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exploitation forestière, Gabon, biodiversité
Adopté en 2013 et prolongé jusqu’à 2018, le cadre d’intervention transversal (CIT) de l’AFD en matière de biodiversité a fait l’objet d’une évaluation. Étayée par une enquête réalisée en interne et à l’externe auprès de 800 personnes, cette évaluation s’est concentrée sur le deuxième objectif de ce document stratégique, à savoir l’intégration de la biodiversité dans l’ensemble des politiques de développement. Retour sur les principaux enseignements tirés de l’exercice.
  • Une faible appropriation de la stratégie

L’évaluation a montré que les agents de l'AFD se sont moins appropriés les orientations et les outils recommandés que dans le cas d’autres stratégies thématiques comme le climat ou le genre. Il se trouve que le cadre d'intervention transversal (CIT) biodiversité a été moins diffusé. En conséquence, les enquêtes menées en interne comme à l’externe auprès des partenaires et contreparties de l’AFD indiquent que l’Institution n’est pas perçue comme leader sur le sujet de la biodiversité.
 

L'intégration de la biodiversité dans les projets : définition

 

  • Une articulation des différents objectifs à améliorer

Si l’approche centrée sur l’intégration de la biodiversité est résolument pertinente, la logique d’intervention retenue par ce document stratégique ne semble pas optimale. L’évaluation a notamment constaté un défaut d’articulation entre l’objectif général et ses objectifs, ainsi que des chevauchements entre leurs différents volets (comme « faciliter les investissements privés » et impliquer les investisseurs privés dans le « partage des coûts de la conservation »). Par ailleurs, le CIT ne définit pas les responsabilités dans sa mise en œuvre, ni les moyens humains associés.
 

  • Réduire les impacts négatifs et augmenter les cobénéfices, vers une synergie ?

La conciliation de ces deux démarches est indispensable. Cette problématique ancienne est d’ailleurs revenue au centre du débat lors des dernières négociations internationales. Dans le cadre de son CIT Biodiversité, l’AFD vise explicitement la synergie de ces deux démarches : réduire les impacts négatifs des projets de développement sur les écosystèmes et maximiser les cobénéfices issus de la biodiversité. Une
orientation pertinente, qui s’appuie sur des outils permettant la mise en œuvre de cet objectif d’intégration transversale de la biodiversité, eux aussi pertinents.

Ces outils se limitent néanmoins aux méthodes de réduction des impacts négatifs. Ils ne traitent donc quasiment pas la maximisation des cobénéfices potentiels des projets sur la biodiversité, qui consiste à tirer bénéfice de l’intégration des équilibres des écosystèmes dans tous les secteurs. L’AFD s’y emploie notamment pour les forêts, l’aménagement des pêches ou l’agriculture, mais d’autres secteurs sont encore délaissés (dans les transports, l’énergie et les villes par exemple).
 


Lire aussi : L'interview de Gilles Kleitz : « Mieux prendre en compte la biodiversité dans nos activités »


 

  • Des objectifs financiers dépassés 

L’AFD s’était fixé comme cap de doubler ses engagements financiers pour atteindre 160 millions d’euros par an à partir de 2013. Cet objectif a été dépassé avec 284 millions d’euros par an engagés entre 2013 et 2018. Les financements attendus au titre de l’objectif transversal n° 2 ont ainsi été largement dépassés avec 44 % (contre 21 % prévus) des engagements totaux de la période 2013-2018.
 

  • De nouveaux secteurs à intégrer dans la démarche

Les projets à cobénéfices positifs pour la biodiversité engagés par l’AFD concernent majoritairement l’assainissement des eaux usées, la gestion intégrée des ressources en eau et l’agriculture, alors que d’autres secteurs d’activité de l’AFD ne sont pas représentés. Or sur la même période, les projets à risques d’impacts négatifs élevés sur l’environnement se sont justement concentrés sur les domaines des transports et de l’énergie, ainsi que de l'Eau et de l'Assainissement. Ainsi, il n’y a eu aucun engagement de projet à cobénéfices positifs pour la biodiversité sur la période 2013-2017 dans les secteurs de l’énergie, du transport ou encore de l’éducation (la situation est assez semblable chez les autres
membres du CAD de l’OCDE
).

Certains projets, dans le domaine des transports et de l’éducation, avaient pourtant obtenu des appréciations positives concernant leur impact potentiel sur la biodiversité au cours des analyses ex ante de développement durable, réalisées au cours de leur instruction. Il semble en effet difficile d’identifier aujourd’hui des impacts positifs pour la biodiversité lors de la mise en oeuvre de ces projets.
 

  • Une comptabilisation des impacts négatifs à repenser

Les mesures de réduction des impacts négatifs associés à l’objectif d’intégration transversale de la biodiversité formulé par le CIT ont été mises en oeuvre de manière satisfaisante. Mais si la prise en compte de la biodiversité progresse au sein de l’AFD, ces engagements financiers ne traduisent pas nécessairement une meilleure intégration de la thématique dans les objectifs fixés ou le contenu des projets de développement.

L’évaluation menée sur le CIT a pointé que son suivi prévoit uniquement une comptabilisation des projets à
cobénéfices positifs sur la biodiversité, alors que l’objectif 2 énumère principalement des outils pour réduire les impacts négatifs des projets. Sans suivi des engagements financiers y afférents, il est possible que cette hausse des engagements à impacts positifs donne une image tronquée des impacts de l’ensemble des interventions de l’AFD.

  • De nombreux freins restent à lever

L’évaluation montre que la réduction des impacts négatifs est toujours considérée comme un frein plutôt qu’une solution au développement. Les institutions qui conçoivent et mettent en œuvre les projets que l’AFD finance restent souvent difficiles à convaincre des enjeux et des bénéfices liés à la biodiversité. Dans un certain nombre de secteurs d’activité, les projets ne sont pas naturellement perçus par les agents de l’AFD eux-mêmes comme porteurs d’impacts potentiellement positifs sur la biodiversité.

Et l’enquête réalisée à l’AFD indique que les coûts supplémentaires de prise en compte de la biodiversité sont considérés comme ne pouvant pas toujours être supportés par les institutions responsables dans les pays d’intervention de l’AFD. D’autres bailleurs financent cependant ce type de mesures sur prêts.
 

  • Des difficultés qui rejoignent celles des autres acteurs du développement

La concentration des projets à cobénéfices positifs sur la biodiversité dans quelques secteurs tels que l’eau et l’assainissement ou l’agriculture est loin d’être une spécificité de l’AFD. Comme le souligne un rapport publié par l’Organisation de coopération économique pour le développement (OCDE) en 2018, les autres membres du Comité d’aide au développement (CAD) rencontrent des difficultés semblables à engager des projets dans le secteur de l’énergie ou des transports.

Plus globalement, l’OCDE constate que l’intégration transversale de la biodiversité est insuffisante dans les projets de développement. Un effort est nécessaire d’une part pour mieux informer sur les moyens pratiques et concrets d’intégration transversale de la biodiversité et, d’autre part, pour mieux évaluer les résultats des efforts de transversalité afin de renseigner les politiques publiques sur les retours d’expériences.

 


 

Les objectifs du CIT biodiversité de l'AFD

Cette évaluation a porté sur l'objectif numéro 2 du CIT et ses sous-objectifs. Les objectifs 1 et 3 n’ont pas été évalués. Source : Consortium d’évaluation EY-Biotope à partir du CIT Biodiversité

Objectifs du CIT biodiversité de l’AFD

 

 


Article initialement publié dans le Rapport des évaluations 2017/2018 de l'AFD, à découvrir en cliquant ici