Il y a quatre ans, Prakassam Ramiah a réalisé deux projets qui lui tenaient à cœur : produire lui-même son électricité et réduire son empreinte carbone. Grâce à un prêt d’une banque locale appuyée par l’AFD et aux conseils d’experts techniques, cet habitant de l’île Maurice a pu installer à moindre coût des panneaux solaires sur la toiture de son logement. Il bénéficie aussi des meilleures technologies du marché, ainsi que d'une batterie destinée au stockage du surplus d’électricité verte produite – l’autre partie étant revendue sur le réseau.
À plus d’un titre, Prakassam Ramiah fait figure d’exception. La plupart des banques restent peu enclines à octroyer des prêts de long terme pour financer des technologies vertes dont elles mesurent mal la viabilité économique. Elles rencontrent par ailleurs des difficultés pour analyser le risque financier et technologique associé et contribuent peu, pour cette raison, au financement de la transition énergétique.
Prakassam Ramiah a su également construire un lien de confiance avec la banque qui l’accompagne. À ce titre aussi, il fait partie de la population qui a régulièrement recours aux services d’une institution financière. Pourtant, en Afrique subsaharienne, seul un tiers de la population a accès à un compte en banque. Et les entreprises ne bénéficient pas toujours des financements nécessaires au développement de leur activité : 16 % d’entre elles seulement ont accès à une banque pour financer leurs investissements. « Il y a un vrai besoin de transformer les pratiques des acteurs financiers dans les pays en développement. D’autant qu’après la crise internationale de 2008, la plupart des systèmes financiers restent toujours exposés aux chocs de grande ampleur », souligne Laurent Biddiscombe, responsable de la division Institutions financières de l’AFD. Avec les risques qu’une crise financière entraîne une crise sociale et économique, aux répercussions lourdes pour les populations (hausse du chômage, baisse du taux de scolarisation primaire et de l’espérance de vie).
Aux côtés des institutions financières locales
Si l’innovation financière – les green bonds (obligations vertes), les plateformes de financement participatif ou encore la finance digitale – offre de nombreuses opportunités, l’émergence de ces nouveaux modèles oblige à mettre en place une réglementation adaptée. « Dans un contexte où le secteur financier est marqué par des fragilités structurelles et de profondes mutations, l’AFD a pour ambition de contribuer à construire des systèmes financiers à la fois inclusifs, responsables et pérennes. À travers la transformation des systèmes financiers, l’AFD agit sur les trajectoires de développement », résume Laurent Biddiscombe.
Depuis le début des années 2000, l’accompagnement des acteurs financiers (banques privées et publiques, institutions de microfinance, assurances, marchés financiers, fonds d’investissement, etc.) représente en moyenne 20 % des opérations de l'AFD. Pour faire face aux défis économiques, sociaux et environnementaux de la prochaine décennie, le groupe a construit une nouvelle stratégie d’appui aux systèmes financiers locaux pour la période 2018-2022. Cette stratégie consacre l’ambition d’accompagner la transition financière dans les pays émergents et en développement. Les systèmes financiers et leurs acteurs peuvent directement agir sur la réduction des inégalités, l’accès aux services essentiels et la lutte contre le changement climatique.
Faire évoluer les pratiques
En premier lieu, le groupe AFD s’engage à promouvoir l’accès aux banques et autres acteurs pour le plus grand nombre en favorisant le développement d’une offre diversifiée et adaptée aux besoins des populations et des entreprises. Concrètement, l’AFD soutient par exemple les institutions souhaitant implanter davantage de guichets dans les zones reculées. Dans un autre registre, elle facilite la mise en œuvre par les acteurs financiers des principes de transparence et de protection des clients.
L’AFD accompagne également la réorientation des décisions d’investissements au profit d’investissements plus durables pour favoriser la transition écologique ou réduire l’exclusion des populations vulnérables. « Nous mettons à la disposition de nos partenaires une large palette d’outils financiers, que ce soit des lignes de crédit, des garanties, des subventions ou des prises de participation via notre filiale Proparco. Nous accompagnons aussi les institutions financières grâce à un soutien technique afin de faire évoluer leurs pratiques de financement », détaille Laurent Biddiscombe.
Il s’agit, enfin, de conforter l’architecture des systèmes financiers locaux pour garantir leur stabilité à long terme. À cet effet, l’AFD soutient la mise en œuvre d’une réglementation adaptée aux standards internationaux, aux acteurs émergents dans le secteur et aux risques qu’ils font peser sur la stabilité du système.
L’AFD consacrera 3 milliards d’euros par an à ces trois objectifs afin de promouvoir un nouveau modèle de finance durable. Il s'agit de considérer à sa juste valeur l’importance que revêt la transition financière dans la construction de trajectoires de développement plus durables.