Bangladesh : de l’eau pour tous à Dacca

La pénurie d'eau touche déjà plus de 40 % de la population mondiale et le Bangladesh n’y échappe pas. La capitale, Dacca, est confrontée à une grave crise d'approvisionnement en eau, malgré la présence de cinq fleuves ainsi que de plusieurs canaux, bassins et étangs. Les demandes de la population et la croissance rapide de la ville font peser une pression supplémentaire sur les ressources en eau.
Le réseau collectif géré par l'agence publique d'approvisionnement en eau, la DWASA (Dhaka Water and Sewerage Authority), ne couvre que la moitié des besoins en eau de la population. Les quartiers informels et difficiles à atteindre de la ville, où vivent 30 % des 17 millions d’habitants de Dacca, sont ainsi marginalisés. Les connexions illégales se multiplient mais n'assurent pas l'accès à une eau salubre, tout en nuisant au réseau d'approvisionnement en eau et à l'assainissement public. L’absence d'un service d'approvisionnement en eau officiel permet par ailleurs à un réseau de « mafias » d’eau de contrôler l'approvisionnement, et cela à des taux exorbitants pour les personnes dans le besoin.
Le programme soutenu par l’AFD et l’Union européenne vise à installer 3 000 connexions dans les zones défavorisées de Dacca. Les travaux ont été confiés à des ONG spécialisées dans le secteur de l'eau et à des organisations locales. Les bénéficiaires sont également responsabilisés quant à l’entretien du système et le paiement de leurs factures, garantissant ainsi la durabilité du projet. À Bhasantek, l'entreprise sociale Shobar Jonno Pani (SJP, « L'Eau pour tous ») travaille main dans la main avec Eau et Vie au Bangladesh. Cette ONG française a mis en place des connexions individuelles pour les habitants concernés. Elle élabore également des cours de formation sur l’hygiène, l’environnement et la prévention des incendies, et vise à renforcer les comités de quartier en mettant en place des services d’assainissement, de prévention des incendies et de collecte des déchets.
Fatema Akter, secrétaire générale de l'organisation de développement du quartier à faible revenu, la Nagar Doridra Bosthibasi Unnayan Sangstha, a remercié la DWASA pour son engagement auprès de la communauté lors de la mise en œuvre du projet. « C'est encourageant de voir qu'ils ont compris la nécessité d'impliquer les habitants dans les travaux. Si la communauté est engagée, le résultat est plus durable. C'est ce que nous pouvons constater dans ce cas-là», proclame Fatema. Aujourd'hui, chaque membre de la communauté a accès à un point d'eau qu'il gère indépendamment, sans faire appel à des tiers.
En tant qu’habitante de la communauté de Korail et fervente défenseur des droits des citoyens, Fatema a pu constater que toutes les communautés à faible revenu étaient confrontées aux mêmes problèmes. « Ici par exemple, par le passé, les habitants devaient risquer leur vie et traverser une grande route très fréquentée pour aller chercher de l’eau. Non seulement cela leur prenait beaucoup de temps, mais cela provoquait également beaucoup de problèmes. »
Par ailleurs, les femmes ont parfois été contraintes d'échanger leur travail contre de l'eau ou de payer les fournisseurs en espèces. « Auparavant, vu les moyens compliqués nécessaires pour obtenir de l'eau, ces femmes ne pouvaient pas travailler comme leurs maris et générer des revenus pour la famille. Elles ne pouvaient même pas prêter main-forte pour d'autres tâches ordinaires. Tout cela affectait également la paix au sein des familles. Sans compter les femmes enceintes ou les personnes âgées qui ont eu des accidents en allant chercher de l'eau. »
Ce projet a permis aux habitants de Mirpur et d’autres quartiers d’avoir accès à de l’eau salubre et d’améliorer les installations d’assainissement. Pour des personnes comme Ayesha Begum, 55 ans, c’est un grand soulagement. « Nous devions parcourir de si longues distances… Ce furent des jours difficiles… Je me souviens encore comment, mes filles et moi, avions dû peiner pour aller chercher de l’eau. »
Le projet a également permis de créer un modèle économique durable et reproductible pour l’ensemble des systèmes d'approvisionnement en eau des zones à faible revenu. Les parties prenantes ont promis de garder l'initiative intacte. Un plan d'expansion est d’ailleurs en projet. En outre, la DWASA a bénéficié de l'amélioration de la gestion de son réseau et de la réduction de l'eau non facturée, son fonctionnement étant de plus en plus professionnalisé au sein de ces quartiers informels.
Les projections prévoient qu'au moins une personne sur quatre dans le monde sera touchée par une pénurie d'eau récurrente d'ici l'an 2050. Pour permettre l'accès à une eau potable et à un prix abordable pour tous, il est absolument essentiel d'investir dans les infrastructures d'approvisionnement en eau et les installations sanitaires et de promouvoir l’hygiène à tous les niveaux du système.