Guatemala : et la lumière fut avec Kingo

Un seul élément vous manque, et tout est dépeuplé. En Amérique centrale, où une part significative de la population ne peut appuyer sur un interrupteur le soir venu, l'accès à l'électricité est un enjeu majeur de développement. Malgré les progrès importants réalisés entre 1990 et 2010, plusieurs millions de personnes sont encore privées de connexion à un réseau électrique. Au Guatemala, on compte ainsi plus de 300 000 foyers non raccordés qui s’éclairent à la bougie, au kérosène ou grâce à un groupe électrogène. Insatisfaisant, dangereux, cher.
Depuis quelques années, un air nouveau souffle dans ce pays grâce à une innovation locale dédiée aux zones les plus reculées du pays : Kingo, un boîtier intelligent installé en une vingtaine de minutes par simple raccordement à un panneau solaire. Cette production autonome est totalement déconnectée du réseau électrique national et indépendante des infrastructures centralisées.
Derrière ce boîtier magique orange, il y a Kingo Energy, société créée en 2013 dans laquelle Proparco, la filiale de l’AFD dédiée au secteur privé a pris une participation en 2016.
L'un des gros atouts de Kingo réside dans sa simplicité d'utilisation, mais aussi d'installation. Pour commencer, un capteur solaire individuel est installé sur le toit de la maison. Le client signe un contrat sans engagement assorti du paiement d'unités de temps, comme pour les recharges de téléphone portable. Une fois le kit installé et les codes prépayés renseignés, l’accès à l’électricité est débloqué.
À aucun moment, la procédure d'installation n'utilise le réseau téléphonique. La mise en route de Kingo est donc possible dans les zones les plus reculées. Le système n’implique par ailleurs ni achat de matériel par le client, ni paiement de l’installation du dispositif. Ce dernier intègre une garantie et un service après-vente permanent assuré par les équipes de Kingo sur simple appel.
Les clients ont le choix entre deux offres : la première permet d’alimenter chaque jour trois ampoules pour cinq heures d’éclairage et de recharger un téléphone portable. Le tout pour 70 centimes d’euros par jour ou 13 euros par mois. Avec la seconde, on peut éclairer la pièce principale de la maison pendant cinq heures, recharger trois téléphones portables et alimenter deux équipements électriques (télévision, ordinateur, etc.).
Pour les dirigeants de Kingo, les besoins des populations et le marché du petit boîtier orange ne s’arrêtent pas aux frontières du Guatemala. Après une première levée de fonds de 13,5 millions de dollars, dont 4 millions de prêts, Juan Fermin et son équipe entendent lever 8 autres millions de dollars lors d’une seconde levée de fonds qui permettrait de lancer Kingo au niveau régional : en Colombie, au Honduras, au Nicaragua et au Mexique.
Tout le monde sait qu'elle va exploser, mais personne n'a encore trouvé la recette miracle pour la diffuser massivement. L'énergie solaire est confrontée à un paradoxe : elle est la solution reconnue pour les populations privées d'électricité dans le monde - avec un marché potentiel similaire à celui de la téléphonie mobile. Mais les investisseurs traînent la patte pour s'y lancer. À leur décharge, les investissements nécessaires sont énormes pour équiper des foyers à l'échelle d'un pays ou d'un continent, dans des zones très rurales ou désertiques, difficiles d'accès et mal desservies.
Si jusqu'à aujourd'hui, aucun modèle économique n'est encore parvenu à s'imposer, Kingo compte bien changer la donne. Grâce, notamment, à la confiance d'investisseurs comme le groupe AFD : « Notre connaissance du marché et notre adaptabilité nous permet d’investir de façon rentable tout en réduisant les écarts de pauvreté », estime le directeur de Kingo Energy, Juan Fermin Rodriguez. « Toutefois, les besoins financiers étant ce qu'ils sont, il est essentiel d’être accompagnés par des partenaires qui acceptent de prendre des risques que les banques locales ne sont pas en mesure de prendre ».
Un engagement d'autant plus important dans un pays comme le Guatemala où l'État souhaite limiter l'endettement public au maximum. Ajoutés à la baisse de 80 % du coût des installations solaires depuis 2008, l'aide des institutions financières internationales et l'apport des capitaux privés seront les deux leviers du succès de Kingo. Bien au-delà du Guatemala.