Nyalenda, Kenya. Dans ce quartier informel de Kisumu, en bordure du lac Victoria, Maureen Otieno fait la vaisselle dans la cour de sa maison. Une situation qui ne va pourtant pas de soi : en 2002, plus de la moitié des 400 000 habitants de la troisième ville du pays n’avaient pas accès à un réseau de distribution d’eau potable. On se fournissait alors directement dans le lac, au puits, ou via des fournisseurs privés. Alors que les besoins en eau courante étaient estimés à 40 000 m3 par jour, les structures en place - des stations de pompage et de traitement précaires, construites dans les années 1920 et 1960 - permettaient d’en fournir moins de la moitié.
Résultat : des épidémies fréquentes de choléra et un prix du jerrican de 20 litres d’eau qui atteignait 20 Ksh (shilling kényan), contre 1 à 2 Ksh aujourd’hui.

Quant à la distribution, dans un quartier comme Nyalenda, elle suivait un schéma en « spaghetti » c’est-à-dire désorganisé, où la loi du plus fort l’emportait pour les coûts comme pour les connexions. La qualité de l’eau n’était soumise à aucun contrôle. Les eaux usées étaient, elles, directement rejetées dans le lac, l’essentiel des pompes de traitement ne fonctionnant plus depuis longtemps.
C’est en 2002 que l’État kényan a autorisé la création de sociétés de gestion et de régulation de l’eau et de l’assainissement. Sur un financement de l’AFD à hauteur de 39 millions d'euros, le Lake Victoria South Water Services Board s’est alors associé à la Kisumu Water and Sewerage Company (KIWASCO) pour mettre en place un plan pour la ville, allant de la prise d’eau à son rejet dans la nature, en passant par la distribution. Aujourd’hui, grâce à ces investissements, ce sont 74 % des habitants qui bénéficient d’un raccordement au réseau.
En 2018, un nouveau projet, le Lake Victoria Water and Sanitation Project, vient continuer d'améliorer le réseau et le taux d'accès. Ce projet est co-financé par l’AFD, la Banque européenne d’investissement, l’Union européenne et le gouvernement kényan.

Le développement de la ville de Kisumu a vraiment commencé avec l’arrivée du train, en 1901. Mais dans les années 1980, la production d’eau a cessé de répondre à la demande... Aujourd’hui, nous couvrons les besoins de la population jusqu’en 2030 !
Deux sources d'eau complémentaires
Deux prises d’eau, l’une directement dans le lac Victoria et l’autre dans les collines, à la rivière Kibos, ont déjà été réhabilitées. Elles permettront de couvrir les besoins estimés de la population, en forte croissance, jusqu’en 2030. Ces deux stations comprennent le pompage, mais aussi le traitement de l’eau avant stockage dans des réservoirs.
Elles sont complémentaires : le système de pompage de la rivière, qui fonctionne grâce à la gravité naturelle, est en général préféré à celui du lac. Mais en cas de sécheresse, c’est le lac qui prend le relais et sert de source principale. Résultat : un apport en eau continu 24 heures sur 24 contre 6 heures par jour auparavant, et une eau dont la qualité correspond aux normes de l'OMS.

Un modèle original de gestion
Le projet comprend une composante de réhabilitation et d’extension des réseaux de distribution de l’eau, visant notamment les quartiers défavorisés dont celui de Nyalenda, 100 000 habitants. Ces zones à faible revenu suivent un modèle de gestion déléguée unique en Afrique : des exploitants en chef sélectionnés au sein des communautés locales achètent l’eau de la société spécialisée (KIWASCO) et la distribuent aux habitants. L'exploitant en chef est responsable du paiement de chacun pour sa consommation d’eau et assure le raccordement des nouveaux utilisateurs.
L’eau est vendue à 25 Ksh pour 1 000 litres aux opérateurs, qui la revendent à 43 Ksh aux consommateurs, contre 53 Ksh dans le reste de la ville. Grâce au bénéfice réalisé, l'exploitant en chef paie les salaires des qui l’assistent dans son commerce.
Limiter la pollution du lac
La présence d’une zone urbaine en bordure du lac implique un risque de pollution plus élevé. Le traitement des eaux usées, souvent oublié des projets de développement, est une composante du programme. La réhabilitation d’une station d’épuration à Kisat a ainsi été déjà financée : les rejets sont d’abord épurés grâce à un système de bactéries qui se nourrissent de la majorité des agents toxiques présents dans l’eau, puis filtrés dans différents bassins.
Un système de bassins de stabilisation a par ailleurs été réhabilité dans la zone de Nyalenda. Pour l’heure, 16 % des eaux usées de la ville sont traitées. Avec le nouveau projet en cours, la capacité de traitement atteindra 40 à 50 % à l’horizon 2020.