Ce mardi 6 février 2018, à 19h, c’est un peu de la RCA qui débarquera du côté du 11e arrondissement de Paris, aux Ateliers Varan, cette école de cinéma documentaire reconnue internationalement et fondée par Jean Rouch et Jacques d’Arthuys en 1981.
Dix courts-métrages seront présentés en petit comité. Pour les dix apprentis réalisateurs, c'est une première étape après sept semaines de travail intense passées à apprivoiser toute la dimension technique, narrative et artistique du métier… par la pratique – pédagogie appliquée qui est le mantra, depuis toujours, des Ateliers Varan.
Organisé en partenariat avec l’Alliance française de Bangui et le soutien, parmi d'autres, de l’AFD, dont le mandat s’étend, depuis 2016, au soutien aux Industries culturelles et créatives, cet atelier Varan a eu lieu à l’automne 2017 dans la capitale centrafricaine. L’idée de Rouch et d’Arthuys reste d’une pertinence et d’une actualité totale : donner les moyens aux jeunes créateurs, partout à travers le monde, de faire entendre leur voix, au plus près de la réalité vécue, pour produire un discours différent sur leurs pays, souvent préempté par le discours médiatique, politique ou institutionnel, ou enseveli sous les affres d’une actualité tragique.
Pour la RCA, durement éprouvée par des décennies de conflits, cette démarche a fait mouche. Pascal Brouillet, responsable de l’AFD à Bangui et fondu de cinéma lui-même, insiste sur le fait que la formation de jeunes réalisateurs « est à la fois l’objectif et le moyen de construction ou de reconstruction d’une capacité de production documentaire par les nationaux. En plus de la constitution d’une industrie cinématographique, détaille-t-il, la mise en valeur de ces regards permet de saisir beaucoup plus intimement la réalité vécue par les populations locales ».
Soutenir un pays passe aussi par la reconstitution d’un discours et d’un regard qui lui soit propre, par la réappropriation de son histoire.
L’aventure continue
La présentation (non ouverte au public) des films aux Ateliers Varan est à la fois un premier aboutissement et une rampe de lancement. Premier aboutissement d’un projet ayant conquis encadrants et stagiaires devenus cinéastes ; rampe de lancement vers le développement d’une esthétique documentaire centrafricaine, les jeunes auteurs réfléchissant à la manière de s'organiser pour continuer l’aventure, notamment via la création d'une Société coopérative d'intérêt collectif et d’un fonds de soutien pour financer leurs projets de création.
Le réalisateur Boris Lojkine (qu’on connaît notamment pour « Hope », en 2014), à l’origine du projet avec Pascal Brouillet et qui fut présent pendant toute la durée du stage automnal, est convaincu qu’un « collectif » est né, sans doute même « un collectif de cinéastes », dans un pays qui n’en a pour l’heure jamais connu.
Les films de Leila Thiam, plongée immersive dans un service de traumatologie d’un hôpital communautaire, d’Elvis Ngaibino, révélant les dilemmes éthiques d’un médecin sans le sou ou encore de de Christian Ousseine cheminant, à coups de plans coup de poing auprès d’un jeune sans abri rêvant de devenir chanteur, en convainquent sans peine. Ils sont autant de pépites brutes où mise en scène, cadrage et progression narrative s’articulent avec une liberté désarmante. Action !