1000
enfants bénéficiaires
30
coachs sportifs recrutés
100 000
euros investis dans le projet par l’AFD
Comment redynamiser par le sport une ville socialement et économiquement sinistrée ? L’ONG Waves for Change a conçu une application pour smartphone qui permet à des coachs sportifs d’être rémunérés aussitôt après avoir animé des activités physiques pour des groupes d’enfants de leur communauté. Testée dans un premier temps dans la ville de Bredasdorp, en Afrique du Sud, l’application est financée par l’Agence française de développement.

Si l’Afrique du Sud célèbre cette année l’anniversaire des 25 ans de la fin de l’apartheid, la nation arc-en-ciel rêvée par l’icône Nelson Mandela peine encore à accepter ses différences. Les Sud-Africains noirs ou métis restent particulièrement discriminés. La ville de Bredasdorp, au sud-ouest de la province du Cap-Occidental, concentre tous les maux d’une Afrique du Sud post-apartheid toujours ghettoïsée. Symbole de cette fracture, il y a six ans seulement, un immense mur séparait encore les habitants des quartiers déshérités, qui rassemblent 85 % des habitants de la ville, des quartiers blancs plus aisés.

À Bredasdorp, la jeunesse peine à trouver du travail. Le taux de chômage des 15-35 ans atteint 20 % et près de 22 % des 15-17 ans sont victimes de travail forcé. Ajoutez à cela une vie associative quasi inexistante, une consommation de drogues et d’alcool dévastatrice, de multiples grossesses en bas âge et un absentéisme scolaire record qui atteint les 30 %… Difficile, dans ces conditions, de rester motivé et de se dessiner un avenir.

C’est pour se confronter à cette réalité sociale et démographique et avec la volonté de changer la donne que Waves for Change et l’AFD ont décidé de mener le projet pilote de l’application mobile W4C à Bredasdorp.

 

 

waves for change soutenu par afd
waves for change tim conibear afd
Bianca, la coach rémunérée
Son diplôme en ressource humaine en poche, Bianca est restée deux ans au chômage. Elle a pensé à quitter sa ville natale de Bredasdorp pour aller chercher du travail. Mais s’installer au Cap sans promesse d’embauche l’a fait renoncer. Trop risqué et trop cher pour la jeune femme, à l’époque sans revenus fixes.

C’est en lisant une annonce publiée dans le journal local que Bianca a entendu parler de l’application Waves for Change : « L’annonce disait que si l’on avait entre 18 et 35 ans, un CV à présenter et un casier judiciaire vierge, on pouvait présenter sa candidature pour devenir coach. Je n’ai pas hésité un instant et j’ai postulé », se rappelle-t-elle. Une semaine plus tard, la jeune femme recevait une réponse positive. Elle fait aujourd’hui partie des 30 coachs de Bredasdorp à participer au projet pilote de l’application mobile.

Depuis, sa vie a changé. Elle anime cinq fois par semaine des séances d’entraînement de football pour 12 enfants de son quartier. Elle reçoit 7 rands (50 centimes d’euros) par enfant et par séance, soit une moyenne de 400 rands (25 euros) par semaine. « Vous n’imaginez pas tout ce que je peux faire avec cet argent. Pour la première fois de ma vie, j’aide mes parents à payer le loyer de la maison. J’ai loué un minibus pour amener l’équipe de foot à la plage. J’ai même réussi à organiser un barbecue pour renforcer la cohésion du groupe. »

Bianca adore le football et a toujours voulu y jouer. Mais il n’y a jamais eu d’équipe féminine dans sa ville. « Mon rêve, c’est de créer la première équipe de foot féminin de Bredasdorp grâce à l’application Waves for Change. »

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Luke, pour qui cela change tout
Lorsqu’il vous parle, Luke, 11 ans, vous impressionne par son recul sur sa propre situation. « Avoir la possibilité de s’entraîner chaque jour au football avec un coach qui s’occupe de nous, il n’y a pas beaucoup d’enfants de mon âge qui ont cette chance à Bredasdorp. »

Et il n’y a qu’à regarder autour du carré d’asphalte qui leur sert de terrain pour que les mots du jeune Luke prennent encore plus de relief. Des dizaines d’adolescents marchent comme pour tuer le temps sans vraiment savoir où leur chemin les mène. Cela, Luke en a bien conscience : « Ce n’est pas facile pour nous de ne rien faire dès que l’on est plus à l’école. Il faut bien s’occuper. Alors on passe notre temps à traîner dans la rue. »

Mais depuis deux mois et l’arrivée à Bredasdorp de l’application Waves for Change, si Luke et ses amis du quartier continuent d’user leurs semelles sur le bitume, c’est pour leur entraînement de football. Leur entraîneuse Bianca est là chaque jour à 17 heures du lundi au vendredi pour leur proposer une nouvelle séance d’entraînement. Et pas un enfant n’est en retard.

À la fin de l’entraînement, encore essoufflé, Luke se confie, « Je reçois de l’espoir et de l’amour tous les jours ici. Je peux partager mes sentiments et mes émotions avec mon entraîneuse. Elle voit tout de suite quand je ne vais pas très bien. Et elle m’aide à me calmer quand je suis en colère. »

waves for change tim conibear afd
Tim, le créateur de l'appli
Lorsqu’il est arrivé en Afrique du Sud, fraîchement débarqué de son Angleterre natale, Tim Conibear se rappelle avoir été choqué de ne jamais voir de Sud-Africains noirs à la plage. Pour lui, ce fut un déclic. En 2011, Waves for Change, son ONG, voyait le jour avec l’objectif d’amener des jeunes des quartiers défavorisés vers le surf. Un succès. Depuis, des milliers d’enfants ont pris la vague du changement.
Le fondateur de Waves for Change a de la suite dans les idées. Dans la foulée, il a imaginé une application mobile pour rémunérer les personnes se portant volontaires pour animer des séances de sport avec les enfants de leur communauté. « Cela faisait des années que, dans les townships, l’on voyait de nombreuses personnes qui voulaient se porter volontaires pour aider au développement de leur communauté par le sport. Alors, pourquoi ne pas leur proposer d’être rémunérés pour cela ? C’est de là qu’est partie l’idée de l’application. »

Il en est convaincu, les valeurs du sport peuvent être une des clés pour réduire la violence et renforcer les liens dans une société. « Avoir un référent à qui l’on peut se confier quand, à la maison ou l’école, tout va mal, cela vous permet d’extérioriser du stress. Et pour les jeunes éducateurs, recevoir un salaire leur permet de devenir de véritables investisseurs et d’avoir leur indépendance financière. »

L’idée fondamentale de son application est d’éliminer tous les intermédiaires entre les bailleurs et les bénéficiaires sur le terrain. « L’AFD, qui finance ce projet pilote, sait ainsi que chaque euro investi termine dans la poche des éducateurs sur le terrain. Il n’y a pas d’argent qui se perd en cours de route, comme c’est trop souvent le cas dans des projets sociaux. »

Tim Conibear aime résumer le concept de son application mobile avec ces quelques mots : « Vivons ensemble, devenons plus fort. »

Les chercheurs de l’Université du Cap partenaires de L’AFD

À Bredasdorp, le projet pilote de l’application Waves for Change est évalué par Lauren October. À 27 ans, cette chercheuse de l’Université du Cap est spécialisée dans les initiatives de sécurité et de réduction des violences. Elle est née et a grandi ici. D’entrée, elle pose le décor : « Je suis aujourd’hui chercheuse dans une grande université du pays mais je peux vous dire que quand on passe son enfance à Bredasdorp, ce n’est pas facile d’arriver à faire des études supérieures. »

Lauren est en charge de l’évaluation d’impact de l’application Waves for Change dans la ville. « J’ai fait passer une annonce dans le journal local pour recruter 30 coachs et leur expliquer le projet. J’ai reçu 70 appels dès le premier jour », explique-t-elle. Un engouement facile à comprendre tant Bredasdorp est une ville socialement et économiquement sinistrée.

« Devant une telle situation, nous avons tout de suite compris combien les effets de l’application Waves for Change pourraient être positifs tant sur les coachs que sur les participants aux activités. Cela leur donne tout simplement une raison de faire quelque chose de leur vie. »

Pour déterminer l’impact de l’application Waves for Change, deux critères sont évalués en priorité : la confiance en soi des coachs et leur indépendance financière. « Si une personne au chômage parvient à gagner une somme régulière pendant quelques mois en donnant des cours de sport grâce à l’application, cela va avoir un impact immédiat sur son humeur et son pouvoir d’achat. Toute la question est de voir si cette application va aussi permettre à ses utilisateurs d’avoir plus confiance en eux pour s’engager encore davantage pour leur communauté. »

Un mois seulement après son lancement, près de 1 000 personnes ont déjà participé à une activité sportive dispensée par des éducateurs Waves for Change ! Soit 5 % de la population de Bredasdorp.

Waves for Change, l’application de la transparence

L’application Waves for Change veut bousculer les codes établis par la plupart des ONG et agences de développement. Comment ? En éliminant tous les intermédiaires entre le bailleur de fonds et le travailleur social sur le terrain.

« Ceux qui donnent leur argent veulent s’assurer que chaque centime profitera directement à la cause pour laquelle ils s’engagent. Avec cette application, il n’y a pas d’argent qui se perd en chemin, comme c’est trop souvent le cas », explique Tim Conibear.
 

waves for change soutenu par afd

 

En soutenant financièrement le projet pilote de l’application Waves for Change, l’AFD s’aventure sur un nouveau terrain. Elle donne son appui à une belle idée pendant une période probatoire. Une nouvelle manière de soutenir des projets représentant les valeurs défendues par l’Agence française de développement.

Si les résultats de cette période d’essai sont concluants, l’AFD et Waves for Change pourraient étendre le projet à plusieurs autres villes sud-africaines et multiplier de façon exponentielle le nombre de coachs… et de sourires d’enfants.