Il y a quelques années, l’idée de se déplacer pour gagner le centre-ville de Kochi et ses bureaux donnait des migraines aux 2 millions d’habitants de la ville. Rickshaws, bus et voitures encombraient des rues devenues trop étroites. Le trajet pouvait prendre plusieurs heures selon l’itinéraire.
Depuis le 7 février 2014, l’AFD est engagée aux côtés des autorités locales et du gouvernement indien pour y soutenir la construction du métro. Depuis l’inauguration de la première ligne en juin 2017, le métro est devenu la fierté des habitants de la ville. Écologique, il a déjà contribué à la réduction de la pollution ambiante, notamment grâce à l’utilisation de panneaux solaires pour alimenter les stations.
À son lancement, les curieux y venaient pour tester les escaliers mécaniques et autres portes automatiques. Mais aussi pour y observer une particularité : son personnel, composé à environ 75 % de femmes. Des employées de nettoyage aux conductrices de train, le métro de Kochi a féminisé ses postes de travail dans des proportions jamais vues auparavant en Inde.
Mohammed Hanish, directeur général de Kochi Metro Rail Ltd


« Au tout début, les gens me demandaient si c’était réellement moi la cheffe de station. » Athira Kutty se souvient de l’appréhension de ses premiers mois à son nouveau poste. Aujourd’hui, cela n’effraie plus la jeune mère de famille. Bien au contraire : « Ici, c’est comme si j’avais des super pouvoirs. Ça a développé ma confiance. Et c’est la même chose pour toutes les femmes qui travaillent dans le métro. »
Le quotidien d’Athira Kutty, une des 700 femmes qui travaillent dans les 22 stations de la ville, c’est d’assurer le bon fonctionnement des équipements du métro d’Aluva, une des quatre stations de bout de ligne où elle travaille. Dans cette zone loin du centre-ville, le métro a changé la vie. Ces stations ne désemplissent pas de la journée : « Avant c’était le chaos, des bouchons, du monde partout. Mais aujourd’hui les gens ont un moyen de transport rapide et confortable pour se déplacer. »
Cette diplômée en électronique venait de quitter un poste d’enseignement et de se marier quand elle a vu la petite annonce passer. Elle y a répondu pour sortir du chômage et a été sélectionnée, avant de suivre un an de formation à ses futures fonctions. « C’était la première fois qu’un métro se construisait au Kerala. Je ne savais pas à quoi m’attendre. Et maintenant je réalise que j’utilise 100 % de tout ce que j’ai appris à l’université, et que j’apprends de nouvelles choses chaque jour. »
Elle a des gestes assurés et la voix bien posée. Derrière son guichet, Vidya Vijayan rend la monnaie à un passager de la station de Kaloor. Il y a deux ans, elle n’imaginait guère sortir de sa vie de mère au foyer, entre la gestion des tâches domestiques et sa petite fille de 9 ans.
Mais Vidya Vijayan fait partie du groupe d’entraide Kudumbashree qui a signé un contrat de partenariat avec Kochi Metro Rail Ltd. Cette organisation, gérée par les femmes et pour les femmes, a permis à de nombreuses mères de famille en marge du monde du travail de s’insérer professionnellement.
« J’avais passé un test, et j’ai été sélectionnée. Comme beaucoup de gens qui viennent de Kudumbashree, je n’avais pas de travail avant ce test. Et avant de commencer, j’avais franchement un peu peur… », explique la jeune femme.
Après une formation destinée à apprendre comment gérer le matériel informatique et les clients, Vidya a pris plus d’assurance : « Il y a beaucoup de femmes ici, et on se demandait comment les passagers allaient réagir à ça. Mais nos craintes n’étaient pas justifiées, les gens sont très gentils avec nous. Et l’atmosphère entre nous est très détendue. »
Avec le métro, son horizon s’est élargi. Et par ricochets, celui de sa fille aussi, scolarisée en primaire. « Elle aime bien venir ici, regarder la station, les trains passer. Je crois que ça l’inspire. Peut-être qu’un jour elle voudra en conduire un, pourquoi pas ? Et moi je n’ai rien contre, elle peut faire ce qu’elle veut de sa vie ! » Comme Vidya, 600 femmes de milieux défavorisés sont employées par le Metro Kochi Rail Ltd. Cette mobilité sociale, c’est l’autre victoire du métro de Kochi.

Les yeux rivés sur son smartphone, Deepak attend son métro pour le centre d’Ernakulam. Cet employé de bureau croisé à la station d’Edappally ne se fait pas prier pour donner son avis sur le métro : « Avant je prenais le bus pour aller à mon travail. Aujourd’hui je le fais en métro, ça a diminué mon temps de transport de 50 %. Et c’est beaucoup plus confortable ! »
À cette heure matinale, la station est pleine de jeunes professionnels qui ont adopté le métro en un clin d’œil. Tous apprécient sa modernité, entre le design des gares et celui des rames aériennes. « C’est pratique, confortable, et en plus la balade au-dessus des rues de la ville est chouette ! » s’enthousiasme Amrita, jeune avocate d’un cabinet local. Elle regrette juste une chose : « Là où j’habite, il n’y a pas encore de ligne, alors je suis impatiente que le réseau se développe et arrive bientôt chez moi. »

Ce développement du réseau est en cours, avec une deuxième phase lancée pour étendre le réseau au sud-est de l’agglomération. Mais à terme, l’ambition est bien plus large confirme Mohammed Hanish, le directeur général du métro de Kochi : « Nous voulons que tous les transports urbains, le métro, les bus, les rickshaws, les taxis et les navettes fluviales, soient intégrés et accessibles à l’usager avec un seul et même titre de transport. »
En fluidifiant les transports urbains et en innovant dans sa politique de ressources humaines, le métro de Kochi devient une référence en matière de mobilité urbaine durable dans la région. Et une voie toute tracée vers une société plus ouverte.
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