierAu 4 mai, le Covid-19 avait fait 250 000 victimes dans le monde. Quel est l’impact de cette pandémie dans les pays fragiles ?

La catastrophe sanitaire vécue actuellement a un impact social et économique très lourd pour l’ensemble des pays touchés. Avec des conséquences encore plus fortes dans des pays déjà en proie à une crise sociopolitique ou des conflits armés, l’épidémie pourrait catalyser les tensions existantes avec un triple effet : un risque de multiplication des actes de violence en cas de tensions entre la population et les agents gouvernementaux ; un risque d’instrumentalisation de la crise actuelle par des groupes armés ; un risque enfin de violences xénophobes. 

Des troubles qui auront un impact humain extrêmement lourd dans des zones où une partie de la population se trouve souvent dans une situation de précarité importante. Selon les projections du Programme alimentaire mondial (PAM), le nombre de personnes confrontées à une crise alimentaire atteindra plus de 250 millions d’ici la fin de 2020 si des mesures ne sont pas prises rapidement. Soit le double par rapport à 2019.

Je pense enfin et surtout à l’aggravation de la situation des réfugiés et déplacés forcés partout dans le monde. Au Sahel, sur le pourtour du lac Tchad, où dix années de conflits ont fait 2,5 millions de déplacés forcés, cela pourrait intensifier la violence, engendrer de nouveaux déplacements forcés de la population et entraver l’agriculture et le commerce. Au Moyen-Orient, la perte de valeur de la monnaie au Liban et en Syrie rendra encore plus complexe l’accès des populations aux denrées alimentaires. 

Comment le groupe AFD et les autres bailleurs peuvent-il appuyer les pays fragiles pour faire face ?

Le groupe AFD est pleinement engagé pour soutenir les pays les plus vulnérables face à la crise du Covid-19. La France a lancé début avril une initiative dédiée, « Santé en Commun », dotée de 1,2 milliard d’euros. 

Les bailleurs peuvent contribuer à renforcer les capacités des États à soigner toute leur population, retisser le lien de confiance avec celle-ci et appuyer à la reconstruction d’institutions efficaces et justes. Si elle est correctement gérée, la réponse au coronavirus peut également être considérée comme une « opportunité » : la bonne gestion de l’épidémie peut être un vecteur de restauration du lien social et de construction d’une paix durable. Une crise sanitaire est aussi politique, on le voit bien.

Il est primordial d’identifier les populations qui vont être les plus vulnérables face au virus : les plus pauvres ou encore les personnes déplacées. Une fois identifiées, il faut être conscient des risques qui pèsent sur ces populations : une réduction de revenus ; la déstructuration des services de santé et une incapacité d’accueil de réfugiés par les pays hôtes ; mais aussi la diminution de la capacité de réponse des organisations humanitaires en raison des restrictions de déplacement.

En conséquence, pour les acteurs du développement, il est essentiel de mettre en œuvre une réponse d’urgence rapide, concertée, multisectorielle, qui tienne compte de la dimension communautaire et d’une connaissance précise du contexte social du pays afin de ne pas « laisser derrière » les populations et communautés déjà marginalisées ou fragiles. 

Il faut concevoir des projets auprès de partenaires avec de fortes capacités d’action, renforcer nos activités favorisant la cohésion sociale et s’assurer que les groupes vulnérables représentent une part importante des bénéficiaires de nos projets. Il est pour cela essentiel de travailler plus avec les acteurs de l’humanitaire ; l’AFD renforce ainsi son dialogue avec le CICR, le HCR et les nombreuses organisations de la société civile, françaises, internationales et locales qui aident au quotidien ces populations les plus vulnérables. C’est la seule façon de renforcer la résilience des populations en offrant des réponses durables aux multiples risques auxquels elles seront exposées.

Comment anticiper l’après-crise du coronavirus dans les pays concernés par des crises sociopolitiques ou des conflits armés ?

Il y a un enjeu à reconstruire un contrat social plus juste et plus respectueux de l’environnement. La réponse à l’urgence sanitaire doit s’intégrer dans une perspective de développement durable, socialement acceptable et juste. La crise du Covid-19 doit encourager nos progrès en matière d’articulation entre la réponse d’urgence, les efforts de sortie de crise et le relèvement des sociétés en conflit, dans une perspective de paix durable.