120
élèves accompagnés
7
élèves ont décroché leur bac en 2017
2 ans
Temps nécessaire pour atteindre le niveau bac
Des mineurs condamnés par la justice peuvent espérer un avenir meilleur grâce à un cursus scolaire adapté et un accompagnement au quotidien. Reportage dans la banlieue de Bogota, auprès des adolescents suivis par le Club Amigo Soacha.

En Colombie, comme dans d’autres pays d’Amérique latine, les mineurs écopent encore de peines de prison ferme lors de leurs condamnations devant les tribunaux. C’est pour faire évoluer cette situation que le Bureau international catholique de l’enfance (BICE), soutenue par l’AFD via son dispositif Initiative ONG, milite pour que les mineurs ne soient pas systématiquement enfermés dans des prisons et continuent à vivre « une enfance sans barreaux ».

Pour y parvenir, le BICE s’est associé avec la congrégation des Tertiaires capucins qui gèrent des centres d’orientation juvénile en Colombie, et le Centre de formation et de promotion de la jeunesse (CENFOR), spécialisé dans les programmes scolaires adaptés. Avec l'aide de ces structures, le Club Amigo Soacha propose une alternative à l’enfermement pour 120 jeunes au parcours de vie très difficile, dans un quartier défavorisé de Soacha, à la périphérie de Bogota.

Dans ce centre, l’éducation est la pierre angulaire des programmes proposés aux adolescents. Le CENFOR a ainsi développé des programmes académiques « à la carte » pour ces jeunes parfois déscolarisés depuis plusieurs années.

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Ivan mise tout sur ses cours pour changer de vie
Ivan Dario Martinez Sanchez a tout juste 16 ans. Il sera papa dans quelques semaines et suit les cours au centre depuis plusieurs mois. Avec l’aide de ses professeurs, il lutte pour contrôler ses addictions à des substances psychoactives. Ivan est surtout un enfant curieux qui « aime bien le foot, comme tout le monde ». « Mais ce que je préfère c’est l’histoire. Je voudrais connaître les pyramides égyptiennes ou la muraille de Chine ».
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Jineth a retrouvé le goût de l'école
Après avoir quitté l’école à 14 ans et vécu dans la rue pendant deux ans, Jineth Marina Niño Ocaño a obtenu son baccalauréat et veut maintenant devenir juge familial. « Ici, les professeurs ont cru en moi, je ne me suis jamais sentie stigmatisée, je ne me suis jamais ennuyée et j’ai retrouvé le goût de l’école, l’envie d’étudier. »
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Brayan, futur architecte ?
Brayan Felipe Campos Alvarado a été exclu de l’école à 8 ans et a fait partie des nombreux gangs « pandillas » d’enfants des rues. « Avant je pensais qu’on était seul dans la vie. Maintenant je sais que mes professeurs sont là pour m’aider. J’ai recommencé le lycée. Je suis plutôt bon en maths et je veux devenir architecte. Je veux construire des maisons avec piscines ! Sans les cours que je suis ici, je serais encore débile ! Sans mes cours je serais encore en train de zoner dans mon quartier et d’y faire de grosses bêtises ».
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Carol se donne les moyens de réaliser son rêve
Carol Dayana Cifuentes Jimenez n’a pas encore 18 ans et reconnaît avoir eu de mauvaises fréquentations. « Mais tout ça c’est derrière moi ! Je veux m’en sortir et devenir criminologue, avoir une vie honnête ! Je sais que je peux y arriver parce qu’ici au centre, le niveau académique est supérieur à celui des collèges publics. Comme l’enseignement est personnalisé, on comprend mieux ».
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Une formation spécifique

L’équipe pédagogique du CENFOR est spécialement formée pour encadrer ces jeunes. Elle est constamment à leur écoute, les motive quotidiennement via des rituels élaborés de façon conjointe. Les élèves commencent ainsi leur journée en récitant un texte positif. Surtout, on ne se juge jamais, pour écarter tout type de stigmatisation. Ensemble, professeurs et élèves construisent un projet de vie pour que la « remise à niveau académique » soit intégrée dans la construction de l’avenir des jeunes concernés.

La clef de la réussite ? Des programmes sur mesure
Les jeunes scolarisés au Club Amigo Soacha sont tous conscients que leur formation est la condition sine qua non pour ne pas retourner dans la rue et commettre d’autres délits.

Comment éviter le retour à la rue des jeunes déjà condamnés par la justice ? Après une évaluation du niveau scolaire des élèves, les professeurs développent donc des programmes adaptés à chaque cas. « Il s’agit de détecter leurs points forts pour les encourager et les motiver », explique Mileidy Parraga, membre de l’équipe pédagogique du centre. Selon elle, la réussite des élèves réside dans la flexibilité des enseignants.

L’enseignement laisse par exemple une grande place aux jeux. La plupart des jeunes du centre souffrent en effet de difficultés à se concentrer. Ponctuer la journée par des jeux de société est une solution qui a fait ses preuves. De même, les cours d’art plastique quotidiens aident les élèves à faire baisser leur niveau d’anxiété.

Au Club Amigo Soacha, les cours d’activités manuelles sont aussi très importants car ils aident les jeunes à s’orienter vers ce qui leur plaît. L’activité menuiserie, la joaillerie ou le cours d’art plastique sont très prisés par les étudiants qui, encouragés par des professeurs bienveillants, se découvrent des talents dont ils ne se doutaient pas. Pour la pédagogue Mileidy Parraga, il faudrait cependant « plus de professeurs », tant les élèves ont besoin d’un suivi strict et permanent. Éviter la récidive est à ce prix.