30 km
de voirie urbaine réhabilitée
400 M€
d'investissements cumulés
1400
personnes employées
À Douala, coeur économique du Cameroun, le gouvernement a lancé des chantiers d’envergure pour réhabiliter la Route nationale 3, l’axe vital qui structure la vie du pays. Mais derrière ce programme colossal, ce sont des femmes et des hommes qui, pendant des mois voire des années, ont changé la ville. Une exposition, inaugurée le 18 avril à Yaoundé, retrace leurs parcours singuliers.

Douala voit transiter la quasi-totalité du commerce national. Elle est traversée par une artère : la Route nationale 3 (RN3). Reliant l’Est à l’Ouest, Yaoundé à Douala, le port à l’aéroport, c’est l'un des principaux axes routiers d'Afrique centrale. 

Mais depuis plusieurs années, les infrastructures routières se dégradent, le trafic est sursaturé et les temps de parcours peuvent atteindre plusieurs heures en période de pointe… Une situation qui menace l’économie, mais pas seulement : les usagers les plus vulnérables, passagers de mototaxis ou piétons, risquent chaque jour leur vie sur une infrastructure devenue dangereuse. 

La réponse des autorités camerounaises ne s’est pas faite attendre : trois chantiers ont été lancés pour réhabiliter les accès est et ouest de Douala par la RN3, et construire un second pont sur le fleuve Wouri.

Achevés en 2017, ils ont permis de repenser plus de 30 km de route au cœur de la ville. Chaussées élargies, aménagements paysagers, voirie adaptée aux différents usages… Ces infrastructures facilitent la mobilité urbaine, améliorent la sécurité des déplacements et le cadre de vie. Le projet a également créé de nombreux emplois : le ministère des Travaux publics et l’AFD, principal soutien du programme à hauteur de 300 millions d’euros, ont en effet promu le recours aux compétences et savoir-faire locaux.

Ce projet a dynamisé l’économie locale mais a surtout permis aux Camerounaises et aux Camerounais d’œuvrer pour le développement de leur pays. Ces femmes et ces hommes, chefs de chantier ou ingénieurs, ont tous contribué à faire de ce projet une réalité. Ils nous racontent leur histoire.

Chantier RN3, Douala, Cameroun, des hommes et des femmes qui changent la ville, pont sur le Wouri
Rachedatou CHUMBE, chantier RN3, Douala, Cameroun, AFD
Rachedatou : « Sur le terrain, les gens voient d’abord la femme avant de voir l’ingénieure. »
Diplômée de Polytechnique à Yaoundé, Rachedatou est ingénieure dans le génie civil, un métier encore peu courant pour une femme. Sur le terrain, les préjugés sont encore tenaces et il faut redoubler d’efforts pour gagner en légitimité.

« Les gens voient d’abord la femme avant de voir l’ingénieure. Dépassons les préjugés : non, ce métier n’est pas exclusivement réservé aux hommes, explique Rachedatou. Nous les femmes avons les mêmes capacités pour l’exercer et nous suivons la même formation. » Sur les chantiers d’accès est et ouest de Douala, cette ingénieure a géré au quotidien une équipe de quatre personnes et a suivi la mise en œuvre des projets sur les plans administratif, technique et financier. Elle a même présidé des réunions réunissant entreprises, communauté urbaine et ministère des Travaux publics.

Un rôle et un projet dont Rachedatou est fière : « Je n’avais jamais travaillé sur des chantiers aussi conséquents en termes de grandeur et d’impacts sur la population. »
Damo DOURANDI, chantier RN3, Douala, Cameroun, second pont sur le Wouri, AFD
Damo : « Grâce à mon métier, je réalise mes rêves d'enfance ! »
Damo, ingénieur ouvrage d’art, a travaillé sur le chantier du second pont sur le fleuve Wouri. Son expertise, il l’a acquise lors de ses études en Allemagne financées grâce à une bourse de l’État camerounais, et au cours de missions à l’étranger. Mais pour lui, le retour aux sources s’est fait naturellement : « Je suis resté dix ans en Allemagne, mais c’est comme si j’étais une goutte d’eau dans le Wouri. Alors qu’au Cameroun, les routes sont dégradées et le besoin de main-d’œuvre qualifiée est fort. » Damo est donc rentré au Cameroun et a enchaîné les projets.

Son métier lui permet de réaliser un rêve d’enfance : implanter des objets qui vont traverser le temps. Le pont sur le Wouri incarne cette vision : « Il va non seulement fluidifier la circulation mais aussi contribuer à l’embellissement de la ville avec ses formes qui représentent la culture Sawa. »

Un métier et un milieu qu’il aime partager avec les jeunes en stage sur le chantier, et qu’il aimerait que les Camerounais s’approprient pour qu’un jour, « avec un peu d’expérience et de pratique, les ingénieurs camerounais soient capables de réaliser ce type d’ouvrages seuls. »
Jean-Paul TSAFACK, chantiers RN3, Douala, Cameroun, AFD
Un exemple pour les plus jeunes
Jean-Paul est le chef d’entreprise de Fochou Planete, l’un des sous-traitants des chantiers d’accès est et ouest de Douala. « Grâce à un bon travail sur l’accès est, j’ai gagné un appel d’offres pour l’accès ouest. Ce projet ambitieux m’a permis de réaliser certaines choses pour la première fois. » Une expérience qui a boosté sa confiance, étoffé un parcours déjà riche et lui permet d’avoir de belles références à son actif.

Jean-Paul voit son avenir au Cameroun : « Aujourd’hui, aller en Europe ne m’intéresse plus. Je veux continuer à travailler dans mon pays où il reste beaucoup à faire. Je veux participer au développement de mon pays. » Et à l’insertion de sa jeunesse : « J’ai envie de prendre des jeunes sous mon aile pour les former, les faire gagner en autonomie, en confiance aussi. »

Aujourd’hui, son entreprise réalise un chiffre d’affaires de 600 millions de francs CFA et emploie une main-d’œuvre locale. « Une fierté » pour ce jeune entrepreneur qui aime faire bouger les choses.
Liliane NJANFANG, chantier RN, Douala, Cameroun, pont sur le Wouri, AFD
De vendeuse de koki à... machiniste
Les débuts de Liliane sur le chantier du second pont sur le Wouri ? Vendeuse de koki, ce petit gâteau typiquement camerounais ! Avant que son destin ne prenne un autre tournant : « Un jour, j’ai demandé à l’un des ouvriers de me laisser essayer sa " griffe", ce matériel utilisé pour donner une forme à une tige de fer. Je me suis tellement bien débrouillée que le chef de chantier m’a proposé de devenir ferrailleuse. J’ai accepté sans hésiter ! »

Son enthousiasme et sa volonté ont fini par bluffer même les plus sceptiques : « Pour les ouvriers, c’est un boulot d’homme, ils ne croyaient pas qu’une femme pouvait faire ce travail. Et au final, je faisais mieux que les ferrailleurs de formation. »

Liliane ne s’est pas arrêtée là : elle a appris à utiliser d’autres machines, a formé des équipes et a pu elle-même suivre des formations, notamment de secourisme. Le pont a changé sa vie : « Travailler ici a été une grâce pour moi. Du début à la fin, je me suis donnée corps et âme pour ce chantier. »