Au Cambodge, l’irrigation au secours des agriculteurs

Novembre 2017, village de Khvaek, au nord du pays. Dans quelques jours, les fermiers vont récolter le riz qui sera battu, séché et versé dans des sacs de 50 kg pour être vendu. Avant de répéter le processus. Ici, cultiver du riz plus d’une fois par an a longtemps été une gageure. Malgré plusieurs petites rivières parcourant la région, il n’y avait pas d’accès fiable à l’eau tout au long de l’année.
Avec le changement climatique, la situation a empiré. Durant la saison sèche, il n’y avait parfois pas d’eau pour les cultures. Pour survivre, la plupart des familles partaient travailler sur des sites de construction de Phnom Penh. Grâce à la réhabilitation du système d’irrigation soutenue par l'AFD depuis 2000, leur vie a changé. Aujourd'hui, un réseau de canaux bénéficie à des milliers de fermiers. L’irrigation a également offert la possibilité aux agriculteurs de cultiver des légumes et de s’essayer aux champs de riz multiples.
Huot Chanthou se dirige vers le marché quand elle s’arrête pour vanter les mérites des canaux. À l’arrière de sa moto cabossée repose un sac débordant de salades, l’un des multiples légumes qu’elle fait pousser en rotation. « C’est vraiment mieux maintenant, confie-t-elle. Je peux faire pousser plein de choses et je dépense moins d’argent dans le pompage de l’eau. Il y a une meilleure route aussi. »
Quand les canaux sont réhabilités, les routes le sont également, offrant du même coup aux agriculteurs un meilleur accès aux marchés et aux intermédiaires. Le projet de l’AFD garantit également l’arrivée de « facilitateurs communautaires » pour aider les fermiers à négocier de meilleurs prix, à mettre leur culture en valeur ou à améliorer leurs techniques, comme l’agriculture biologique, qui rapporte plus. L’argent pour l’entretien et la gestion de ces canaux provient de la communauté.
Mais tous ces changements se font lentement. Dans certaines régions, des problèmes de gestion ont été identifiés. Et pour la grande majorité des programmes d’irrigation qui sont bien menés, il faut parfois des années pour que les agriculteurs apprivoisent de nouvelles pratiques.
À Kampong Thom, un canal traverse le village de S’ang en longueur, séparant les maisons des lopins de terre cultivable. L’eau des canaux de drainage est contrôlée par une vanne entretenue par la Communauté des agriculteurs utilisateurs d’eau (FWUC) et financée à l’aide de cotisations payées par les agriculteurs. Déjà, certaines des rizières ont été moissonnées et replantées avec des rangées ordonnées de salades et de belles-de-jour.
Dans cette région, on ne gagne habituellement sa vie que quand on plante du riz. La FWUC tente de convaincre les agriculteurs de cultiver durant la saison sèche et ne facture pas l’eau une fois que la pluie s’arrête. Même si le canal a été réhabilité en 2006, cela fait seulement deux ans que les cultures hors saison ont commencé.
Peu à peu, les locaux s’habituent donc à cultiver fruits et légumes en saison sèche et la vie du village commence à changer. Avant, chaque saison sèche voyait un exode d’hommes et de femmes partis chercher un travail saisonnier dans les usines, dans le bâtiment ou en tant que petites mains dans les champs des régions alentour. Les grands-parents s’occupaient des petits-enfants tandis que les parents se résignaient à de long mois de travaux dangereux pour des salaires de misère.
« Désormais, nous commençons à organiser notre vie autour du canal. On trouve des solutions pour cultiver durant la saison sèche et travailler près de chez nous », confie Oun Narin du haut de ses 28 ans. Deux ans auparavant, son mari et elle ont arrêté d’aller à Phnom Penh pour travailler dans le bâtiment.
Son époux a trouvé du travail plus près de la maison. À un salaire moindre, certes, mais c’est une baisse de revenus qu’ils peuvent se permettre grâce aux légumes que Narin plante maintenant, avant de les vendre durant la saison sèche. « Avant la rénovation du canal, ici, vous ne pouviez faire pousser que de l’herbe pour nourrir les vaches, explique la jeune femme. Maintenant, si vous revenez dans quelques mois, vous verrez des légumes partout. »