• logo linkedin
  • logo email
affiche expo déchets Marseille
L'AFD et le collectif de chercheurs SUD organisent une exposition photographique sur les rapports qu'entretiennent les sociétés avec leurs déchets. À voir du 3 au 17 juillet aux Docks de Marseille.

Ils passent leurs journées à collecter, trier et réutiliser ces déchets que plus personne ne veut voir. Ils s'appellent Mohan ou Sidiki et vivent en Inde, en Turquie, au Maroc ou en France. L'exposition que l'AFD et le collectif de chercheurs Sociétés urbaines et déchets (SUD) organisent aux Docks de Marseille, du 3 au 17 juillet, s'attarde sur leur destin, celui de tous ces nettoyeurs invisibles, en marge de sociétés à qui ils rendent pourtant des services essentiels.

Cette exposition photographique, intitulée La mise en image du rebut, s’interroge sur les rapports qu’entretiennent les sociétés avec leurs déchets. Basée sur un travail de terrain mené par les chercheurs du collectif SUD dans 12 pays, elle déconstruit les clichés sur ces travailleurs de l'ombre à travers 60 photos et de nombreux entretiens réalisés avec eux. Loin de renvoyer au public une image de la misère et de la marginalité, elle ambitionne de mettre en lumière des femmes et des hommes débarrassés des stigmates qui accompagnent le contact avec l’ordure.

Poubelle la vie

De plus en plus, ces « récupérateurs » revendiquent des droits sociaux, mais aussi la légitimité de leur contribution au recyclage, à la gestion des déchets et, plus globalement, à l’environnement : il s’agit de travailleurs normaux, occupés à réaliser leurs tâches ; des travailleurs qui désirent être considérés comme égaux des autres, reconnus dans leur labeur et par la société.

 

Jeune laveur de bouteille en Inde

Le jeune laveur de bouteilles - Delhi, Inde, janvier 2016 - Photo Rémi de Bercegol
Mohan dit qu’il a 15 ans, mais il n’en est pas tout à fait certain. Il vient d’un petit village de l’Uttar Pradesh, un État pauvre d'Inde du Nord. Il a trouvé un emploi à Kanchan Kunj, un quartier au sud de Delhi, dans un hangar de récupération de bouteilles de verre. Les bouteilles usagées y sont amenées par camion, triées selon la marque et la couleur du verre, lavées à la main puis, finalement, revendues à une usine d’embouteillement. Mohan travaille aux étapes de lavage : il plonge une par une les bouteilles dans un bain d’eau savonneuse, les nettoie rapidement et en retire l’étiquette. Il est payé au nombre de bouteilles et ne s’est pas arrêté de frotter alors que nous discutions.

 

Pascal, l'homme esquimau

L’homme à l’esquimau - Casablanca, Maroc, juin 2015 - Photo Pascal Garret, étude terrain réalisée avec Bénédicte Florin
À Casablanca, les quartiers aisés étant plus difficiles d'accès, certains récupérateurs préfèrent collecter dans des quartiers populaires périphériques, notamment ceux d’habitat non réglementaire ou de logement social. Certes, ces quartiers offrent moins de matériaux recyclables, mais les bouâra (le mot est dérivé du français "éboueur“) y sont davantage acceptés par les habitants et les charrettes tirées par des ânes ou chevaux y sont tolérées par les autorités. Nous avons rencontré ce bouâr au moment où il revenait de sa tournée avec son chargement de polystyrène qui sera revendu comme isolant dans le bâtiment.

 

Sidiki

Les longs trajets de Sidiki - Aubervilliers, France, juin et décembre 2016, juin 2018 - Photos Pascal Garret, étude terrain réalisée avec Bénédicte Florin
Nous avons rencontré Sidiki pour la première fois en 2016 devant une entreprise d’achat de ferraille située à Aubervilliers. Originaire du Mali, il est venu en France clandestinement et il est toujours sans papiers. Depuis 2014, il parcourt quotidiennement de grandes distances à pied dans la banlieue nord de Paris pour collecter avec son chariot à deux roues toutes sortes d’objets en métal qu’il revend à des ferrailleurs. Il porte volontairement des vêtements fluo, comme ceux des agents de la propreté, ce qui entretient une forme de confusion et lui permet de travailler dans les rues sans être trop ennuyé par la police. Nous l'avons retrouvé en 2018, logeant dans un garage qu’il a meublé uniquement avec des objets de récupération.