En quoi cette démarche s’intègre-t-elle dans la stratégie du ministère de l’Économie et des Finances marocain ?
Cette coopération, aujourd’hui érigée au rang de dialogue stratégique, est structurée en trois axes qui correspondent aux chantiers prioritaires du ministère de l'Économie, des Finances et de la Réforme de l’administration (MEFRA). Il s’agit, en l’occurrence, de mesurer l’impact du changement climatique sur notre économie, d’étudier les effets redistributifs de la politique budgétaire marocaine et d’approfondir le processus d’intégration régionale, en mesurant notamment les impacts de la ZLECA (Zone de libre-échange continentale africaine) sur notre économie.
Ces questions sont au cœur de la réflexion engagée par le Maroc autour de la transformation de son modèle de développement national. Ce partenariat devrait permettre d’identifier les progrès déjà accomplis sur de nombreux indicateurs mais aussi les insuffisances à résorber pour élargir les perspectives de développement.
L’objectif est de construire les bases d’une économie inclusive et résiliente au changement climatique. Le renforcement de l’ancrage régional de l’économie marocaine est également déterminant, en particulier dans un contexte géopolitique marqué par des crises complexes et très fréquentes.
Ce partenariat a déjà permis de co-conduire une étude permettant de mesurer l’impact de la politique budgétaire marocaine sur la réduction des inégalités. Quelles en sont les principales conclusions et quels leviers d’amélioration ont déjà été identifiés ?
Cette étude intervient à point nommé car elle traite d’une problématique au cœur du chantier engagé par le Maroc pour redéfinir son modèle de développement. En effet, l’action de l'État, à travers sa politique budgétaire, demeure fondamentale dans la résorption des inégalités sociales et spatiales qui subsistent dans notre pays.
Elle a permis de relever que, à l’exception des deux plus hauts déciles de la population marocaine, pour lesquels le montant d’impôts payés dépassent les bénéfices qu’ils tirent de la redistribution, tous les autres sont bénéficiaires nets de notre politique budgétaire. Le décile le plus pauvre est celui qui tire le plus avantage de la redistribution. Cette catégorie de la population profite, notamment, de la gratuité des prestations publiques en matière d’éducation et de santé ainsi que des transferts et subventions afférents aux produits de consommation.
Certes, ce constat confirme le caractère progressif de notre politique budgétaire. Néanmoins, les progrès enregistrés par le Maroc demeurent insuffisants face aux défis sociaux auxquels le pays est confronté. L’étude a permis d’identifier plusieurs leviers à actionner pour accroître l’efficacité de notre politique budgétaire.
Première priorité : mesurer l’impact du changement climatique sur l’économie marocaine. Comment allez-vous procéder ? Quels outils peuvent être mobilisés ?
Le modèle GEMMES, nouvel outil de modélisation développé par l’AFD, va nous permettre d’analyser les impacts des différents scénarios climatiques envisageables sur l’économie marocaine. Nous serons notamment en mesure d’effectuer des simulations de la production agricole et des ressources en eau de surface souhaitables à l’horizon 2050 et de comparer ces chiffres avec les ressources qui seront effectivement disponibles.
Pour assurer la réussite de ce projet d’envergure qui s’étale sur deux années, la Direction des études et des prévisions financières (DEPF) et l’AFD ont conclu des partenariats avec la Direction de la recherche et de la planification de l’eau (DRPE), la Direction de la météorologie nationale (DMN) et l’Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie d’Aix-Marseille.
Ce partenariat vise également à réfléchir aux conditions d’une intégration économique africaine réussie, notamment par la mise en place d’une zone de libre-échange continentale. Pouvez-vous nous en dire plus ?
C’est une question importante pour notre pays qui œuvre activement, depuis son retour dans l’Union africaine, en faveur de la dynamisation des mécanismes de coopération à l’échelle continentale. Cette zone de libre-échange est un outil fondamental si l’on souhaite accélérer le développement de l’Afrique et renforcer son positionnement dans la mondialisation.
Avec un commerce intra-africain qui devrait croître de 52 % à court terme, l’édification de cette zone permettrait également à l’Afrique de disposer du plus grand marché intérieur au niveau mondial. C’est une véritable aubaine de développement pour un continent dont les potentialités ne sont pas entièrement mobilisées, justement à cause des distorsions tarifaires et non tarifaires qui pèsent sur les relations commerciales entre pays africains.
Le chemin vers cette zone de libre-échange nécessite un effort d’adaptation des politiques commerciales des pays membres, mais aussi de résorption des principales contraintes qui ont maintenu jusqu’à présent le commerce intra-africain à un niveau très faible comparativement aux autres groupements régionaux d’Asie et d’Amérique latine, pour ne citer que l’exemple des pays émergents et en développement.
Ce partenariat devrait nous permettre de mieux préparer l’économie marocaine à cette échéance charnière. Avec l’appui de l’IFPRI, l’étude lancée par l’AFD permettra de réaliser des simulations d’impacts macroéconomiques et sectoriels en fonction des différents scénarios d’évolution de la ZLECA.