Au Cameroun, dans la région de l’Est, le Programme national de développement participatif met sur pied et accompagne des projets de développement à l’échelle des communes et des villages. Soutenus par l’AFD et l’Union européenne, ces projets placent les populations rurales au coeur d’un processus dont la pérennité est assujettie à leur implication.

Le développement rural reste un vaste chantier au Cameroun. Dans un pays où près de la moitié de la population ne vit pas en zone urbaine, difficile de concilier tous les aspects du développement en dehors des grands centres urbains, tant les acteurs sont divers.

En 2004, avec la mise sur pied du Programme national de développement participatif (PNDP), la donne change. Mécanisme de financement décentralisé du développement local mis en place par le gouvernement camerounais sous la maîtrise d’ouvrage du ministère de l’Économie, de la planification et de l’aménagement du territoire (MINEPAT), le PNDP coordonne la réalisation de milliers de projets mis en place de concert avec les communes, sur tout le territoire national.

Dispositif évolutif, le PNDP en est à sa troisième phase. Accompagné par plusieurs partenaires techniques et financiers (AFD, UE, Banque mondiale, KfW), le programme bénéficie de plusieurs financements, notamment du Fonds européen de développement (FED) qui cible prioritairement les régions de l’Est, de l’Adamaoua, du Nord et de l’Extrême-Nord pour la mise en place, entre autres, d’infrastructures socio-économiques et d’investissements en appui aux filières de production.

Dans la région administrative de l’Est, essentiellement rurale, le FED permet ainsi la réalisation de projets multiformes, fruits d’une approche participative et d’un déploiement à petite échelle de technologies adaptées aux réalités locales pour répondre de manière efficace aux besoins des populations.
 

Point d'Eau à Ngouekong © Rodrigue Mbock / AFD
Engelbert Massa Kella, pédagogie et pratique
Engelbert Massa Kella, la pédagogie en accord avec la pratique
Le port droit, quasi martial, l’homme domine d’une bonne tête tout autour de lui. Engelbert Massa Kella est le directeur de l’école publique de Toungou Aéroport, située dans la commune de Mandjou.

Créée en 2016, l’école a fonctionné des années durant dans des baraquements en matériaux provisoires avant de bénéficier d’un financement FED de l’Union européenne via le PNDP, saisi par la commune dans le cadre d’un diagnostic participatif. Le projet permet la construction, entre autres, d’un bloc de salles de classe en parpaings équipées de tables-bancs, d’un bâtiment administratif, de latrines alimentées en eau et d’une fosse à déchets.

À l’évocation des anciennes conditions de travail et d’apprentissage, le directeur fait la moue. Car au-delà du délabrement général des bâtiments, l’absence de latrines en particulier a trop souvent occasionné une promiscuité malsaine entre élèves et enseignants, obligés de se soulager dans les buissons environnants.

« Les enseignants et moi-même prodiguions des leçons d’hygiène et de salubrité aux élèves, raconte Engelbert Massa Kella. Hélas, faute d’infrastructures, l’instant d’après, nous les regardions faire exactement le contraire de ce que nous leur avions appris, sans pouvoir les reprendre. »
Maïmouna Ousseni, des planches aux murs
Maïmouna Ousseni, des planches aux murs
Écolière en classe de CE2 à l’école publique de Toungou, Maïmouna Ousseni parcourt allègrement le kilomètre quotidien qui sépare son domicile du plateau latéritique qui abrite son école.

Comme la plupart de ses camarades, elle a récité ses leçons dans un bâtiment fait de planches mal assemblées, au sol en terre battue et au toit de feuilles de palmier tressées, qui pourrissent si vite qu’il faut les changer souvent. Elle a connu le murmure du vent à travers les planches disjointes, la danse envoûtante des mauvaises herbes qui appellent à l’école buissonnière, loin des contraintes de l’apprentissage et de la sévérité du maître, la saison des pluies, celle des averses violentes dont les premières gouttes sonnent la fin des cours, faute d’abri : « Il va pleuvoir, rentrez chez vous. »

Une après-midi, la jeune fille a été rattrapée par la pluie sur la route déserte, alors qu’elle courait en riant au milieu des flaques d’eau. Son délicat sourire s’est figé devant la mine déconfite de ses parents. Livres et cahiers si durement acquis n’étaient plus qu’une pâte informe dans le cartable détrempé.

Aujourd’hui, Maïmouna ne rentre plus sous la pluie. Depuis que les bâtiments de son école sont en matériaux pérennes, grâce aux travaux effectués par la commune et financés par l’AFD et l’Union européenne, une forte averse et le mitraillage des gouttes d’eau sur le toit de tôle est simplement l’occasion d’une courte sieste.
Sonya Meboum, sécher le manioc en toute sécurité
Sonya Meboum, sécher en toute sécurité
Sonya n’a pas oublié cette terrible période où, pour sécher le précieux manioc, il fallait disposer d’une bâche de plastique encombrante et d’entretien difficile. À 25 ans, cette cultivatrice aguerrie sait l’importance du séchage dans le processus de conservation et de transformation du manioc : « Pour peu qu’on le sèche mal, la moisissure s’installe et toute la récolte est contaminée. »

Soumis aux variations d’un climat tropical rapidement fluctuant, le séchage est une course contre la montre où le temps joue en défaveur des cultivatrices. Pratiqué sur l’accotement des routes bitumées, il s’avère aussi dangereux. S’y ajoutent les conditions sanitaires précaires : déjections d’animaux, fumées de véhicules, poussières et autres débris polluent facilement le manioc.

Après une consultation participative de la collectivité, le PNDP a retenu le projet de construction d’une aire de séchage moderne, via un financement AFD/Union européenne. Sonya est formelle : La « pierre à sécher le manioc » — traduction littérale de l’ouvrage en langue locale — est d’entretien plus facile et, surtout, réduit le temps de séchage. Les dalles de ciment sont situées loin de la route, donc d’accès plus sûr. Seul bémol : il n’y en a pas assez.
village Ndoumbi 2, séchage de manioc, Nya Loga Rosette
Rosette Nya Loga Rosette, « Maman Présidente »
À Ndoumbi 2, dans la périphérie de Bertoua, le manioc est également roi. Ici, les femmes se sont réunies en association pour gérer communautairement les problématiques liées au développement local. Rosette Nya Loga, présidente de l’association, est une dirigeante de caractère.

En 2018, suite à la construction d’une aire de séchage sur financement AFD/Union européenne, la plupart des femmes de Ndoumbi 2 ont abandonné le séchage du manioc sur les bâches de plastique. Comme à Mbeth 2, exit les problèmes sanitaires et de sécurité liés à la pollution du manioc séché sur l’accotement de la chaussée.

En tant que présidente d’une association composée de cultivatrices, « Maman Présidente » est un témoin de premier ordre des changements opérés dans la filière : « Auparavant, nous cultivions le manioc, le séchions, le consommions et vendions l’excédent transformé en bâtons de manioc, mintumbas (gâteaux traditionnels) et autres produits. Grâce à la nouvelle "pierre à sécher le manioc", le séchage va très vite, et le manioc se conserve plus longtemps, mais d'autres aspects ne suivent pas, tempère Rosette Nya Loga. On manque de matériel pour tremper le manioc et après le séchage, très souvent, nous manquons de débouchés pour vendre les produits issus de la transformation. »
école publique Gouékong, contrôle utilisation forage, Charles ONANA
Charles Onana, l’eau potable en toute sécurité
Lorsqu’il arpente les allées de l’école publique de Gouekong, Charles Onana est en terrain connu : il a passé une partie de sa jeunesse sur les bancs de cet établissement. Il est désormais le président en exercice de l’association des parents d’élèves de l’école du village, dans lequel il vit toujours : « L’école a été fondée en 1984. Au départ, elle était construite en matériaux provisoires, puis peu à peu, grâce à l’aide des partenaires et autres bailleurs de fonds, nous avons pu la bâtir en matériaux définitifs et l’agrandir. »

La grande fierté de Charles Onana est le point d’eau aménagé au sein même de l’école. Gouekong, comme la plupart des zones rurales du Cameroun, souffre d’un grave problème d’accès à l’eau potable. Ici, pendant plusieurs décennies, le seul point d’eau aménagé a été une source située à plus d’un kilomètre et demi de l’école sur le versant d’une colline en pleine forêt.

Contraints de traverser la nationale qui sépare l’école du point d’eau, plusieurs enfants se font renverser. Des accidents graves qui laissent le village sous le choc. Lorsque le PNDP et la commune effectuent des consultations au sujet des micro-projets à réaliser, la population cible en priorité la réalisation d’un forage au sein de l’école.

Désormais opérationnel, destiné en priorité aux écoliers qui n’ont plus à effectuer un périple dangereux pour se ravitailler en eau potable, le forage est également ouvert aux riverains. Ils peuvent y puiser l’eau gratuitement, à condition de contribuer à un fonds destiné à entretenir l’ouvrage.
Paysan du village de Mbèth 2
Programme national de développement participatif : le dialogue d’abord

Le Programme national de développement participatif (PNDP) assure la maîtrise d’ouvrage de l’essentiel des projets de développement rural financés au Cameroun par l’Union européenne et l’Agence française de développement. Son déploiement dans les 360 communes du pays en fait un programme décentralisé d’accompagnement fonctionnant sur un mode participatif.

Financé par la Banque mondiale qui lui alloue le gros de ses financements, le PNDP bénéficie dans sa troisième phase de l’accompagnement technique et financier de plusieurs autres bailleurs intervenant dans des domaines spécifiques : l’AFD à travers les fonds C2D, l’Union européenne à travers le Fonds fiduciaire d’urgence et le Fonds européen de développement.

En résonance avec ses objectifs d’appui au développement local, de renforcement et d'accompagnement du processus de décentralisation, le PNDP mise sur une approche participative qui vise à l'autonomisation des communes et des villages. Dans cette logique, ces entités deviennent des acteurs de leur propre développement. 

Qu’il s’agisse d’écoles, de ponts, de points d’eau, d’infrastructures agro-pastorales, les besoins des communes font ici l’objet d’un diagnostic participatif au niveau communal et au niveau des villages. La planification qui en résulte débouche sur une programmation selon une échelle de priorités. Frédéric Bandon, coordonnateur technique chargé des infrastructures, le répète à l’envi : « Le PNDP est une démarche didactique, de construction et de capacitation, un processus qui inclut la maturation, la réalisation et l’entretien du projet réalisé. » 

Fonds fiduciaire d’urgence de l’Union européenne : au-delà des projets
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Construction d'un magasin de stockage et formation de 100 jeunes dans la localité de Maroua 1er © Rodrigue Mbock / AFD


Au-delà des ponts, écoles, forages et autres infrastructures agro-pastorales qui constituent les priorités du développement local des zones rurales au Cameroun, certains financements favorisent des approches spécifiques. C’est le cas du Fonds fiduciaire d’urgence de l’Union européenne.

Des projets financés par ce fonds dans le Septentrion (nord du pays) ont ainsi permis à l’État du Cameroun et à l’AFD de développer des programmes d’investissement local favorisant l’emploi des jeunes selon l’approche Haute intensité de main-d’œuvre (HIMO).

Ce dispositif consiste à mobiliser des populations marginalisées (jeunes, femmes) sur des chantiers de première nécessité (forage de puits, tracé de pistes rurales). En mobilisant massivement la main-d’œuvre locale dans le cadre des chantiers, cette approche concourt, au-delà de la réalisation du projet, à l’accompagnement de ces jeunes par des activités de formation et d’insertion professionnelle.

Dans certains cas, une partie du salaire est versée sur un compte d’épargne ouvert dans un établissement de micro-finance, ce qui permet au bénéficiaire de se constituer un capital. C’est le cas d’Angeline Mebouskua, 28 ans. Mère de cinq enfants, sans qualifications, la jeune femme au foyer est engagée sur le chantier de construction de la mare de Ndoukoula, dans le département du Diamaré. Durant environ cinq mois, elle réalise des travaux de manutention. Rémunérée, elle réalise des économies réinvesties dans l’achat d’une machine à coudre.

Le chantier terminé, Angeline suit une formation de couturière qui lui permet maintenant de se lancer à son propre compte, avec beaucoup d'ambition : « L’argent gagné me permet de m’occuper de la santé de mes enfants, de leur éducation et de leur habillement. Je suis déjà en train de faire de nouvelles économies pour construire un petit atelier et ensuite acquérir une deuxième machine à coudre. » 


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