Les menaces posées par le changement climatique, comme l’élévation du niveau de la mer et l’intensification des cyclones tropicaux, et l‘érosion de la biodiversité représentent des enjeux vitaux pour les pays et territoires insulaires du Pacifique.
Renforcer la résilience et l’adaptation au changement climatique des écosystèmes et populations océaniennes, c’est le rôle du projet RESCCUE, coordonné par la Communauté du Pacifique et financé en grande partie par l’AFD et le FFEM.
Deux des sites pilotes du dispositif sont situés dans les îles Fidji, à 16 500 km de Paris. Dans la province de Ra, un volet du programme consiste à réhabiliter le littoral en plantant des mangroves (photo ci-contre) et de la végétation côtière, sources de nombreux bénéfices pour les communautés comme la protection des habitations face aux cyclones.
RESCCUE, dont la mise en œuvre aux Fidji est assurée par l'université du Pacifique sud, se donne également pour objectif la protection et la gestion durable des bassins versants. Ceci afin de limiter les risques liés aux inondations, préserver la ressource en eau et la biodiversité grâce à la reforestation. RESCCUE prévoit aussi la restauration de berges de rivière, la création de zones protégées et de deux fermes agroforestières. Dans plusieurs villages, des pépinières ont vu le jour, ainsi que de nouveaux systèmes de gestion des déchets domestiques. Avec, à chaque fois, le souci d’agir en partenariat étroit avec les habitants.
« Le concept fondamental de RESCCUE, c'est d'avancer avec la population, de l'écouter et de travailler avec elle de manière intégrée et cordiale pour s'assurer qu'elle s’approprie le projet. »
Isoa Korovulavula, coordinateur de RESCCUE aux îles Fidji (photo d'ouverture ci-dessus, à droite)
C’est un des joyaux du programme RESCCUE dans la province de Ra. La réserve marine située au large de la Côte du soleil des Fidji, le parc naturel de Vatu-i-Ra, est une attraction pour les touristes avec ses coraux, ses immenses bancs de poissons et ses colonies d'oiseaux marins visibles sur une surface de 110 km2.
Jean-Baptiste Marre, coordinateur régional adjoint de RESCCUE, travaille à la Communauté du Pacifique à Nouméa. Il considère le parc comme un grand pas en avant : « Il protège la plus vaste zone de récifs coralliens et d'écosytèmes marins de Fidji, c'est une réussite majeure. »
En partenariat avec l’ONG Wildlife Conservation Society, RESCCUE a travaillé avec les populations locales, les tour-opérateurs, les pêcheurs, l’administration provinciale et le gouvernement à la création et l’adoption de ce parc marin exceptionnel. En parallèle, RESCCUE a développé un mécanisme de financement pour assurer la durabilité des activités de conservation et de gestion des ressources du parc, tout en favorisant le développement local à travers des bourses d’étude pour les jeunes.
Les étudiants, alliés de l’environnement
Les visiteurs du parc payent ainsi chacun un droit d'entrée facultatif de 15 dollars fidjiens (6 euros), valable pour une année civile. Sur ce revenu et d'autres dons complémentaires, 30 % sont utilisés pour les activités de conservation et gestion du parc marin. Les autres 70 % vont à un fonds d'éducation offrant des bourses aux étudiants du district de Nakorotubu.
Cette année, 18 étudiants sont ainsi devenus les premiers boursiers de cette initiative. Parmi eux, Tevita Laso Savua prépare un diplôme en histoire et géographie à l'université du Pacifique sud. Ce jeune homme de 21 ans du village de Tobu envisage une carrière au service de la planète : « Je me suis fixé l’objectif de devenir un défenseur de notre environnement face au changement climatique qui menace directement notre cadre naturel. »
Depuis son enfance, Ratu Etuwini Sivo est aux premières loges pour observer les impacts du changement climatique à Nabukadra. Pour ce chef de village de 69 ans, l'un des plus significatifs est l'érosion des côtes : « Nos ancêtres avaient une digue faite de gros rochers, se souvient-il. Mais elle ne protège plus le littoral. »
Le changement climatique a continué à se manifester par des inondations à répétition dues aux événements pluvieux extrêmes et par une vague de sécheresse qui a affecté les agriculteurs. Dans toutes les mémoires, le cyclone tropical Winston (44 morts, des dégâts estimés à 31 % du PIB fidjien) a frappé les Fidji en février 2016, provoquant à Nabukadra un chaos comme Ratu Sivo n'en avait jamais connu auparavant : « Tout a été dévasté, nos habitations et nos moyens de subsistance comme l'environnement. »
Protéger la nature ensemble
De nombreux hectares de mangroves, dont la réhabilitation et la protection font partie du projet RESCCUE, n'ont pas survécu aux assauts du cyclone. Ratu Sivo a aussi noté que des habitants, inquiets pour leurs moyens de subsistance, ont souvent agi de manière individualiste. « On n’agit plus vraiment de manière communautaire, alors qu'avant nous en aurions discuté, souligne-t-il. Ces agissements individuels ont fini par dégrader les milieux naturels. »
Le chef de village veut recréer un esprit communautaire pour résister face aux impacts du changement climatique. Et s'assurer que les comportements s’inscrivent dans une perspective de développement durable plutôt que de causer des dégâts à l’environnement, parfois irréversibles.
L'intervention de RESCCUE a permis aux populations locales de prendre conscience de l'importance de la gestion durable des ressources naturelles : « C'est quelque chose de fondamental, reconnaît Ratu Sivo. RESCCUE a permis de restaurer les valeurs de conservation des ressources et d'avoir une communauté et un environnement plus résilients aux effets du changement climatique. »
Lancé en 2014, le programme RESCCUE prévu pour une durée de cinq ans s'arrêtera fin 2018 aux Fidji. Sur le terrain, ses activités dans la région seront clôturées à la mi-2019.
Jean-Baptiste Marre, coordonnateur régional adjoint de RESCCUE (photo d'ouverture en haut de page, à gauche), indique que des discussions sont en cours avec l'AFD pour poursuivre l'effort dans les Fidji. Mais il souligne le travail déjà effectué et la dynamique durable qui s’est enclenchée : « Pour le parc marin de Vatu-i-Ra par exemple, un mécanisme financier additionnel et pérenne a été mis en place. Pour les activités de reforestation, nous avons impliqué le ministère de l'Agriculture et le ministère des Forêts qui poursuivront l'effort à partir des pépinières communautaires, quoiqu’il arrive. »