Le 1er décembre 2016, l’élection au suffrage universel d’Adama Barrow mettait un terme à vingt-deux ans de régime autocratique en Gambie. Si, depuis, la situation politique se stabilise, la situation économique du pays demeure très fragile. La Gambie affiche des déficits considérables sur le plan du développement, des infrastructures et des services sociaux. En 2016, elle occupait le 173e rang (sur 188) du classement de l’indice de développement humain (IDH) du PNUD. La pauvreté, qui atteignait alors 48,4 %, reste aujourd’hui généralisée et relativement constante.
En pleine transition démocratique, le pays peut cependant compter depuis janvier 2017 sur la reprise de l’aide internationale, principalement du FMI, de l'Union européenne et de la Banque mondiale. La France n’est pas en reste. Après la réouverture de son antenne diplomatique sur place, elle a décidé, en février 2018, d’intégrer la Gambie dans sa liste des pays prioritaires. En mai 2018, lors de la Conférence internationale des bailleurs pour la Gambie de Bruxelles, la France s’est également engagée à contribuer au Plan national de développement à hauteur de 50 millions d’euros sur quatre ans, devenant ainsi le premier contributeur bilatéral de la Gambie.
Des réformes prometteuses
C’est dans ce contexte que s’inscrit la reprise des activités de l’Agence française de développement (AFD) en Gambie. En 2018, celle-ci a contribué à hauteur de 5 millions d’euros à la transition du pays vers un nouveau programme du FMI, en participant notamment au lancement des audits des entreprises publiques, essentiels pour endiguer une corruption endémique, et en proposant un accompagnement technique des futures négociations avec les principaux créanciers de la dette externe.
Une partie de cette somme a également contribué à la couverture de certaines dépenses de santé comme l’achat de médicaments et de fournitures médicales. Cette participation a été actée par un memorandum of Understanding signé en novembre 2018 par le directeur général de l’AFD, Rémy Rioux, avec les autorités gambiennes en présence du chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian.
L'intérêt principal de départ de la France à l’égard de la Gambie, c'est le soutien de la France à la transition démocratique gambienne. Sans arrière-pensées. Parce qu'il y avait ici une dictature, renversée par les urnes, et la France a été l'une des premières, sinon la première, à soutenir l'élection du président Barrow.
En lien avec le FMI, les nouvelles autorités gambiennes ont effectivement adopté un agenda de réformes afin de renforcer les institutions démocratiques et stabiliser la situation économique du pays. Un immense chantier assumé dans un premier temps par Amadou Sanneh, ministre des Finances du nouveau gouvernement démocratiquement élu. « La plupart des institutions se trouvaient affectées par vingt-deux ans de dictature, témoignait-il dans une interview accordée au FMI lors de sa prise de fonction. Les processus institutionnels s’étaient dégradés et de nombreuses institutions publiques étaient au bord de la faillite. Tous les secteurs étaient endommagés. »
Quand j’ai assumé mes fonctions en janvier 2017, le pays était à bout de souffle.
Réparer vingt ans d’isolationnisme
Difficile, cependant, de réparer rapidement les dégâts causés par deux décennies d’isolationnisme diplomatique et de corruption généralisée. Bien que le redressement de la situation économique soit sur la bonne voie avec un taux de croissance du PIB de 4,6 % en 2017 (contre seulement 2,2 % un an plus tôt), le gouvernement doit faire face à d’importants défis.
Le déficit public élevé (7,9 % du PIB) implique un besoin de financement de l’ordre de 4 % du PIB, qui laisse ainsi peu d’espace budgétaire pour exécuter le Plan national de développement 2018-2021 adopté en février 2018. D’autre part, le poids de la dette publique (130 % du PIB, récemment ramené à 88 % après réévaluation) reste une menace pour la stabilité macroéconomique.
À la tête du ministère du Commerce depuis le remaniement opéré par Adama Barrow en juin 2018, Amadou Sanneh se dit cependant confiant pour l’avenir : « Nous faisons tout notre possible pour engendrer un climat favorable aux affaires en Gambie. Nous offrons des incitations aux investisseurs, notamment des exonérations fiscales et des exemptions de droits pour les biens d’équipement des nouvelles entreprises dans le secteur manufacturier. Dans un environnement concurrentiel, nous intervenons pour faire de la Gambie un pays très accueillant pour les investisseurs. La situation s’améliore, et nous sommes encouragés par ces signes de croissance. »
Priorité à la sécurité alimentaire
Après avoir contribué à la stabilisation macroéconomique du pays en 2018, l’AFD devrait désormais se focaliser sur la sécurité alimentaire des populations, qui passe essentiellement par la production de riz. « Nous étudions la possibilité d’intervenir dans l’aménagement et l’extension de petits périmètres rizicoles irrigués, détaille Alexandra Diaby, chargée de mission Macroéconomie et Gouvernance financière à l’agence de l'AFD de Dakar. L’objectif est de mettre en œuvre un projet rapide et démonstratif portant sur la petite irrigation et le développement de la chaîne de valeur rizicole dans la zone est de la Gambie. »
En savoir plus sur l'action de l'AFD en Gambie
Autre priorité pour 2019 : appuyer la Compagnie nationale d’eau et d’électricité (NAWEC) dans la distribution d’eau potable à Banjul, la capitale de la Gambie. « L’objectif du projet à l’étude est d’améliorer la qualité du service de la NAWEC, de restaurer l’équilibre financier du secteur, d’améliorer l’accès à l’eau potable et la planification de la NAWEC pour l’eau et l’assainissement dans la région de Banjul », détaille Alexandra Diaby.
Signe du dynamisme retrouvé du pays, la Gambie a inauguré le 21 janvier 2019 la « Transgambienne », un pont d’1,8 km enjambant le fleuve Gambie au sud du poste-frontière gambien de Farafenni. Attendu depuis plusieurs décennies, au point d’avoir été baptisé « le pont de la délivrance », celui-ci devrait permettre de doper les échanges commerciaux entre la Gambie et ses voisins d’Afrique de l’Ouest.