De la même façon que le téléphone portable a conquis l'Afrique sans avoir besoin de détrôner un réseau filaire parfois inexistant, l'électricité solaire pourrait bien inonder le continent avant même que l'électricité produite à l'aide du gaz, du charbon ou du nucléaire ait pu se généraliser.
Ce grand bond vers le futur par-dessus les énergies polluantes, le Burkina Faso est en train de le vivre grâce à une infrastructure sans équivalent en Afrique de l'Ouest. Dans un pays où 80 % de la population n'a pas accès à l'électricité, il y avait urgence.
Désormais en phase de test avant son inauguration prévue le 28 novembre 2017, la centrale solaire de Zagtouli voit grand. Située à une quinzaine de kilomètre de la capitale Ouagadougou, financée par l'AFD et l'Union européenne, cette centrale dernier cri permettra de produire environ 5 % de la consommation du pays. Pour un prix au consommateur final quasiment divisé par quatre par rapport à ceux de l'opérateur national du Burkina Faso sur le réseau classique. Et avec un bénéfice pour l’environnement incomparable.
Grâce aux interconnexions vers les villes alentours de Ouahigouya (180 km au nord de la capitale) ou de Gourcy (140 km au nord-ouest de Ouagadougou), ce sont des dizaines de milliers de familles qui voient leur quotidien révolutionné par l’électricité venue du ciel.
C’est en 2016 que le projet de centrale solaire au Burkina Faso se concrétise, avec la construction d’une centrale de 33 MW qui permettra de produire annuellement 56 GWh sur l’ensemble du réseau national de la Société nationale d’électricité du Burkina Faso (Sonabel), soit autour de 5 % de la consommation totale du pays. Pour beaucoup moins cher : « Sur la centrale de Zagtouli, le coût moyen est estimé à 35 francs CFA par KWh, quand celui de la Sonabel s’établissait à 133 francs CFA par KWh en 2016 », explique un cadre de la centrale.
Aujourd’hui, les travaux sont terminés. L’heure est aux essais pour cette structure construite pour résister à des vents de 120 km/h. Ce sont au total 129 600 modules, des « panneaux », qui composent la centrale. Chaque panneau a une puissance unitaire de 260 W. « Une fois que ces panneaux vont capter l’énergie du soleil commence la phase de la transformation. Au sortir des panneaux, on a du courant continu qu’il faut transformer en courant alternatif 420 V ». Puis, pour injecter ce courant sur le réseau national, il faut augmenter cette tension de 420 à 33600 V.
Pour piloter tout cela, rendez-vous au poste solaire. Il est en charge du suivi des performances des paramètres de la centrale. « C’est là qu’on choisit la puissance qu’il faut mettre sur le réseau, en fonction aussi des conditions climatiques et de ce que peut produire la centrale ». Ne reste qu’à ouvrir les vannes pour éclairer le Burkina.
Bérenger Dabiré n’avait jamais imaginé travailler sur un site de ce genre. À 27 ans, ce diplômé en biologie est le superviseur Hygiène, sécurité et environnement (HSE) de la centrale. S’il y a une chose qui ne le quitte jamais, c’est son amour pour l’environnement. « Lors de ma formation à l’université polytechnique de Bobo-Dioulasso, j’ai été touché par ces questions de climat, d’énergies renouvelables », se souvient-il. Un jour, il voit passer une annonce sur le web pour un job sur le site de la centrale. Il postule avant d’être embauché. Nous sommes au début de l’année 2016.
Plus d’un an après, Bérenger Dabiré n’a pas de regret. Bien au contraire. « J’ai bénéficié d’un encadrement sur le terrain. Et avec ce travail, je gagne bien ma vie et je m’occupe de ma famille », sourit le jeune homme. Sous sa responsabilité, Bérenger travaille avec des ouvriers qu’il doit convaincre d’intégrer les questions d'hygiène et de sécurité environnementale. « Quelqu’un qui a travaillé depuis 20 ans sur des chantiers sans chaussures, ce n’est pas facile de lui expliquer qu’il faut en porter ».
Mais le superviseur y met de la patience et de la pédagogie. « J’ai fait beaucoup de sensibilisation. Par exemple, je leur dit que s’ils ne mettent pas de chaussures, ils peuvent se blesser et ne plus pouvoir travailler ». L’argument est imparable : « Au fil du temps, ils se sont habitués et cela nous a permis d’éviter des accidents », se réjouit-il. Aujourd’hui, Bérenger rêve de faire un master en QSE (Qualité, sécurité et environnement) et de postuler à un emploi plus grand. « L’expérience que j’ai acquise à la centrale va y contribuer fortement ! »
Georgette Koné, la « doctoresse »
31 janvier 2017. Georgette vient à peine de finir ses études. Cette infirmière diplômée d’État n’attend pas les affectations et postule directement pour diriger l’infirmerie de la centrale de Zagtouli. Blouse blanche, le sourire permanent, les journées de cette mère de famille sont presque pareilles : « Je travaille sous la supervision d’un médecin qui vient une fois dans le mois. Mon rôle est d’apporter les soins à tout le personnel sur le site du centre de Zagtouli. Ce sont en général des blessures, des gastro-entérites et le paludisme. »
Elle ausculte, prescrit des médicaments et fait le suivi de ses patients. « En général, je leur demande de revenir me voir. Mais ils ne reviennent plus lorsque ça commence à aller », rit la jeune femme. Par jour, ce sont 4, 6 voire 15 personnes qui passent dans son infirmerie, un conteneur aménagé qui dispose d’un lit de consultation et d’une salle d’hospitalisation.
Le travail de Geogette Koné concerne aussi la prévention. « Nous organisons beaucoup de campagnes de sensibilisation sur le sida et la méningite », précise-t-elle. A la fin de la journée, Georgette range soigneusement sa blouse dans un placard. Fière de participer, comme tous ceux qui font Zagtouli, à la révolution verte du Burkina Faso.
En vue d’accroître sa production et satisfaire la forte demande, une extension de la centrale solaire de Zagtouli est déjà en projet. Celle-ci permettra de produire 17 MW supplémentaires, en plus de la capacité actuelle de 33 MW.
Selon Daniel Sermé, le directeur des études, de la planification et des équipements de la Sonabel, près de 6 millions de Burkinabés pourront être connectés au réseau électrique d’ici à 2020, notamment grâce aux interconnexions et aux productions de nouvelles centrales solaires. Car, après Zagtouli, le Burkina Faso compte bien faire sortir cinq nouvelles centrales solaires de terre.