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Pour concilier préservation de la biodiversité et développement socio-économique local dans le bassin forestier du Nord-Congo, l’AFD promeut une nouvelle approche qui passe d’abord par le dialogue avec les populations locales et les communautés villageoises. Le but ? Les associer davantage à la gestion des forêts. Lancé en décembre avec le ministère de l’Économie forestière de la République du Congo, le Projet « Paysage forestier Nord-Congo », en est l’illustration.

C’est l’un des trésors écosystémiques de notre planète : le bassin forestier de la République du Congo, le deuxième en Afrique, comptabilise à lui seul 22 millions d’hectares de forêt au total, soit près de 60 % du territoire du pays. C’est aussi l’une des zones d’Afrique centrale accueillant actuellement la plus forte population d’éléphants de forêts d’Afrique ainsi que de gorilles des plaines de l’Ouest, deux espèces actuellement menacées d’extinction.

Depuis trente ans, l’Agence française de développement (AFD) se mobilise pour préserver ce territoire à la valeur inestimable – véritable poumon du continent – en contribuant, aux côtés des gouvernements successifs et d’organismes scientifiques spécialisés, à asseoir un cadre juridique consolidé pour encadrer la gestion des ressources forestières, en promouvoir la certification et appuyer les efforts de conservation au sein de son réseau d’aires protégées.

De nouvelles menaces à contenir

Capitalisant sur ces acquis qui lui ont permis, au fil de ses interventions, de gagner en intelligence sur la manière de contribuer au mieux à l’aménagement des zones forestières du bassin du Congo, l’AFD, en associant le ministère de l’Économie forestière de la République du Congo, la Wildlife Conservation Society (WCS), le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), les communautés locales et les gestionnaires forestiers certifiés du Nord-Congo, propose une nouvelle approche pour concilier préservation de la biodiversité et développement socio-économique.

C’est l’objet de sa participation financière – 6 millions d’euros – et de celle du Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM) – 1,5 million d’euros – au Projet paysage forestier Nord-Congo (PPFNC), qui intervient dans les départements de la Sangha, de la Likouala et de la partie nord de la Cuvette-Ouest. Soit près de 9,5 millions d’hectares, où communautés locales et populations autochtones cohabitent avec exploitations forestières (7,6 millions d’hectares de forêts), aires protégées (1,8 million d’hectares) et quelques concessions agricoles et minières.

Cette multiplicité des usages, couplée à une forte croissance démographique dans la zone et à l’absence d’un cadre d’aménagement du territoire clairement défini, accroît les menaces sur la biodiversité, notamment sur la grande faune. Le grand braconnage s’est en effet considérablement développé, soutenu par le prix élevé de l’ivoire. 

Si certains gestionnaires forestiers se sont engagés dans une démarche de certification forestière, à travers la certification FSC (Forest Stewardship Council) – standard reconnu internationalement pour ses exigences socio-environnementales – des études indépendantes montrent que nombre de gestionnaires ne respectent pas entièrement la législation congolaise et leurs propres engagements vis-à-vis des plans d’aménagement forestiers validés par le ministère de l’Économie forestière. De son côté, l’administration décentralisée ne dispose pas encore des ressources humaines, techniques et financières nécessaires pour assurer un contrôle adéquat du respect des plans d’aménagement forestier par l’ensemble des sociétés de la zone.

Inclure la société civile et les populations dans la gestion du bassin

Les analyses du cadre d’intervention de l’AFD dans le secteur forestier l’ont conduite à progressivement adapter son champ d’intervention. « Notre intervention technique et financière cible également aujourd'hui en priorité les populations locales », précise Mathieu Auger-Schwartzenberg, responsable d’équipe projet auprès de la division Agriculture, Développement rural et Biodiversité de l’AFD.

Un véritable renversement de paradigme pour l’AFD, dont l’action se concentrait jusqu’alors sur la mise en place de plans d’aménagements forestiers : « Pour la première fois, on ne se contentera pas de fournir un appui aux gestionnaires forestiers certifiés, mais on apportera un soutien beaucoup plus global au renforcement de la gouvernance de la zone en incluant tous les acteurs concernés, les gestionnaires forestiers, l’État, mais aussi les organisations de la société civile et les populations. » 

Basée à Ouesso, chef-lieu du département de la Sangha, Émilie Perreard, assistante technique du projet, sera en charge de la construction d’un dialogue avec les populations autochtones et les communautés villageoises. Son objectif ? « Co-construire des actions au sein de séries de développement communautaire dans les concessions forestières. »

Vers un partage plus équitable de la rente forestière 

À terme, le PPFNC vise un partage plus équitable des bénéfices de la rente forestière, en s’assurant que celle-ci contribue également au développement d’activités favorables aux communautés locales et aux populations autochtones, alignées sur des objectifs de gestion durable de la Sangha, de la Likouala et de la partie nord de la Cuvette-Ouest.

« De façon globale, le projet a la mission de pouvoir assurer la préservation de toute la biodiversité ainsi qu’un continuum écologique entre ces trois zones », précise Alain Nonouka Gomat, coordonnateur national du Projet paysage forestier Nord-Congo.

Pour cartographier les besoins des populations, l’expertise des nombreuses organisations de la société civile historiquement engagées dans la gouvernance du secteur forestier sera mobilisée. De son côté, le ministère de l’֤Économie forestière élabore actuellement un plan environnemental et social qui permettra de recueillir les données manquantes, tant sur les conditions de vie actuelles des populations locales que sur l’état de la biodiversité.

« Avant même de déployer et de mettre en œuvre des activités agricoles ou de gestion, la consultation des populations est un prérequis indispensable, explique Séverine Demerre, chargée de projets Forêt, Agriculture, Environnement et ONG à l’AFD. Elle permettra de mettre en place un solide dispositif de suivi et d’évaluation des actions et de leur adoption par les communautés locales. »

Autre priorité du projet : renforcer les processus déjà existants de lutte contre le grand braconnage. Le Fonds français pour l’environnement mondial et l’AFD ont chacun débloqué 1,5 million d’euros pour appuyer spécifiquement le gouvernement, la WCS et les gestionnaires forestiers dans cet effort de conservation. Formation, équipement, intervention d’experts… Cette enveloppe devrait contribuer significativement à lutter contre la criminalité faunique et asseoir un cadre juridique partenarial pérenne pour appuyer les autorités congolaises.