155
quartiers déjà réhabilités
140
équipements collectifs et locaux industriels livrés
3 millions
d’habitants bénéficiaires
À travers un programme ambitieux déployé sur tout le territoire, l’AFD et l'Union européenne soutiennent la réhabilitation de nombreux quartiers oubliés en Tunisie. Au-delà de l’apport des services de base, le dispositif crée du lien social en facilitant l’émergence de lieux et d’actions socioculturelles portés par les communautés locales. Il favorise également l’emploi, avec la construction d’infrastructures de proximité destinées à accueillir des activités industrielles.

Plus des deux tiers des Tunisiens vivent en ville, ce qui en fait le pays le plus urbanisé de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord. L’urbanisation du pays durant les dernières décennies s’est souvent traduite par l’apparition de quartiers périphériques défavorisés, caractérisés par un accès limité ou inexistant aux services de base.

Depuis près de quarante ans, l’Agence de réhabilitation et de rénovation urbaine (ARRU) met en œuvre la stratégie de l’État tunisien qui a fait de l’amélioration des conditions de vie dans ces quartiers l’une de ses priorités. Une manière efficace de contribuer à la réduction des inégalités dans le pays. Dans le cadre du programme PROVILLE lancé en 2013 avec l’appui de l’AFD et de l'Union européenne, 155 quartiers sont ainsi en cours de réhabilitation en Tunisie, au bénéfice direct de près de 860 000 habitants.

En plus d’apporter les services de base, PROVILLE va plus loin que les programmes précédents de l’ARRU dans l’amélioration des conditions de vie des habitants. Le dispositif inclut ainsi la livraison d’équipements collectifs (terrains de sports, salles polyvalentes, espaces verts et maisons de jeunes) et de bâtiments destinés à accueillir des activités industrielles. Des réalisations qui prennent en compte les besoins des populations, identifiés en amont. 

Cette logique de collaboration avec les habitants va s’intensifier dans la seconde phase du programme lancée début 2019, en s’appuyant notamment sur une concertation accrue avec les associations locales et les conseils municipaux, les premiers démocratiquement élus depuis la révolution citoyenne de 2011.

Tunisie, Landoulsi
Tunisie, Chaima, Landoulsi
De nouveaux clients pour les sandwichs de Chaima
Chaima Ben Aissa prépare des mlawis (crêpes à base de semoule, farine et huile d’olive) dans son échoppe de Khelidia, dans la grande banlieue de Tunis. Ici, le client reste à l’extérieur et passe sa commande par-dessus le comptoir qui barre l’entrée de la petite sandwicherie. Les mlawis sont un encas à la fois consistant et bon marché très prisé à l’heure du déjeuner par les ouvriers.

Cela tombe bien : un local à vocation industrielle de 1 000 m² vient de sortir de terre de l’autre côté de la rue de ce petit quartier résidentiel entouré de champs. L’une des portes du bâtiment fait même face à la sandwicherie de Chaima, qui « espère maintenant que l’usine va ouvrir très rapidement » pour donner du travail aux gens et lui permettre de vendre ses mlawis.

Il faut dire qu’il n’y a pas beaucoup d’activités dans les alentours. Quelle que soit l’entreprise qui occupera le bâtiment flambant neuf livré à la mairie par l’ARRU, elle sera de loin le premier employeur du secteur. Une aubaine pour Chaima, mère de trois enfants scolarisés dans le primaire qui « travaille ici en alternance avec sa sœur divorcée ». Le mari de Chaima est quant à lui travailleur journalier. « Si Dieu le veut, espère Chaima, la nouvelle clientèle permettra d’améliorer le quotidien des enfants et leur offrira la possibilité de poursuivre leurs études. »
Tunisie, Latifa, Landoulsi
Enfin du travail pour le fils et le mari de Latifa
Du travail à côté de chez elle, c’est la principale attente de Latifa Tlili, atteinte par une lourde maladie : « Pas forcément pour moi, mais au moins pour mon mari et mon fils ». Avec un taux de chômage officiel de plus de 15 %, la Tunisie peine à offrir des opportunités, en particulier aux jeunes.

Cela fait trente ans que Latifa habite Fouchana, dans la région de Ben Arous, mais seulement deux ans que la construction de sa maison a été suffisamment avancée pour « quitter celle des parents et s’installer dans son propre logement avec sa famille. J’ai été contente en voyant le chantier s’ouvrir à côté de chez moi, se souvient la jeune femme. Contente pour mes enfants et mon mari qui n’ont pas de travail stable. » Depuis quelques mois, une nouvelle rue goudronnée et bordée de lampadaires mène à un imposant bâtiment destiné à accueillir une usine de confection.

Son fils Hamza, 22 ans, a été employé sur le chantier de construction et espère désormais être embauché pour travailler dans l’usine. Il voudrait permettre à sa mère de quitter son emploi d’ouvrière dans une autre usine pour qu’elle trouve un peu de repos afin de pouvoir suivre son traitement médical.
Tunisie, Mouldi, Landoulsi
Une maison plus confortable pour les vieux jours de Mouldi et Zohra
Dans les zones où l’ARRU intervient, elle identifie systématiquement les foyers les plus modestes – 10 % en moyenne - en vue d’effectuer des travaux au sein même des logements. Mouldi et Zohra Jemmi profitent aujourd’hui d’une cuisine et de sanitaires entièrement rénovés dans leur petite maison de Siliana, ville déshéritée de l’intérieur du pays.

Le logement de ce couple d’octogénaires consistait auparavant en une simple pièce à vivre. Avec l’argent reçu en 2016 de la part de l'ARRU et un apport personnel, ils ont pu « agrandir la maison en construisant une cuisine carrelée d’une douzaine de mètres carrés et améliorer les toilettes ». Des travaux que n’aurait jamais pu se permettre le couple, dont le seul revenu est la pension de retraite de 320 dinars (moins de 100 euros) de Mouldi, ancien gardien dans une école.

Le salon a aussi été agrandi et peut maintenant accueillir un vieux banc en bois et un peu de mobilier en plastique autour d’un réchaud à gaz et d’un téléviseur, seul luxe du foyer, offert par leurs enfants partis il y a longtemps travailler à Tunis et dans d’autres villes.
Tunisie, Mohamed, Landoulsi
Mohamed Aziz, futur avocat ou policier d’élite
Mohamed Aziz Rebai a commencé à pratiquer le taekwondo à l’âge de 4 ans. Avant de pouvoir prendre le bus tout seul, il allait à l’entraînement « assis derrière son père sur une vieille mobylette Peugeot, jusqu’à trois fois par semaine, sans compter les compétitions ». La salle de sport du quartier Essaida, où il a grandi, n’a en effet été construite qu’en 2016 dans le cadre du projet de l’ARRU, en plus des travaux de voirie et de raccordement à l’assainissement. « Avant, c’était le désert pour les jeunes. Une petite partie seulement pouvait se permettre de faire des kilomètres pour pratiquer un sport ou n’importe quelle activité », se rappelle le jeune prodige.

Avant 2011, son père avait pourtant tenté, en vain, d’obtenir des autorités la construction d’une salle de sport dans ce quartier situé à 20 km de Tunis. « Puis la révolution est arrivée et a permis de nous faire entendre. » Aujourd’hui, environ 200 jeunes de 5 à 20 ans, dont une majorité de filles, pratiquent régulièrement le taekwondo et le kickboxing dans la salle de 1 500 m², moyennant une cotisation de 15 dinars (3,50 euros) par an.

Sacré champion de Tunisie de taekwondo de 2014 à 2016, Mohamed Aziz compte bien obtenir son bac et « poursuivre des études de droit pour devenir avocat ou intégrer les forces antiterroristes ». D’ici là, il va continuer à pratiquer sa passion à deux pas de chez lui et, pourquoi pas, enseigner dans cette salle.
Tunisie, Sousse, Landoulsi
Revitaliser les centres anciens, levier d’attractivité touristique

En Tunisie, les quartiers populaires ne se trouvent pas seulement aux périphéries des agglomérations, mais aussi en leur cœur, en particulier dans les médinas qui font le charme des villes du Maghreb. Ces centres historiques abritent des habitants de condition relativement modeste, en même temps qu’un patrimoine architectural de plus en plus dégradé, faute d’entretien suffisant.

Avec l’appui de l’AFD et de l'Union européenne, l’ARRU a mené une opération pilote de rénovation de quatre médinas emblématiques : Kairouan, Sfax, Sousse et Tunis. À Sousse, les secteurs rénovés se reconnaissent au premier coup d’œil. Outre le dallage visiblement plus récent, c’est surtout l’absence de câbles dans les airs qui se fait remarquer.

« Les réseaux d’électricité et de téléphone ont été placés sous la rue. C’est quand même bien plus agréable visuellement », se réjouit Moez Naija, directeur des travaux à la mairie. Des plantes grimpantes et du jasmin « plantés et entretenus par les habitants » ont pris la place laissée vacante au-dessus des têtes. « Nous avons aussi repeint les façades et restauré les portes qui pouvaient être sauvées. Les autres ont été remplacées », ajoute le responsable municipal.

Les résultats prometteurs de ces opérations ont conduit à la préparation d’un programme plus ambitieux pour 2019 afin de régénérer les médinas et au-delà. Pourrait ainsi être concernée une partie du tissu urbain du 19e et du 20e siècle présentant un intérêt culturel et patrimonial. L’objectif est à la fois d’améliorer les conditions de vie dans ces quartiers et de renforcer leur attractivité touristique et économique, au bénéfice des habitants et des commerçants.
 

En finir avec la marginalisation des régions intérieures
Tunisie, foot, Landoulsi
© Amine Landoulsi / AFD


L’ARRU porte depuis 2011 une grande part de ses efforts sur les régions du sud, du centre et de l’ouest de la Tunisie. Autant de régions qui ont été laissées de côté pendant que l’ancien régime privilégiait le développement de la capitale et du littoral. Une marginalisation qui n’est pas étrangère au déclenchement du mouvement révolutionnaire citoyen de 2011.

Aujourd’hui, il ne s’agit plus seulement d’apporter voirie, éclairage, eau potable et autres services de base aux habitants, mais bien de créer une dynamique locale et régionale porteuse d’opportunités. La quasi-totalité des quartiers du programme en cours comprend ainsi au moins un équipement collectif. Au total, 51 terrains de quartier, 57 espaces pluridisciplinaires et 32 locaux à vocation industrielle sont en cours de livraison aux communes. Ils ont été planifiés et réalisés en concertation avec les administrations locales. Cette concertation locale indispensable au succès de la démarche se renforce dans le cadre du programme PROVILLE 2, lancé début 2019. 

« Les besoins sont importants et urgents », confirme Mongi Bel Mejaoued, maire de Bouarada (nord du pays), 21 000 habitants. L’ARRU est pourtant déjà passée par cette ville il y a quelques années. En témoigne le petit complexe sportif du quartier d’Ibn Khaldoun auquel veillent soigneusement les usagers. « Un bâtiment d’un coût de 800 000 dinars que nous n’aurions jamais pu nous permettre, compte tenu de notre budget d’investissement d’environ 500 000 dinars par an », explique l’édile. Ce genre de structure permet non seulement aux jeunes d’y trouver une occupation, mais aussi à tout un ensemble de petits commerces de se développer.

Les attentes restent très fortes dans la population de ces régions. À Bouarada toujours, Mongi est impatient que les travaux démarrent dans le quartier de Mellassine, où habitent plus du tiers de ses administrés. L’endroit est régulièrement inondé et plongé dans le noir, faute de système adéquat d’évacuation des eaux pluviales.

L’ARRU et l’AFD, plus de vingt-cinq ans de partenariat
Tunisie, ARRU, Landoulsi
© Amine Landoulsi / AFD


L’ARRU, qui dépend du ministère de l’Équipement et de l’Habitat tunisien, a un mode d’action bien rodé. « Dès la programmation, une coordination se met en place entre tous les ministères, les administrations locales et les concessionnaires de services publics concernés : eau, électricité, gaz, assainissement et téléphonie, explique Imed Ghanmi, chef des projets menés par l’agence pour la région de la Manouba. Nous tâchons également de prévoir l’arrivée de nouvelles infrastructures qui ne dépendent pas directement de nous, en aménageant un terrain pour la construction d’une école ou d’une poste, par exemple. »

L’AFD, un des partenaires historiques de l’ARRU, a accompagné les différents programmes d’aménagement urbain depuis son arrivée en Tunisie en 1992. Souvent via des délégations de fonds ou par le biais de cofinancements avec d’autres bailleurs internationaux (Union européenne, Banque européenne d’investissement et Banque mondiale notamment). Ce soutien à l’ARRU pour l’amélioration des villes est complété par d’autres actions de l’AFD en appui à certains concessionnaires – eau et assainissement en tête –, aux collectivités locales et aux transports.

En vingt-cinq ans, l’AFD a apporté son concours à la rénovation d’environ 1 000 quartiers, abritant près de 3 millions d’habitants. Au fur et à mesure des programmes, ceux-ci se sont étoffés pour prendre en compte davantage de besoins et d’acteurs. En complément de PROVILLE 1 et 2, l'AFD inaugure par exemple un nouveau concept de pépinière urbaine. Le but du dispositif est de soutenir des actions portées par les communautés locales pour animer leurs quartiers et renforcer le lien social : espaces de jeux, espaces verts, jardins partagés, concerts et animations. En Tunisie, l’avenir se construit avec les habitants.

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