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lac, biodiversité, Mexique
La COP25 de la convention-cadre climatique est une étape importante dans la convergence des agendas climat et biodiversité. Décryptage depuis Madrid avec Gilles Kleitz, directeur Transition écologique et ressources naturelles à l’AFD.
Gilles Kleitz, AFD
© Alain Goulard / AFD
Pourquoi parler de biodiversité dans une conférence sur le climat ?

Selon le Global carbon budget présenté à Madrid, 44 % des GES émis par l’humanité sont absorbés par les écosystèmes : les forêts, les océans, les prairies… Ce qui se passe dans ces espaces est donc crucial pour faire face au changement climatique. S’ils sont bien gérés, si l’on préserve leur bon fonctionnement naturel, ils peuvent garder ce rôle essentiel de puits de carbone. Inversement, les changements d’usage des sols et les pratiques agricoles et forestières non durables, ou encore les industries extractives, accentuent la dégradation de la terre et de la biodiversité, conduisent à une augmentation des émissions de GES et réduisent cette fonction de puits de carbone.

Ainsi, la lutte contre le réchauffement n’a pas de sens si les écosystèmes naturels sont dégradés, et l’atteinte de nos objectifs de long terme est impossible sans leur contribution. Nous n’avons tout simplement d’autre choix que de préserver les écosystèmes ! Objectifs climatiques et préservation des écosystèmes sont indissociables… On estime ainsi aujourd’hui qu’au moins 30 % de l’ensemble des solutions climatiques reposent sur la nature.

C’est une évidence, mais elle a mis un certain temps à s’imposer parmi la communauté internationale. En ce moment, à Madrid, de très nombreux événements sont organisés sur les océans, les forêts, l’usage des sols… C’est la première fois que l’on parle autant « écosystèmes » dans une COP climat. Les lignes bougent. On assiste bien à une réelle convergence entre les exigences de lutte contre le changement climatique et de préservation de la biodiversité.


Comment peut se traduire cette double exigence au niveau des États ?

L’appropriation tout comme l’opérationnalisation du concept de solutions fondées sur la nature (SFN) sont essentielles. Une solution fondée sur la nature, c’est une action qui s’appuie ou mobilise les écosystèmes pour résoudre un problème à la fois local et global, comme le changement climatique. Ce peut être une restauration de mangrove, une replantation et une gestion durable des forêts ou un plan de conversion vers l’agroécologie. Toutes ces solutions ont des impacts concrets à la fois en termes de séquestration des GES, d’adaptation face au changement climatique et de préservation des écosystèmes… Leur potentiel est très important.

L’enjeu est donc que les pays incluent des solutions fondées sur la nature dans leurs contributions déterminées au niveau national (CDN) en cohérence avec leurs plans nationaux pour la biodiversité (NBSAP). Très peu, moins de 10 %, ont actuellement des objectifs chiffrés en la matière.

Je suis pourtant frappé de constater en ce moment le niveau de mobilisation existant sur ce sujet. Tout le monde l’évoque et affiche ses ambitions, notamment les banques de développement, mais aussi les pays émergents… C’est nouveau. Du côté par exemple de l’Éthiopie, de l’Équateur ou du Pakistan, les solutions fondées sur la nature sont perçues comme une possibilité rentable, réaliste, attractive, qui permet de nombreux co-bénéfices. Accompagner leur généralisation me semble essentiel.


Que peut faire l’AFD pour accompagner cette ambition ?

Notre rôle est de rendre les solutions fondées sur la nature attractives et adaptées aux pays avec lesquels nous travaillons. Cela nécessite notamment d’améliorer la comptabilisation du carbone des forêts, des océans et des terres agricoles. Et d’assurer des co-bénéfices sociaux.

Il s’agit aussi de rehausser notre ambition en matière d’engagements financiers. Nombre des projets que nous accompagnons peuvent déjà être rangés parmi les solutions fondées sur la nature : ville verte, ville éponge, agroforesterie, reforestation ou certains projets d’assainissement… On estime actuellement que 15 % des financements climat de  l’AFD – soit environ 700 millions sur un total de 4,8 milliards d’euros en 2018 –  s’appuient sur les écosystèmes. Autrement dit, 15 % de nos financements ayant des co-bénéfices climat en ont aussi sur la biodiversité. Cette part est appelée à croître dans les prochaines années.

Plus globalement, le rôle des banques de développement est essentiel. La finance publique doit contribuer à pousser les autres acteurs financiers à intégrer le capital naturel dans leurs stratégies d’investissement. Rehausser les standards, compléter les listes d’exclusion, s’engager à « ne pas nuire » à la biodiversité dans tous les projets ou encore renforcer le suivi et la gestion des risques environnementaux croissants… Les pistes sont nombreuses. Notre rôle est de les rendre possibles.