Dans un archipel de plus de 7 600 îles, la décentralisation du pouvoir est un véritable enjeu de développement. Et bien que le pays ne porte pas l’héritage colonial d’un ministère de l’Intérieur fort, pour être efficace, elle nécessite de nombreuses réformes.
L’État philippin comprend différents échelons de collectivités territoriales : 18 régions, 81 provinces, 145 cités (villes importantes), des municipalités et des barangay (unité administrative et politique de la taille d’un quartier). Globalement, les régions philippines aspirent à plus d’autonomie. Deux d’entre elles disposent d’ailleurs d’un régime spécifique prenant en compte le désir d’autonomie des populations indigènes. Mais l’autonomisation des territoires est inachevée, les ressources dont elles disposent sont inégales et globalement insuffisantes, et la répartition des compétences entre le gouvernement et les collectivités n’est pas toujours claire.
Depuis 10 ans, le processus de décentralisation technique a été continûment soutenu par les différents gouvernements et appuyé par l’AFD et la Banque Asiatique de Développement par le biais de financement de programmes de politique publique.
Au total, deux programmes de réforme ont été menés à terme, et un troisième est en cours d’élaboration. On note par exemple l’élaboration du Seal of Good Local Governance, un mécanisme incitatif de promotion des bonnes pratiques de gouvernance locale, notamment en matière de préparation aux catastrophes naturelles. D’autres réformes ont également permis l’amélioration des procédures de recouvrement des taxes foncières, la mise en place de formation pour les nouveaux élus locaux ou encore la création d’un index de satisfaction des citoyens.
Échanges autour du modèle français
Dans le cadre de ce dialogue continu et de long-terme, l’AFD a organisé du 8 au 12 octobre 2018 un voyage d’étude en France, pour permettre aux autorités philippines de rencontrer des institutions et des collectivités françaises pouvant témoigner d’un modèle et d’outils innovants de décentralisation.
« Les récentes réformes de décentralisation en France sont encourageantes et très instructives, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre des priorités nationales, détaille Niño B. Alvina, chef du bureau des finances des administrations locales ayant participé au voyage d’étude. Nous sommes rentrés de ce voyage avec de nouvelles perspectives, et nous allons réexaminer nos initiatives d’amélioration des politiques de décentralisation budgétaire au prisme de ce que nous avons appris. »
Trois thèmes ont été abordés lors de cet échange. Tout d’abord, la création d’entités intercommunales, qui existent en France depuis 1984 et qui se sont progressivement renforcées. Elles permettent de gérer à une échelle plus pertinente certains services urbains comme l’eau, les transports ou la gestion des déchets, ou certaines politiques structurantes comme le développement économique. La délégation philippine a échangé avec la métropole de Bordeaux sur ce sujet et a pu mesurer que l’intérêt du territoire peut transcender de façon très pragmatique les clivages politiques à travers ces pactes intercommunaux, ce qui laisse entrevoir une possibilité de mieux structurer et renforcer cette approche aux Philippines.
La relation entre l’État et les collectivités territoriales, sous le prisme du contrat de plan État-région a également été longuement abordée. Ce mécanisme de planification et de financement de projets d’infrastructures au niveau régional, sous le pilotage du Commissariat général à l'égalité des territoires français (CGET) est également intéressant pour les Philippines, puisqu’il favoriserait l’alignement des stratégies régionales et nationales en matière de développement d’infrastructures. La délégation a pu rentrer dans le détail du contenu et des mécanismes d’élaboration et de suivi de ces contrats à l’occasion de discussions à Bordeaux avec le SGAR et la région Nouvelle Aquitaine.
Enfin, les échanges ont porté sur la formation des agents dans les collectivités territoriales. En effet, l’autonomisation des collectivités passe par le renforcement des compétences de leur personnel, notamment en matière de gestion financière. Le Centre national de la fonction publique territoriale français a présenté à la délégation les modalités de recrutement et de formation des agents de la fonction publique territoriale. Quant au Campus de l’AFD, également présent, il a exposé le parcours de formation sur la gestion des collectivités locales, ainsi que les innovations en matière d’e-formation.
Le fruit de ces échanges servira de base à la définition de la prochaine assistance technique, en lien avec le prêt de politiques publiques en cours sur la décentralisation.
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