Un symbole politique fort. C’est ce que les plus hautes autorités politiques de Bolivie ont signifié en inscrivant l’eau comme un « bien commun » soumis à un principe de « non-marchandisation » dans la constitution bolivienne, approuvée par référendum en 2009. Puis en s’affirmant sur la scène internationale pour faire reconnaître l’eau comme un « bien commun mondial ».
L’eau a cristallisé de nombreuses tensions dans le pays depuis le début des années 2000. À Cochabamba par exemple, troisième ville du pays située dans la plaine de la région préandine du Chaparé où les ressources en eau se font rares, « une guerre de l’eau » s’est déclenchée en 2000 après la délégation du service à un consortium international.
Outre le transfert à la multinationale de la propriété exclusive sur toutes les ressources en eau de la zone métropolitaine, les tarifs de l’eau avaient alors augmenté significativement pour les usagers du service (de 35 % à 150 % selon les cas). En 2005, c’était au tour d’El Alto, ville très étendue située sur les hauteurs de La Paz, de vivre de fortes mobilisations sociales face à la privatisation des services d’eau. S’en sont suivis un retour à une gestion publique des services d’eau de la capitale, une reconnaissance des formes communautaires de gestion de l’eau et la création d’un ministère dédié (de 2006 à 2009).
Un pays vulnérable à étudier de près
Si la Bolivie ne figure pas parmi les pays les plus exposés au stress hydrique, sa vulnérabilité élevée face au changement climatique (fonte des glaciers, multiplication du phénomène El Niño, etc.) est pointée par les chercheurs. D’autant que la croissance démographique, l’urbanisation croissante et les évolutions socioéconomiques de la Bolivie appellent un besoin toujours plus abondant de cette ressource.
« L’eau urbaine en Bolivie cristallise de nombreux enjeux intéressants à étudier », explique Sarah Botton, chargée de recherche à l’AFD et coordinatrice du projet de recherche initié par l'AFD. Articulation entre les différents niveaux de gouvernement (local/national), processus d’urbanisation, impact du changement climatique et alternance d’épisodes de sècheresse et d’inondations, modalités d’organisation des services de distribution d’eau sont autant de champs d'observation. « Nous travaillons pour cela avec des chercheurs locaux : plusieurs institutions de recherche sont spécialisées sur l’eau, notamment à Cochabamba », poursuit la chercheuse.
Plus récemment, la crise de l’eau observée à La Paz en 2016 s’est avérée particulièrement révélatrice des différents chocs, naturels ou sociaux, affectant le pays. 94 quartiers de la zone sud de la ville s’étaient retrouvés privés de services d’eau potable pendant plusieurs semaines. Au-delà de la fragilité croissante des ressources en eau venant alimenter la capitale (le changement climatique affecte les glaciers qui alimentent historiquement la région en eau), les recherches pilotées par l’AFD ont montré que cette crise s’enracinait également à d’autres niveaux : techniques et politiques.
Des services de distribution alternatifs efficaces
« Ces travaux ont permis de mettre en évidence la résilience et l’efficacité de petits services de distribution d’eau alternatifs dans certains quartiers », synthétise la chargée de recherche à l’AFD. « Ils nous intéressent particulièrement car leurs modes de gouvernance et leur fonctionnement peuvent être analysés comme des communs. » Plaçant les usagers et les citoyens au cœur des processus de régulation et de gestion, les communs font l’objet de nombreux travaux de recherche menés par l’AFD depuis une dizaine d’années, en particulier dans le domaine de l’eau.
« Bien sûr, poursuit Sarah Botton, il faut garder une vision réaliste : l’approche par les communs ne règle pas tout. Il existe, par exemple, des rivalités entre irrigants et coopératives urbaines de l’eau, car chacun cherche à s’approprier la ressource. » Il est également intéressant d’observer le fonctionnement de ces services communs de l’eau à différentes échelles : de petites structures communautaires, mais aussi des coopératives de grande taille.
L’AFD étudie, par exemple, l’une des plus grandes coopératives de services d’eau et d’assainissement du monde, également située en Bolivie. Objectif ? Analyser ses performances techniques et sociales, ses modalités de fonctionnement, de prise de décision ; mais aussi analyser la place du commun dans la gouvernance coopérative des services d’eau.
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