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RESILAC renforce le dialogue entre entités territoriales
La dégradation des terres agricoles qui s’est intensifiée au Niger ces dernières années entraîne de grands défis climatiques et sociaux. En réponse, le projet RESILAC propose de nombreuses solutions co-construites avec les populations, dans un dialogue innovant et permanent avec celles-ci.

« Avant chaque activité, l’équipe nous demande toujours si elle est conforme à nos besoins et à notre mode de vie. L’approche communautaire de RESILAC converge avec nos spécificités locales. » Ce constat, dressé par le président d’une ONG locale de la commune de Diffa, met en lumière l’approche spécifique portée par le projet RESILAC qui opère dans un contexte sécuritaire et climatique complexe.

Depuis plus d’une décennie, la région de Diffa, à l’extrême sud-est du pays, souffre d’une crise à causes multiples. Les fragilités structurelles liées à un environnement naturel impacté par le changement climatique et aux capacités limitées des services étatiques entraînent un manque d’infrastructures et d’accès aux services de base.


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À cela s’ajoutent les exactions et violences permanentes que les groupes armés font peser sur les populations. Cette insécurité multiforme et croissante a plusieurs conséquences : une réduction drastique de l’utilisation des zones fertiles du lac Tchad, des déplacements internes de populations et l’arrivée de réfugiés venant des pays voisins, une pression démographique sur les rares ressources disponibles dans certaines zones déjà fortement précarisées et enfin l’exacerbation des conflits communautaires liés au partage des ressources naturelles.

Dans la région, les États et leurs services techniques déconcentrés interviennent également de manière très limitée dans la gestion des terres à l’échelle locale. La loi foncière nigérienne contient des dispositions sur l’appropriation foncière et le règlement des conflits en zone rurale mais celles-ci sont très peu utilisées en raison de procédures souvent contraignantes et très coûteuses. Si la gestion foncière reste globalement aux mains des chefferies traditionnelles, les pouvoirs de celles-ci s’amenuisent et l’absence de dialogue fige parfois les positions de chacun.

Par ailleurs, les effets du changement climatique sont une source supplémentaire de préoccupation et de tensions car ils réduisent les disponibilités des terres à cause de l’ensablement, des sécheresses fréquentes et de la baisse de la fertilité des sols utilisés pour l’agriculture et l’élevage.

Face à cette situation, le projet RESILAC de l’Agence française de développement, mené avec le soutien de l’Union européenne, instaure des programmes ciblés pour restaurer les terres et aider les communautés à autogérer les ressources naturelles.

Ces programmes innovent avec la promotion de débats pluri-acteurs à l'échelle locale et formalisent les règles d’accès aux ressources naturelles par le biais de conventions locales pour les sites aménagés. Ces conventions de partenariat sont signées entre les leaders communautaires et les élus responsables des entités administratives des régions, ou les services techniques déconcentrés impliqués spécifiquement sur une activité agricole, et ce, en respectant toujours les lois en vigueur dans le pays.

Les programmes de RESILAC visent aussi à produire de nouvelles techniques pour définir le devenir des terres délaissées. Il s’agit notamment d’établir des diagnostics pour optimiser l’utilisation de ces terres tout en faisant preuve de créativité afin de garantir une exploitation respectueuse de l’environnement.

Une nouvelle approche du dialogue

Dans la région de Diffa, RESILAC renforce les mécanismes de dialogue entre entités territoriales (communes, cantons, chefferies) et leur communique des données pour leur permettre de faire le lien entre les besoins des populations et les problématiques de développement de leurs localités.

Ainsi, RESILAC a accompagné les communes de Maïné-Soroa, Chétimari et Goudoumaria, en collaboration avec les services techniques déconcentrés étatiques, dans un processus d’actualisation du plan communal pour dessiner une vision d’ensemble des défis à relever au cours des cinq prochaines années.

Dans ces communes, les autorités départementales ont soutenu la création de 22 commissions foncières communautaires. Ces commissions sont des entités administratives destinées à conduire des opérations d'aménagement.

En complément, le projet a mis en place sept cadres de concertation autour de chantiers à haute intensité de main-d’œuvre (HIMO) qui servent à améliorer la médiation sur les conflits récurrents liés à l’accès aux ressources naturelles. Un processus qui se concrétise régulièrement par la signature de conventions-cadres pour répartir les rôles de tous les acteurs sur les sites agricoles aménagés. Tous ces dispositifs permettent de renforcer l’engagement communautaire et de solliciter un effort commun pour réinvestir les terres à l’abandon.

En outre, les chantiers HIMO donnent du travail aux jeunes, aux femmes et aux populations vulnérables qui, par ce biais, participent au redressement économique de la communauté, peuvent épargner de l’argent et subvenir aux besoins de leurs familles. Autant de facteurs de stabilité des populations dans la région, de cohésion sociale et de résilience.

Un programme inclusif et adapté à chaque village

À 95 km de Diffa et à 20 km du chef-lieu de département Maïné-Soroa, Adebour est un village qui concentre des activités d’agriculture pluviale, de maraîchage, d’élevage et de petit commerce. Le village dispose de terres dunaires pour la production agricole pluviale et pratique l’élevage extensif dans les aires de pâturages communautaires. Il dispose aussi de vallées fertiles, propices à la production maraîchère et pluviale. Les équipes de RESILAC y ont réalisé des diagnostics en vue d’identifier les ressources naturelles qui font l’objet de pressions démographique et climatique.

Suite à ces diagnostics, les groupements d’agriculteurs se sont mobilisés pour restaurer les terres. Ces travaux bien ciblés ont notamment donné lieu à la construction de clôtures grillagées, de points d’eau permanents dans les vallées, à la fixation de dunes, à l’ensemencement avec des herbacés et enfin à la plantation de plants de prosopis (dérivés des acacias) qui freinent l’avancée du désert. Soumaila Malam Awari, membre du comité de gestion du site, explique : « Ce site est important pour nous car il va non seulement sauver notre vallée de l’ensablement, mais aussi permettre à nos animaux de trouver à manger juste à côté du village. »


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Par ailleurs, le projet promeut un accès équitable aux terres sur les sites restaurés. Ainsi, sur l’un des sites maraîchers communautaires du village, parmi les 48 chefs de ménage désignés pour la gestion des terres, 12 sont des femmes. Une véritable nouveauté d’après Gaptia Mai Wandara, jeune cultivatrice et mère de trois enfants : « Je bénéficie maintenant d’une parcelle de 200 m² où je cultive pommes de terre, tomates, moringas et laitues. Auparavant, c’était mon mari, seul, qui s’occupait du foyer en se proposant comme main-d’œuvre et en vendant du charbon de bois. Désormais, la consommation de ces produits maraîchers a amélioré la sécurité nutritionnelle de ma famille. Et surtout, en tant que femme, avoir accès à la terre, c’est une fierté et une chance. »

La pratique de techniques innovantes adaptées aux enjeux climatiques

Dans la région, les sols deviennent moins fertiles en raison de la dégradation continue des terres, liée aux mauvaises pratiques agricoles, à l’érosion et à l’ensablement.

Pour y remédier, RESILAC a mis sur pied des « activités pilotes » pour tester des pratiques innovantes. À Yambal (un village de la commune de N’Guigmi), en partenariat avec l’université de Diffa, 20 producteurs et productrices « leaders », dont 50 % de femmes, ont participé à des études expérimentales. Ibrahim Hamidou Oumarou, référent technique du projet, précise : « Au total, sept techniques et pratiques ont été testées aux côtés des étudiants de l’université, portant sur les paramètres de croissance et le rendement du maïs, les effets de l’écartement des plants sur la croissance, la productivité et l’efficacité d’une haie vive de moringas, les effets du compost sur la croissance et le rendement du maïs et de mil, l’efficacité du jus de neem contre les insectes ravageurs du niébé et les effets de la présence du basilic sur les insectes ravageurs du chou. »  Lorsque les résultats sont concluants, ces nouvelles techniques seront ensuite enseignées aux villageois, par le biais de champs-écoles paysans.
 
Ce mécanisme s’inscrit dans la démarche de transmission et de pérennisation de techniques innovantes sur des enjeux primordiaux pour les habitants : les conséquences de la remontée des eaux sur le foncier, le problème de l'usage croissant de pesticides et le devenir des terres délaissées face à la sécheresse.

Outre la formation pratique des producteurs ruraux, le personnel des services techniques étatiques locaux est également mobilisé. Ainsi, une formation sur l’Agriculture intelligente face au climat (AIC) a été organisée en mars 2020 et renouvelée en juin à Zinder, auprès de la Direction régionale de l’agriculture et des agents du projet RESILAC, en collaboration avec l’Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides.

Si la gouvernance foncière s’est depuis améliorée, la région demeure le théâtre d’évolutions imprévisibles. La fragilité persistante des terres, les mouvements de populations et les prises de contrôle fréquentes des groupes armés non étatiques, qui taxent notamment l’accès aux ressources naturelles, imposent de redoubler d’ingéniosité pour penser, ensemble, les conditions d’un partage équitable et durable des ressources.

Le contenu de cette publication relève de la seule responsabilité de l’AFD et ne reflète pas nécessairement les opinions de l’Union européenne.