Difficile de concurrencer la camionnette jaune poussin du « Daddy Reggae Sound Truck » et son mur d’enceintes diffusant plein pot un Rivers of Babylon à la sauce jamaïcaine. Mais sur le stand de l’AFD juste en face, Nicolas, micro en main, use de toute sa gouaille pour sensibiliser les jeunes festivaliers de Solidays aux enjeux du développement.
En ce vendredi 22 juin d’ouverture, sur le site de l’hippodrome de Longchamp près de Paris, les concerts n’ont pas encore commencé ; alors, shorts et lunettes de soleil se succèdent sur les planches de la paillote AFD. « Quel pays au monde a été le premier à donner le droit de vote et la possibilité de briguer des mandats aux femmes ? », lance Nicolas aux deux équipes de jeunes filles perchées sur des palettes qui ont choisi d’une seule voix l’Objectif de développement durable (ODD) « Égalité entre les sexes » comme thème de leur quiz. « La Finlande ! », répond l’équipe gagnante, sans trop narguer les copines pour autant. « Bien joué ! », lance un jeune homme spectateur du jeu, clope aux lèvres et tatouage éphémère sur le bras.
Bonne joueuse, la membre de l’équipe perdante Fanny accepte de partager son sentiment sur l’aide au développement : « La France ne fait pas assez ! », tance d’emblée la lycéenne, même si elle admet ne pas connaître précisément les contours de l’action de l’AFD. Ni l’AFD, du reste. Méfiante à l’évocation du terme de banque, l’adolescente de 16 ans voudrait que l’esprit de solidarité soit partagé par tous, avant toute autre considération : « L’argent peut produire de bonnes choses, à condition qu’il soit utilisé pour de bonnes causes. Mais, avant de parler d’argent, si on commençait par s’occuper des gens ? »
Éduquer pour réduire les inégalités
Son amie Suzanne, elle, estime qu’il faut faire un effort tout particulier sur l’éducation : « C’est en éduquant que l’on va réduire les inégalités entre les hommes et les femmes, faire en sorte qu’elles puissent travailler, gagner autant que les hommes et être indépendantes ». Avant de se diriger vers la grande scène de Solidays sous un soleil idéal, ses copines Hana, Daphné, Rosa-Lou et Alice acquiescent : « Les femmes qui dépendent des hommes, ça suffit ! »
« Il faut changer les mentalités », confirme le grand Théo, 23 ans, casquette retournée sur la tête. Si le souvenir des ODD « remonte à l’école » pour lui, Théo en sait suffisamment pour ne pas vouloir « donner autant d’importance à tout. Il est indispensable de prioriser, on ne peut pas agir sur tous les maux en même temps ». Mais « pour que ça bouge vraiment oui, il faut un cadre au niveau international ». Son amie Esther, même casquette mais deux ans de moins, voudrait que l’on « mette le paquet sur la santé et l’éducation ». Théo, lui, tient à ajouter une remarque « qui fera peut-être un peu bizarre » : « Je pense quand même qu’il faut d’abord régler ce qui ne va pas en France avant de s’occuper des problèmes du monde. »
Faire plus, faire mieux, et le dire
Bénévole sur le stand d’une ONG pendant toute la durée du festival, Marion connaît l’AFD « de nom, mais sans avoir une idée précise de ce qu’on y fait. » Pour cette jeune femme de 26 ans, « la France communique mal sur son action à l’étranger en matière de développement ». Si on lui confiait le budget de l’AFD, qu’en ferait-elle ? « Je miserais beaucoup sur l’Afrique, un continent très dynamique qui a besoin de soutien pour passer à une étape supérieure de son développement. Plus généralement, je financerais en priorité des projets sur l’eau potable et l’assainissement. »
Voilà que débarque une joyeuse troupe, happée par les animations du stand de l’AFD. Marine écoute attentivement les questions du quiz et répond juste. Pour elle, « la France fait beaucoup de choses pour le développement, et plutôt bien ». Mais on pourrait « faire plus, pour que les pays en transition puissent grandir encore plus vite ». En matière d’information, « avec les réseaux sociaux, on sait trouver. C’est aussi à nous de faire l’effort de s’éduquer ». « Enfin, on est au courant que de ce que l’on veut bien nous dire », tempère Marc, son compagnon coiffé d’une casquette à hélices. Son camarade Matthieu est lui plus catégorique : « On n’a aucune idée de la façon dont l’argent est utilisé ! » S’il pouvait le gérer lui-même, Matthieu miserait tout sur le développement économique et les énergies renouvelables.
Le climat, c’est aussi la marotte de Grégoire, qui porte un regard intéressé sur le développement en général. « Il faut faire plus pour réduire les inégalités entre le Sud et le Nord, estime ce jeune pâtissier de Chinon, en Indre-et-Loire. Il n’y a aucune raison que certains aient beaucoup et d’autres rien ».