50 kilomètres de La Paz. Après une demi-heure de piste dans un paysage désertique apparaissent quelques maisons en adobe, à base d’argile. Une colonne de porcelets traverse la route en terre et quelques vaches paissent ici et là. C'est le village de Calamarca.
Une serre, d'une dizaine de mètres de long, tranche dans ce paysage désolé. Voilà trois ans qu'elle a été installée, avec le soutien du groupe AFD, du Secours catholique et de l’ONG locale CIPCA. Elle permet de nourrir quinze familles, réunies au sein d’une association de producteurs. Oignons, persil, carottes, l'intérieur de la serre contraste avec l'environnement sec et désertique de l'Altiplano. À côté de jeunes pousses de blettes, de belles salades fraîches sont parfaitement alignées sous la bâche.
Ici, les habitants ont toujours cultivé des pommes de terre, la base de leur alimentation. Faire pousser d'autres légumes est un travail beaucoup plus exigeant. À 4 000 mètres d'altitude, les sols sont peu fertiles et le climat rugueux.


CIPCA a pour objectif d'implanter un modèle d'agriculture durable. Énergie, eau, intrants... Les implications sont multiples. Ici, un panneau solaire a aussi été installé. Celui-ci alimente désormais une pompe permettant d'aller puiser de l’eau ; eau qui servira à l'arrosage de la serre. L’Altiplano étant une zone aride, préserver la ressource hydrique est un enjeu capital. Or, l’arrosage installé grâce à ce panneau solaire est très économique. Grâce au goutte à goutte installé dans les sillons, « nous utilisons le réservoir de 300 litres en trois jours environ. Les plantes ont juste l’eau dont elles ont besoin », précise Maria.
La serre de la communauté de Caluyo est devenue un véritable cœur d'activité autour duquel s'organise la vie des quinze familles. Il faut mettre la pompe en marche, assurer l’entretien du panneau solaire, désherber, ramasser et diviser les légumes, sarcler, replanter. William a 27 ans et s'il est allé en ville faire des études, aujourd'hui il voit l'avenir ici, à Caluyo : « Je suis allé à La Paz quelques temps. Mais là-bas il y a beaucoup de bruit, beaucoup d'agitation. Je préfère être ici et maintenant qu'il y a la serre il y a de quoi faire, il y a du travail et ça me plait. »

La Paz, il y a passé quelques mois, pour des études d’agronomie. Travaillant en parallèle dans la construction, il a très vite su que cette vie urbaine n’était pas faite pour lui. Aujourd’hui de retour, marié à Sofia, William est l’un des moteurs de la communauté. Il s’est formé dans la construction d’infrastructures productives, mais également dans la production potagère et la santé animale – grâce à CIPCA.
Il cherche désormais à valoriser au maximum les produits issus de la serre : « Ce que nous produisons c’est pour notre consommation. Nous n’avons plus besoin d’acheter de légumes. Et maintenant nous avons amélioré nos rendements, alors, quand nous avons trop de légumes nous les vendons au marché. On gagne peu pour le moment, mais c’est un début ! » Une fois par semaine il se rend avec d’autres associés de la serre au marché de Villa Remedios. Là-bas, ils vendent leur surplus. Avec environ 100 bolivianos de gains par semaine, pas de quoi faire fortune pour le moment. Mais peu à peu, un véritable processus commercial se met en place.
Et les quinze familles de rêver à une production encore plus importante qui serait vendue jusqu'à La Paz « car nous venons d’obtenir le label bio », précise Juana Quispe, de CIPCA : « Nos légumes sont organiques, et c’est un véritable atout. Maintenant il faut étendre la surface de production, mais pour ça je fais confiance aux membres de la communauté, ils sont tous très investis. »
Le système d'agriculture vivrière et durable développé par la communauté de Caluyo fonctionne si bien qu'il donne des idées aux communautés alentour. Cette année, autour de Caluyo, pas moins de seize serres identiques sont sorties de terre. Chacune nourrit plusieurs dizaines de famille... Au total, le projet doit concerner les familles paysannes amérindiennes de 30 communes de Bolivie, avec l’objectif de voir ces bonnes pratiques se diffuser aux autres familles des territoires visés.