- Je suis devenu noir à 9 ans.
- Pfffaaahh !
Et voilà la jeune Anna victime de son cri du cœur, dans l’amphithéâtre du Forum des images, à Paris, où l’AFD organisait ce 13 février une journée de débats autour de la notion de citoyen du monde. Sa réaction spontanée à la réflexion de Lilian Thuram, qui expliquait comment sa couleur de peau était devenue un sujet de moqueries à son arrivée en métropole, lui vaudra de monter sur scène malgré ses protestations. Tout à côté du célèbre footballeur désormais engagé dans l’éducation contre le racisme.
EN DIRECT : Lilian Thuram et Pascal Blanchard s'interrogent sur le #racisme et les #inégalités #CitoyenDuMonde https://t.co/mYArWU9q1m
— AFD_France (@AFD_France) 13 février 2018
Accepter l’autre, interroger la solidarité, avoir la pleine conscience que ce qui se passe là-bas nous concerne ici, dans un monde plus ouvert que jamais, ce sont ces thèmes qui ont occupé la majeure partie d’une journée mêlant experts, personnalités issues de la société civile et environ 300 jeunes collégiens et lycéens réunis au Forum des images, au cœur de Paris.
À l’aune des prises de parole des uns et des autres, le cliché des adolescents désintéressés par le monde qui les entoure a volé en éclats. Jehanne, une « U-reporter » de l’Unicef de 21 ans, se souvient de son premier engagement solidaire, à… 14 ans. Avec sa chasuble des Restos du cœur, elle encourageait les clients d’un supermarché à glisser des denrées de première nécessité dans le chariot de l’association. Une expérience riche en enseignements à coups de belles rencontres, mais aussi de bonnes leçons : « La toute première dame que j’ai abordée pour lui proposer de donner aux Restos du cœur, se souvient Jehanne, a passé son chemin en m’ignorant totalement. » Morale de l’histoire : « Ce n’est pas parce que je porte des valeurs qu’elles sont portées par les autres, et mes raisons ne sont pas forcément celles des autres. »
Un peu plus âgée mais pas moins engagée, l’ex-championne du monde de karaté Laurence Fischer dédie sa deuxième vie à la défense des femmes. Là-bas, et ici. De l’Afghanistan à la République démocratique du Congo et bientôt en Seine-Saint-Denis, la fondatrice de l’association Fight for Dignity s’engage à fond dans ce à quoi elle croit : « Se servir du sport comme outil de reconstruction. »
« Ces gens sont des exemples, admet la jeune Kiliana, 16 ans, entre deux conférences. On prend conscience qu’on peut changer les choses dans le monde, à notre petit niveau. » L’engagement, pour cette lycéenne en première S au lycée Arago de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne), ce sera les enfants : « Je veux aider des petits non scolarisés dans des pays lointains à aller à l’école. Et ici, je voudrais donner des cours de soutien scolaire à ceux qui arrivent de l’étranger et en ont besoin. » D’autres causes lui semblent malgré tout trop grandes pour ses épaules : « Le changement climatique, je ne vois pas ce que je peux y faire, moi. »
Le spleen climatique de Kiliana n’empêche pas Nawel, tout juste majeure, d’estimer que sa génération est « plus solidaire » que les précédentes : « Avec les réseaux sociaux et toutes les sources d’information, on voit tout ce qui se passe dans le monde, explique Nawel, en mission de service civique avec l’association Unis-Cité. Et on sait qu’on peut avoir un impact. »
Wisler est lui aussi impressionné par l’implication des personnalités qu’il a vu défiler sur l’estrade. Du haut de ses 16 ans, il en retire une chose : « On peut tous s’engager et faire quelque chose pour les autres avec nos propres qualités. » Comme son idole Lilian Thuram ou Laurence Fischer, Wisler voudrait « passer par le sport » pour « aider les jeunes un peu partout dans le monde à oublier leurs soucis ». « Être solidaire, s’entraider, ce sont des valeurs auxquelles je crois », conclut le jeune homme dans un large sourire.
À 20 ans, Amélie a déjà concrétisé son engagement, dans les rangs du programme Unicef campus réservé aux étudiants. En licence de droit à Assas, la jeune fille a toujours voulu « donner de son temps aux autres, essayer de comprendre le monde. » Un peu à contre-courant, elle estime que « les réseaux sociaux, ça ne change pas grand-chose. C’est même un flux trop important, où on voit tout passer sans forcément retenir. Il faut se voir en vrai ! »
« On peut plus facilement être citoyen du monde aujourd’hui qu’il y a 30 ans, grâce notamment aux nouveaux moyens de communication », rétorque Anne, salariée du service communication d’Action contre la faim.
Mais la jeune femme de 24 ans n’est pas dupe pour autant : « Les enfants ne sont pas encore assez sensibilisés dans le rapport à l’autre, dans ce que nous avons tous de commun à travers le monde. » Et puis, « le passage de l’opinion à l’action, c’est ce qu’il y a de plus dur à concrétiser ». Comme en écho, Jehanne, sur scène, répond : « Tant qu’on a la tête dans les étoiles et les pieds sur terre, on peut le faire. »