Densément habité, technologiquement suréquipé, un hôpital consomme deux à cinq fois plus d’énergie au mètre carré qu’un bâtiment classique. Produire de la vapeur, une forte intensité lumineuse, du chaud, du froid, de la ventilation, toutes ces actions s’avèrent particulièrement énergivores.
« Dans la rénovation et la construction de bâtiments de santé, l’efficacité énergétique est un vrai défi, souligne José Lopez, référent efficacité énergétique à la division Énergie de l’Agence française de développement (AFD). Plus encore dans les pays en développement où ce paramètre restait secondaire jusqu’à présent, l’urgence étant d’apporter l’accès aux soins à la population ».
Faire fi des questions d’efficacité énergétique dans un bâtiment de santé entraîne cependant de lourds impacts environnementaux. Cette option s’avère aussi coûteuse sur le long terme, la facture énergétique d’un hôpital représentant jusqu’à 10 % des coûts de fonctionnement dans les pays en développement, contre 2 à 5 % en Europe ou en Amérique du Nord.
« Dans une infrastructure optimisée, les économies réalisées sur la facture énergétique compensent largement le surcoût de 5 à 10 % pour la construction d’un hôpital énergétiquement efficient et permettent de libérer des marges budgétaires », note José Lopez. Dans ce contexte, l’AFD agit concrètement, comme le montrent ces deux programmes :
En Tunisie, réduire de moitié les émissions de CO2 des hôpitaux de Sidi Bouzid et Gafsa
Partenaire du Programme d’efficacité énergétique des bâtiments (PEEB), l’AFD intègre l’efficience dans les projets de construction d’établissements de santé qu’elle soutient. « Notre rôle est de convaincre nos partenaires et les maîtres d’ouvrage d’opter pour des solutions basse-consommation, fait savoir Camille Perreand, responsable de ces projets hospitaliers à la division Santé de l’AFD. En Tunisie, bien en amont de la réalisation des deux hôpitaux régionaux de Sidi Bouzid et Gafsa, un audit technique a conclu que nous pouvions espérer une réduction de 20 % des consommations énergétiques par rapport aux normes usuelles du pays ». Cette économie peut même atteindre 40 à 50 % par rapport à un bâtiment existant de même type dans le pays.
Avec le soutien financier de l’Union européenne et l’appui technique du PEEB, les deux installations hospitalières tunisiennes sont conçues pour être plus vertes et durables. En amont du lancement de ces projets d’une surface de 33 000 m2 pour une capacité de 420 lits, ses maîtres d’œuvre ont bénéficié des conseils d’experts du PEEB afin d’atteindre une performance énergétique et environnementale élevée.
« L’orientation, la forme des bâtiments, l’isolation des murs et des toitures tiennent compte de l’exposition et de la température extérieure, précise Mitchell Schouchana, coordinateur des projets pour le PEEB à l’AFD. En façade, des brise-soleils protègent les espaces vitrées. À l’intérieur, les espaces climatisés ou simplement ventilés sont regroupés pour éviter toute déperdition thermique. » L’utilisation du solaire permet aussi de produire une partie de l’électricité et de l’eau chaude consommées dans les bâtiments. Les constructions achevées, les spécialistes du PEEB resteront présents un temps pour assurer le suivi du fonctionnement du bâtiment, la formation et le conseil.
Au final, le nouveau centre hospitalier de Sidi Bouzid réduira de près de 46 % les émissions de dioxyde de carbone par mètre carré par rapport à l’ancien hôpital modélisé. Et ce avec le même taux d’équipement, d’occupation et de niveau de confort. Sur 25 ans, cela représente une économie de 61 700 tonnes de CO2. Comme le mentionne Camille Perreand, « les engagements 100 % climat de l’AFD poussent à l’efficacité énergétique. Nous voudrions être encore plus ambitieux, mais les pays concernés n’offrent pas toujours un niveau de maintenance suffisant pour garantir la pérennité des mesures et équipements. »
Au Sénégal, construire des dispensaires durables
Loin des projets urbains tunisiens, l’efficacité énergétique trouve aussi sa place dans la construction de dispensaires dans les campagnes sénégalaises. La division Santé de l’AFD soutient ainsi l’écoconception de centres de santé ruraux, des bâtiments de plain-pied prévus pour les soins de proximité.
Moins énergivores qu’un hôpital en raison de l’absence de salles d’opérations, ces bâtiments peuvent toutefois être pensés durablement. « Notre valeur ajoutée concerne surtout le confort thermique des locaux, explique Mitchell Schouchana. Privilégier l’isolation des toitures limite aussi la hausse de la température dans un bâtiment. » Tout comme enduire les murs d’une peinture avec un indice de réverbération élevé ou planter des arbres pour ombrager les constructions.
Favoriser les techniques de construction anciennes et l’utilisation de matériaux traditionnels locaux contribuent aussi à l’efficacité énergétique d’un bâtiment de santé. Un hic toutefois, « les filières de production locales restent peu développées, souligne José Lopez. L’ampleur de nos projets de construction ou de rénovation qui peuvent recourir à ces éco-matériaux est forcément limitée. Lorsque ces produits sont disponibles, il faut aussi que les constructeurs habitués au ciment, agglos et tôles ondulées soient d’accord pour les utiliser. » Progressivement toutefois, les problématiques d’efficacité énergétiques gagnent les bâtiments en même temps que les esprits des décideurs des pays en développement. Dans le domaine de la santé comme dans d’autres secteurs, des mesures de construction simples, au coût raisonnable, soutiennent le développement de bâtiments durables pensés pour lutter contre le réchauffement climatique.