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eau RDC république démocratique du congo AFD Europe Team
Dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, du 1er janvier au 30 juin 2022, le groupe AFD publie chaque mois un entretien avec une ou un spécialiste des questions de développement au niveau européen.

Ce mois-ci, rencontre avec Jean-Marc Châtaigner, ambassadeur de l’Union européenne en République démocratique du Congo.
Jean-Marc ChâtaignerEn quoi consiste votre mission d’ambassadeur de l’Union européenne en République démocratique du Congo ?

Jean-Marc Châtaigner : Ma mission est triple. Elle comprend d’abord une fonction de représentation de l’Union européenne. Elle intègre ensuite un travail d’analyse politique de la situation, utile notamment pour les États membres qui ne disposent pas d’une représentation dans le pays. Ici, ils sont dix à avoir une ambassade et 17 à ne pas en avoir. J’ai également une mission de coordination des États membres qui consiste à unifier les messages que nous pouvons porter aux autorités nationales. J’organise ainsi des rencontres conjointes et valorise dès que possible l’image de l’Union européenne.

De quelle manière le groupe AFD et l’Union européenne travaillent-ils ensemble sur le terrain ?

J.-M. C. : Jusqu’en 2020, les politiques de développement de la délégation de l’Union européenne et des États membres étaient juxtaposées : chacun avançait de son côté avec ses procédures, rencontrait les autres, mais sans véritable coordination. Additionner les coopérations ne suffit pas pour travailler ensemble, nous en avons vu les limites. Il y a eu un vrai tournant avec la pandémie de Covid-19. Nous avons lancé le concept de Team Europe, (Équipe Europe), afin de travailler ensemble dès le début des projets pour bâtir des réponses pertinentes à la crise sanitaire : fourniture d’équipements, vaccins… Il fallait projeter une énergie commune, une vision commune.

Cela a eu un impact important sur la réflexion en termes d’action pour le développement. Avec la mise en place des Team Europe Initiatives (Initiatives de l’Équipe Europe), le modèle a radicalement changé : on nous a demandé de travailler ensemble, de trouver des idées, des thématiques d’intérêts partagés dans le cadre de la nouvelle programmation générale de l’Union européenne pour la période 2021-2027.

Il y a aujourd’hui 137 Team Europe Initiatives dans le monde. Nous avons commencé à travailler de façon opérationnelle dans des secteurs comme celui de l’environnement avec l’Alliance verte. Cela donne lieu à de vrais échanges, notamment sur la répartition des interventions dans les différents parcs nationaux. Le groupe AFD a également consulté notre délégation sur sa stratégie 2022-2026. On peut dire que nous sommes entrés dans une nouvelle dimension d’échange, de projections communes.

Qu’en est-il en République démocratique du Congo ?

J.-M. C. : En RDC nous nous sommes mis d’accord avec les États membres qui sont actifs sur les questions de développement pour travailler ensemble sur deux initiatives de l’Équipe Europe : une première sur l’alliance pour le développement durable, une deuxième sur les questions de paix et de sécurité. Chacune compte cinq États membres engagés : l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, la Suède et la France. Ces initiatives ont déjà créé de véritables dynamiques de travail en commun et de partage d’information.

Quels sont les bénéfices mutuels de ce travail en commun ?

J.-M. C. : C’est une ouverture pour le groupe AFD. Ce n’est pas une dilution dans une marque commune. Nous sommes dans l’échange d’expérience et des savoir-faire, dans la démultiplication de nos compétences et de nos financements, et plus dans la juxtaposition, avec la possibilité, désormais, d’obtenir plus de financements et de peser davantage sur certaines politiques publiques. Ces initiatives Team Europe favorisent les dialogues de politique sectorielle avec les autorités. Rencontrer un ministre à cinq États membres, plus la délégation de l’Union européenne, n’est pas la même chose que d’y aller seul. C’est un levier d’influence supplémentaire.

Pour l’Union européenne, ce travail commun présente l’avantage de l’ouvrir à d’autres savoir-faire, de ne pas rester uniquement dans une optique strictement institutionnelle, d’avoir la capacité de se dépasser et bien sûr de peser davantage à plusieurs. On est plus fort en équipe que tout seul. Même pour l’UE ! Nous serons plus forts dans les discussions avec nos partenaires si nous avons une démarche collective.

L’intérêt, pour les bénéficiaires finaux de ces projets, est que nous avons aujourd’hui une approche en termes d’impact et de résultat : nous discutons d’abord ensemble de l’impact recherché avant de parler des procédures. Cette nouvelle agilité dans les procédures nous permet ensuite d’orienter plus rapidement des financements lorsqu’il y a des demandes. L’offre financière et technique s’en trouve d’ailleurs élargie, et nous présentons une meilleure expertise à nos partenaires. Enfin, lorsqu’un projet fonctionne, nous pouvons le démultiplier beaucoup plus facilement, beaucoup plus rapidement, en tirant les expériences de ce qui a été fait par les uns et les autres.

Faut-il aller vers plus de collaborations de ce type ?

J.-M. C. : Oui, je suis convaincu par cette coopération de terrain. Les approches par le haut n’ont pas fonctionné. Nous avons donc de nombreux avantages à capitaliser sur nos points forts, à multiplier ce type de valorisation de nos compétences.

Mais attention, cela n’implique pas de faire disparaître nos images nationales. L’idée n’est pas de tout fusionner dans un grand mélange indéfini. Il s’agit de valoriser chacune de ces compétences. On avance en marchant et il faut continuer dans ce sens.