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Au Pérou, résidence croisée entre artistes péruviens et français © Antonio de Loayza /AFD
Créé en 2021, le fonds Metis propose à des artistes locaux d’investir des projets de développement dans les pays d'intervention de l'AFD. En Haïti notamment, une comédienne et son équipe travaillent avec des écolières et écoliers sur leur perception de la violence : une pièce co-construite avec ces enfants a été jouée à Port-au-Prince en juin 2022. Retour sur un programme innovant à l'occasion des Journées européennes du développement des 21 et 22 juin.

Article publié pour la première fois le 1er décembre 2021. Dernière modification le 15 juin 2022.

 


À Haïti, les enfants ne sont pas épargnés par la forte insécurité et la violence qui empoisonnent ce pays des Caraïbes. Pour entendre et mettre des mots sur les profonds traumatismes des enfants de Haïti, l’AFD a approché la comédienne Gaëlle Bien-Aimé et son équipe de l’École d’art dramatique (Acte). À partir de témoignages et d’ateliers de discussions avec de jeunes élèves de trois écoles différentes de Port-au-Prince, une œuvre théâtrale a vu le jour.

Elle raconte leur perception, leur compréhension, leurs craintes face aux dangers et aux chocs vécus au quotidien, leur désarroi face à l’absence de recours, mais aussi leurs rêves et leur regard sur l’avenir. La pièce a fait l’objet d’une représentation finale le 12 juin 2022 dans les locaux de l’école Cours privés Édmé.

Titrée Au cœur de la mémoire, l’œuvre coproduite par Acte et les écolières et écoliers du lycée Marie Jeanne, du Petit Séminaire collège Saint-Martial et de l’école Cours privés Édmé a été financée dans le cadre de l’initiative Metis, dispositif financier inédit conçu en 2021 par l'AFD dans le but de promouvoir une meilleure intégration des arts et de la culture au sein de l’aide publique au développement. Son objectif : intégrer des réalisations artistiques au bénéfice des populations dans les projets menés aux quatre coins du monde. 


Voir aussi : la pièce complète "Au coeur de la mémoire", de la comédienne Gaëlle Bien-Aimé


Par le biais de la peinture, de la bande dessinée, de la photographie, de la musique ou encore du théâtre et de la danse, des artistes viennent ainsi témoigner de la réalité du monde qui les entoure et de celle à laquelle ils aspirent. Leurs expressions viennent compléter des projets de développement dans les pays d’intervention de l’AFD. À la dimension technique de ces projets vient se greffer une dimension émotionnelle. Arts et développement se conjuguent : Metis vise à encourager cette dynamique se voulant source de vie et de liens.

Concrètement, pour les collégiennes et collégiens d'Haïti, l'exercice permet de s’exprimer dans un contexte de crises sociale, politique et sécuritaire. « Les mots peuvent soulager. L’art peut essayer de transcender la violence que vivent au quotidien les jeunes et en faire un outil de résistance, une force de reconstruction, note Gaëlle Letilly, directrice de l’agence AFD à Haïti. Cette pièce constitue un exutoire pour les élèves et une ressource pédagogique pour les décideurs politiques et pour nous qui proposons des projets de développement. Les débats ne peuvent pas être que techniques, en particulier dans un contexte fragilisé comme Haïti. »   

Les vertus de l’émotion

N’importe quel projet de développement peut donc être rehaussé par un projet culturel issu du fonds Metis. « Nous créons des moments de vie et d’émotion afin de renforcer nos actions techniques », se réjouit Tiphaine de Mombynes, responsable du fonds Metis pour l’AFD. Les financements proposés sont de l’ordre de 10 000 à 15 000 euros par projet. 

Avec Metis, une nouvelle famille d’acteurs vient entourer l’AFD et ses partenaires actuels. Le financement peut passer par des fondations artistiques – comme c’est le cas actuellement en Inde – par des ONG dédiées aux sujets artistiques comme au Nigéria, ou être versé directement aux artistes comme à Haïti, au Mexique ou au Maroc. « Les modalités de partenariat sont diverses, avec néanmoins un point commun : au final, les fonds sont destinés aux artistes locaux », poursuit Tiphaine de Mombynes. 

Il s'agit également d'engager de nouveaux acteurs en faisant appel au mécénat, aussi bien en France que dans les pays concernés : « Qui mieux que des mécènes dans nos pays d’intervention pour nous accompagner et accompagner les artistes locaux afin de donner une impulsion à ce levier d’action ? », interroge la responsable du fonds Metis. 

Véritable structure ad hoc, ce nouveau dispositif permet une agilité et une flexibilité certaines afin de s’adapter au monde de la culture et de gagner en efficacité. À ce jour, dix projets pilotes ont été financés par Metis dans dix territoires d’intervention de l’AFD. « C’est la première promotion d’artistes Metis », se félicite Tiphaine de Mombynes. Tout comme Metis – la déesse de la sagesse, de la prudence et de la ruse – donne à Zeus sa puissance inégalée, ces « artistes Metis » cherchent à apporter une force de vie dans des contextes à la réalité souvent difficile.

La culture au service des populations

Loin des Caraïbes, au Burkina Faso, c’est par les spectacles de rue et des formations à la danse que se pense le lien social. La chorégraphe et danseuse Irène Tassembédo s’adresse au grand public, et plus particulièrement aux femmes et aux populations urbaines vulnérables dans un souci d’inclusion. « Ce projet, c’est un moment de paix et d’amour dans un pays de plus en plus marqué par la violence », souligne le directeur de l’agence au Burkina Faso, Gilles Chausse. Pour Irène Tassembédo, qui est aussi la fondatrice de l’école de danse Le Grin des arts vivants, « on peut changer énormément de choses grâce à l’art, c’est une arme de construction massive. » D’ailleurs, les danseurs appartiennent à plusieurs ethnies et se produisent devant des ethnies tout aussi différentes. 


Découvrir ici la plateforme Metis


Les projets soutenus par Metis peuvent transcender les milieux ethnique, culturel ou social en étant à l’origine de moments de partage et de rencontre. Au Pérou, des artistes français et péruviens mettent à l’honneur la forêt et la culture des peuples indigènes Huitoto à des fins de protection et de conservation. « En organisant une résidence croisée entre artistes péruviens et français, nous promouvons des artistes d’Amazonie et de Brocéliande. Nous les incitons à l’échange », explique le directeur de l’AFD au Pérou, Laurent Pacoud. Ce projet s’inscrit dans la culture du pays et fait écho à ses défis. Laurent Pacoud complète : « Parce que le mythe précède la pensée, l’art des forêts plaide intrinsèquement une forme d’écologie. C’est dans ces chemins-là que Metis emmène l’AFD. Ces chemins sur lesquels l’art gagne nos causes et nos causes gagnent les arts. »


Visionner la présentation du fonds Metis lors de la cérémonie des 80 ans du groupe AFD le 2 décembre 2021