Présente dans le pays depuis 1942, l’AFD célèbre avec le Sénégal la plus longue collaboration de son histoire sur le continent africain. Une superbe exposition montée à Dakar en ce mois de juillet rend hommage à celles et ceux qui transforment le Sénégal au quotidien.

L’AFD et le Sénégal, c’est une histoire longue comme une vie humaine. La plus longue sur un continent où se réalise aujourd’hui plus de la moitié de nos engagements. Ces 75 années de vie commune entre « Naatango » (partenaires, en wolof) auront été marquées par les évolutions permanentes de nos activités. Pour célébrer cet anniversaire particulier, nous avons souhaité donner la parole aux femmes et aux hommes qui construisent le Sénégal d’aujourd’hui et de demain à travers quatorze portraits exposés à Dakar en juillet 2018 (dont quatre sont à découvrir ci-dessous).

De l’environnement à l’eau, du développement rural et urbain en passant par l’énergie et l’éducation, tous les secteurs d’activité sont représentés par leurs acteurs clés, modèles de citoyenneté. À l’exemple d'Amadou Gueye Seye, un « redresseur d’école » qui se bat pour offrir des conditions d’éducation décentes aux élèves casamançais. Ou de Sagna Awa Ndiaye qui offre des opportunités d’insertion professionnelle aux jeunes chômeurs.

En filigrane, cette exposition rend également hommage aux institutions pour lesquelles travaillent ces forces vives, mais aussi aux entreprises publiques ou privées et aux ONG avec lesquelles nous avançons chaque jour. Ces acteurs et ces destins si différents symbolisent tous ceux qui font le développement du Sénégal sur le terrain, au bénéfice exclusif des populations. 

Photos : © Layepro (voir bio en fin d'article)

Dakar, 75 ans, Bokar
Dakar, 75 ans, Fatou Ndiaye
Fatou Ndiaye, les problèmes à la source
Fatou Ndiaye est un long fleuve tranquille. Un caractère paisible comme les eaux du lac de Guiers, le bassin d’eau potable qui abreuve la majorité des habitants de Dakar. Pourtant, cette directrice des travaux de la Société nationale des eaux du Sénégal (SONES), qui y a passé toute sa carrière de 1991 à aujourd’hui, a déjà eu plusieurs sueurs froides et dû éponger quelques ruptures dans les conduites. La plus importante, celle que connaissent tous les Dakarois, est survenue le 12 septembre 2013, à l’usine de pompage et de traitement d’eau potable de Keur Momar Sarr. La casse d’une pièce en acier, située à la sortie de l’usine, a perturbé l’approvisionnement en eau de la capitale pendant trois semaines.

Fatou Ndiaye se rappelle avec précision les manifestations qui ont envahi les rues suite à cet accident. Cette rupture a révélé les carences du système d’approvisionnement en eau du Sénégal, qui fait face à une pression toujours plus forte de consommateurs de plus en plus nombreux. « La population grandit et on court derrière la demande », explique Fatou Ndiaye. Face à cette crise, l’AFD a dégagé une aide d’urgence de 10 millions d’euros. Les investissements prioritaires identifiés par la SONES ont permis de renforcer la sécurisation des infrastructures de production et de transfert d’eau du lac de Guiers. Les travaux sont encore en cours. « Nous sommes en train de changer le système anti-bélier, explique la directrice. Quand nous ouvrons les vannes, l’eau déferle avec une telle force qu’elle peut endommager les installations. » Le projet qui arrive à terme en 2018 prévoit ainsi d’améliorer le service d’eau potable pour 40 % de la production d’eau.

Durant sa longue carrière, Fatou Ndiaye a surtout forgé son expérience sur le terrain. « J’aime me rendre sur place, voir les projets, dit-elle. Le terrain, c’est là où les choses se passent. » Elle se souvient notamment de la collaboration de la SONES sur le Programme d’eau potable et d’assainissement du millénaire (PEPAM) de 2007 à 2015 : « Grâce à l’aide de l’AFD, la SONES a pu construire 16 châteaux d’eau, réaliser des forages et des extensions du réseau, des bornes-fontaines et des branchements sociaux pour les populations défavorisées. »
Dakar, 75 ans, Amadou
Amadou Gueye Seye, de la paille à la brique
Amadou Gueye Seye est ce que l’on peut appeler un redresseur d’école. Lorsqu’il est arrivé à 22 ans, jeune diplômé de l’école normale, dans le petit village de Mékhé où il avait été fraîchement nommé au poste de directeur de l’école, la classe de CM2 était en piteux état. Aucun élève n’avait été admis au collège.

« C’était le désarroi dans les familles du village », se souvient-il. Avec l’aide de quelques camarades de promotion, il réorganise l’établissement, crée deux nouvelles classes et travaille inlassablement à la remise à niveau des cours. Quatre ans plus tard, sur 23 élèves, 17 furent admis au collège. Une réussite qui marqua profondément les habitants du village, dont certains sont devenus, grâce à lui, pharmaciens ou enseignants : « Jusqu’à présent, ils ont gardé un lien très fort avec moi. Je leur rends régulièrement visite lors d’événements, mariages et enterrements. Ils font comme partie de ma famille. »

Cet esprit de solidarité appuyé d’un soucieux travail de proximité, Amadou Gueye Seye l’a mis à contribution tout au long de sa carrière, notamment lors de ses nombreuses collaborations avec l’AFD. Docteur en géographie, formé à l’Institut de géographie de la Sorbonne et à l’université de Rouen, il a cartographié le réseau des écoles publiques et privées dans le cadre du Projet éducation dans les banlieues de Dakar (PEBD). Ce travail de fond a permis une meilleure prise en compte des besoins de ces établissements.

Puis, à travers le projet d’Appui au développement de l’enseignement moyen (ADEM) en 2012, il a contribué à la lutte contre l’engorgement des salles de classe du grand Dakar, définissant les lieux les plus propices à la construction de huit nouveaux collèges et lançant la réhabilitation de neuf existants. Le projet fournira 20 000 places supplémentaires aux élèves sénégalais.

Depuis 2013, il est coordonnateur du Projet d’amélioration de l’éducation de base en Casamance (PAEBCA). Dans cette région, les jeunes doivent apprendre dans des conditions très rudes. « La plupart des écoles sont des abris provisoires construits en tiges de mil ou en lamelles de bambou, explique Amadou. Les enseignements ne peuvent se dérouler que pendant sept mois au lieu des neuf requis. À la rentrée, il faut attendre la fin des travaux champêtres pour construire les écoles qui seront détruites par les pluies de l’hivernage, très tôt. » Soutenu à hauteur de 10 millions d’euros par l’AFD, le projet PAEBCA devrait permettre de remplacer ces écoles de fortune par la construction de 30 établissements en matériaux solides et durables.

Le projet permettra la scolarisation de 9 000 élèves dans des conditions optimales d’éducation. « Tous les établissements seront équipés de salles informatiques et de laboratoires. Il y aura aussi des ouvrages annexes avec des bibliothèques, des salles spécialisées, des puits et des latrines séparées », appuie Amadou Gueye Seye, le sourire enthousiaste. La tâche est encore vaste mais pour le redresseur d’école, la retraite n’est pas pour demain.
Dakar, 75 ans, Awa
Sagna Awa Ndiaye, le vent dans le dos
Dans son établissement, Sagna Awa Ndiaye possède l’aura d’une bienfaitrice qui a élevé la discipline en formule de réussite. « Les compétences, ce n’est pas juste avoir la tête pleine. Il faut aussi posséder un savoir-être et surtout être préparé au monde de l’entreprise », explique la directrice du Centre de formation des métiers portuaires et de la logistique (CFMPL). Depuis qu’elle occupe ce poste, dès l’ouverture du site en 2010, Sagna Awa Ndiaye a fait de son école dakaroise un modèle de performance.

« Nous avons un taux d’insertion dans le marché du travail de 100 % pour nos conducteurs et de 80 % toutes filières confondues. » Au Sénégal, en 2017, le marché du travail devait absorber 275 000 jeunes dont seulement 65 % ont achevé le cycle primaire et 15 % ont bénéficié d’une formation professionnelle.

Pour pallier l’inadéquation entre les besoins du marché du travail et les formations professionnelles, l’AFD a alloué 16 millions d’euros à l’État sénégalais pour la construction de cinq centres sectoriels de formations professionnelles dans le cadre du Projet de qualification des ressources humaines (PQRH). Mécanique automobile, machinisme agricole, BTP, agroalimentaire, logistique et portuaire sont les secteurs couverts.

Avec deux ports en construction, le Sénégal souhaite devenir un acteur incontournable du commerce maritime en Afrique de l’Ouest. « Les jeunes savent que le portuaire est un métier d’avenir », assure Sagna Awa Ndiaye. Pendant ses douze ans à Colgate-Palmolive, elle s’est occupée des laboratoires puis de la production de la glycérine avant de terminer par la sécurité et l’environnement : « Les travailleurs du port n’avaient pas de formation. Nous devions nous occuper nous-même de la manutention de nos navires et former le personnel. » Alors, quand s’est ouvert le poste de directrice du CFMPL, elle a vu l’opportunité de changer le système à la racine : « Aujourd’hui, de nombreuses entreprises sélectionnent nos diplômés car ils sont meilleurs. La discipline est la raison de leur réussite. On leur apprend à être à l’aise devant un jury, à rédiger une lettre de motivation et à parler en public. Même si parfois ils ont l’impression d’être à l’armée, ils se rendent vite compte que ce n’est rien comparé à l’entreprise. »

La méthode semble efficace. En 2015, l’école a été sélectionnée parmi les dix centres de formation de référence en Afrique par un comité éducatif de l’Union africaine. Mais pour Sagna Awa Ndiaye, la satisfaction se trouve ailleurs. Sans doute chez ces parents d’élèves qui peinent à contenir la fierté de voir leur enfant réussir : « Vous l’avez transformé », lui disent-ils en joie. Son plus beau cadeau.
Dakar, 75 ans, Aminata Ndiaye
Aminata Ndiaye, la mémoire vive
L’AFD ? « C’est mon destin ! », lance Aminata Ndiaye dans un large sourire. De tous les employés de l’agence au Sénégal, c’est elle qui est en activité depuis le plus longtemps avec son collègue Abdoul Mbodj. Son expérience de secrétaire puis de responsable du suivi des projets, elle en parle avec une précision comptable : 32 ans et 3 mois de service, sous 10 directeurs et avec plus de 50 projets réalisés. Une fidélité sans faille qui remonte au 24 février 1986. « Je me souviens de la date exacte, dit-elle. Ce sont des moments qu’on n’oublie pas ». Fille des indépendances, née en 1960, Aminata Ndiaye voit ses parents quitter Saint-Louis avec le déplacement de la capitale à Dakar : « J’ai grandi entourée de mes frères et sœurs dans la cité nouvelle de Ouagou Niayes où étaient relogées toutes les familles de fonctionnaires. »

De tous les projets AFD qui l’ont marquée, elle évoque la rénovation des ponts Faidherbe, Cyrnos et Malick Sy, symboles de rapprochement entre les peuples, ainsi que la construction d’écoles dans la banlieue dakaroise en 2005. Celle que ses collègues surnomment « mère Theresa » admet volontiers avoir raté sa vocation. « Je devais faire une carrière sociale, tonne Aminata qui souhaiterait tant planter la graine du savoir dans tous les terreaux. Au Sénégal, même si des réalisations sont faites dans le domaine de l’éducation, plus de la moitié d’enfants non scolarisés sont des filles. Si l’on veut développer une population, il faut développer son éducation ».

Un précepte appliqué à la lettre pour ses trois filles qu’elle a dû élever seule après le décès de son époux en décembre 2007. « Je venais de fêter mes vingt ans dans l’entreprise. Mon mari n’a pas pu toucher ma médaille. Il est parti avant. » La période fut difficile, « mais j’ai un moral de fer, une très forte personnalité et les collègues m’ont beaucoup soutenue. » La même année, elle a dû subir une opération du cœur à Clermont-Ferrand. Mais ce n’est pas le mauvais sort qui va entraver son rire. « Désormais, mon cardiologue me punit si je fais des bêtises en mangeant trop sucré ou salé, s’amuse-t-elle. Je me suis donc mise à la marche. »
En mars 2007, elle créait, avec des collègues, l’amicale des secrétaires de l’AFD dont elle devint la première présidente. Son plus beau fait d’armes : l’organisation d’un concert avec Youssou N’Dour qui a permis de financer un centre de rééducation pour enfants sourds-muets ou handicapés moteurs, et des denrées pour les femmes de la prison de Rufisque.

Après une vie passée à aider ses compatriotes, à deux ans de la retraite, Aminata n’en a pas terminé. L’arrivée d’une petite-fille dans sa première famille lui a donné envie d’ouvrir une crèche. Mais ce n’est pas ainsi que ses collègues se débarrasseront d’elle : « Je viendrai les voir de temps en temps même s’ils me disent de rester chez moi ! Après tout, l’AFD, c’est comme ma deuxième famille. »
Expo Dakar 75 ans
Abdoulaye Ndao, le fort en portraits

Les singuliers portraits publiés ici de ceux qui font le Sénégal d'aujourd'hui et de demain, c'est lui. Né à Lyon en 1986, Abdoulaye Ndao – alias Layepro – est réalisateur et professionnel de l’image. Issu d’une famille où les arts ont toujours été présents, ce diplômé en management des technologies de l’information se passionne très tôt pour les arts visuels et plus particulièrement la photographie. Ses œuvres sont à mi-chemin entre la photo éditoriale, les paysages, les portraits et la publicité.

Son style est basé essentiellement sur de forts contrastes de couleurs, des expressions faciales et corporelles accentuées, le tout toujours accompagné d’une touche conceptuelle. Auteur de la photo officielle du président de la République du Sénégal Macky Sall, Abdoulaye Ndao a déjà mis son talent au service de plusieurs grandes entreprises. Sous la dictée d’un cœur généreux, de ses yeux radioscopiques et de son esprit bouillonnant de créativité, Abdoulaye a un seul credo : « Transformer l’ordinaire en extraordinaire. »