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Vietnam : s'adapter à un pays en pleine mutation
Au Vietnam, depuis une dizaine d’années, l’intervention de l’AFD s’est ancrée plus fortement autour du changement climatique et d’un accompagnement du développement urbain.

L’évaluation pays menée conjointement avec la direction générale du Trésor ainsi que le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères conclut à la pertinence globale du positionnement de l’aide française et à l’adaptation réussie de son intervention aux évolutions des enjeux. La France se distingue de la plupart des bailleurs de fonds par des interventions intégrant de manière transversale et quasiment systématique le développement durable et les enjeux climatiques.

 

Evaluations de projets menées au Vietnam
 

 


Ainsi, concernant le changement climatique, l’AFD a su adapter ses modalités d’aide aux évolutions du pays en cofinançant avec la Banque mondiale et la JICA (agence japonaise de coopération internationale) un prêt de politique publique en faveur du climat – le Support Programme to Respond to Climate Change, SPRCC –. Ce prêt budgétaire dédié au climat est un des premiers à avoir été octroyé par l’AFD en 2009. Le dialogue entre les bailleurs et le ministère de l’Environnement et des Ressources naturelles vietnamien a été un élément fort et bien structuré mais, n’a pas suscité une importante implication des autres ministères concernés. Malgré les montants modestes dédiés à l’assistance technique, l’AFD a été un partenaire apprécié dans le dialogue par les Vietnamiens. Dans le secteur de l’énergie, l’AFD a su s’appuyer sur sa forte connaissance opérationnelle pour alimenter le dialogue.


Lire aussi : Évaluation du programme d’appui pour répondre au changement climatique (SPRCC)



Le SPRCC a permis d’accompagner la formulation et l’amélioration des politiques publiques climatiques. Il a également contribué à accélérer la formulation et la promulgation des réglementations associées. En revanche, les évaluateurs n’ont pas pu démontrer que le SPRCC avait participé à l'accroissement de l'ambition des politiques soutenues. 

Accompagner le développement urbain

Depuis 2005, l’AFD appuie les fonds municipaux de développement, qu’elle est le seul bailleur international à financer, avec la Banque mondiale. Institutions financières publiques, ces fonds sont établis à l’initiative de chaque Comité populaire provincial pour financer, dans le cadre de la stratégie de développement de leur province, des infrastructures prioritaires via différents outils financiers : prêts, investissements directs ou prises de participation dans des entreprises. Ce mode d’intervention se révèle particulièrement pertinent pour répondre aux besoins croissants des populations urbaines en services de base (infrastructures de santé, d’éducation, de transport, etc.).

L’évaluation de 3 fonds urbains financés par l’AFD au Vietnam (Ho Chi Minh-Ville, Can Tho et Da Nang) montre que ces fonds ont répondu à l’impératif de développement des infrastructures urbaines, dans un contexte macroéconomique encore marqué par la crise financière de 2008. Les fonds soutenus ont financé des projets d’infrastructures de base (transport, électricité, logement social, santé, etc.) qui ont atteint leurs objectifs, de façon cependant plus marquée sur le plan social qu’environnemental. Ces interventions devaient également permettre de renforcer les capacités des fonds en matière d’instruction et de suivi des projets d’investissements.

Les résultats en matière de renforcement de capacités ont été plus mitigés pour les fonds de Can Tho et Da Nang. Sur le plan institutionnel, l’évaluation a recommandé un soutien accru de ces fonds par les comités provinciaux et par le gouvernement.


Pour aller plus loin : Évaluation des appuis aux fonds d’investissement pour le développement urbain d’Ho Chi Minh-Ville (ligne de crédit et assistance), Can Tho et Da Nang (ligne de crédit et assistance)



Être flexible pour répondre aux besoins des Vietnamiens

Adaptation au changement climatique, promotion d’un développement urbain durable et inclusif, accompagnement de la modernisation du secteur productif sont quelques-uns des nouveaux enjeux auxquels fait face le Vietnam. Si les acteurs français (ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, direction générale du Trésor et AFD) ont été présents sur ces sujets prioritaires, l’évaluation pays montre qu’ils ont également su se montrer flexibles pour répondre aux besoins exprimés par les Vietnamiens.

Les interventions de développement rural, par exemple, qui étaient prépondérantes avant 2007 dans le portefeuille d’intervention de l’AFD, se sont poursuivies à plus petite échelle, alors que de nombreux bailleurs avaient abandonné cette thématique au Vietnam. L’accès au développement pour les minorités a également été pris en compte par des interventions françaises spécifiques.

Cependant, cette thématique a globalement manqué de moyens financiers pour répondre aux besoins exprimés par les Vietnamiens sur la période évaluée. Le projet de développement de l’irrigation dans la province de Ninh Thuan avait, par exemple, pour objectif d’accroître les revenus agricoles des minorités ethniques de ce territoire, afin de favoriser leur meilleure intégration dans la région. Ce projet de développement rural visait spécifiquement les minorités, tout en répondant à la nécessité d’adapter les pratiques agricoles au changement climatique.
 

Bailleurs Vietnam


L’évaluation du projet montre que 5 ouvrages hydrauliques sur les affluents de la rivière Cai, ainsi que les réseaux de canaux prévus ont été construits, ce qui a permis d’irriguer 2 800 hectares de terres. Si les réservoirs répondent à la demande en eau pendant les périodes à pluviométrie normale, ils ne permettent pourtant pas de répondre aux besoins en eau pour l’irrigation en cas de déficit de pluie. Là où le projet avait pour ambition 2 à 3 cycles de culture par an, l’évaluation a observé qu’une seule mise en culture pouvait être faite au cours des années de sécheresse. Le projet a en effet suivi et piloté l’usage de la ressource en eau de façon insuffisante. Les choix techniques n’ont pas été assez adaptés aux pratiques des irrigants et aux évolutions du climat. Par ailleurs, les évaluateurs n’ont pas pu retrouver de données de suivi ou d’évaluation des impacts environnementaux de ce projet.

En conclusion, pour Rémi Genevey, directeur du département Orients à l’AFD, les évaluations concernant des prêts de politiques publiques ou des projets spécifiques mais aussi les évaluations plus larges (par exemple une géographie), sont un apport précieux à l’orientation des stratégies pays et à l’évolution des pratiques. Il indique par exemple que « l’évaluation pays a permis de confirmer et consolider le positionnement stratégique de l’AFD au Vietnam sur la thématique de la lutte contre le changement climatique et la résilience des territoires et des populations ».

Interview

Olivier Gilard

Olivier Gilard
Chef de projet Eau et assainissement à l’AFD, évaluateur du programme d’adduction en eau potable dans le delta du Mékong (AEP Mékong)

« L’exercice est passionnant et il contribue à améliorer les projets que je suis en train de monter. C’est, pour ainsi dire, la seule occasion offerte à un chef de projet d’analyser un projet depuis son identification jusqu’à sa clôture. »

Olivier Gilard

En quoi le projet que vous avez évalué répondait aux enjeux du développement urbain au Vietnam ?

La croissance démographique et l’urbanisation galopante au cours des 30 dernières années génèrent un besoin d’investissement colossal pour développer les services dont la population est de plus en plus demandeuse. Ce projet, identifié initialement comme le début d’une série, était bien en adéquation avec cette problématique.

Quels ont été les résultats de ce projet ?

Les investissements réalisés dans 4 provinces et 6 centres urbains du delta du Mékong ont indéniablement permis d’augmenter la couverture du service d’approvisionnement en eau potable. 72 000 ménages environ en ont bénéficié… ce n’est pas rien ! Malheureusement ce premier projet laborieux à organiser n’a pas été reconduit.

Que retenez-vous de cette première évaluation par les pairs ?

Les évaluations externes sont parfois décevantes parce que les prestataires ont souvent du mal à identifier les informations les plus pertinentes et à évaluer en détail le rôle précis de l’AFD dans les facteurs de succès ou d’échec. L’évaluation par les pairs permet plus facilement cette « autocritique ». L’exercice est passionnant ! Certes, il demande une forte mobilisation mais il contribue à améliorer la qualité des nouveaux projets que je suis en train de monter. C’est, pour ainsi dire, la seule occasion offerte à un chef de projet d’analyser un projet depuis son identification jusqu’à sa clôture.


Lire le résumé de l'évaluation du programme de renforcement de l’adduction en eau potable dans le delta du Mékong


Article initialement publié dans le Rapport des évaluations 2017/2018 de l'AFD, à découvrir en cliquant ici