
Recherche sur les communs

Dynamique des communs
Les travaux de recherche menés s’attachent à observer des communs dans différents champs d’intervention de l’AFD : foncier rural et urbain, gestion des ressources naturelles, santé, mobilité, accès à l’eau ou à l’énergie, irrigation, etc. Ces expériences révèlent des modes de gouvernance spécifiques à chaque contexte, fondés sur l’organisation de communautés autour de ressources (matérielles ou immatérielles). Ces communautés élaborent des règles ad hoc à partir d’un objectif partagé et mettent en place une structure de gouvernance garantissant le bon respect de ces règles.
A découvrir en vidéo : Que sont les communs ?
Les travaux mettent en valeur toute une diversité de communs par rapport à :
- L’objectif qu’ils partagent : préservation de ressources naturelles, mise en place et gestion de services publics, partage de connaissances (plateformes numériques collaboratives).
- La manière dont ils émergent : des communs structurés autour de la terre et des ressources naturelles, par exemple, apparaissent comme des tentatives, parfois endogènes, de résolution de conflits ou d’alignement d’intérêts contradictoires. Mais certains travaux montrent par ailleurs qu’une intervention de l’État peut être nécessaire pour inciter les usagers à s’organiser pour garantir la reproduction de la ressource dont ils dépendent.
- La manière dont ils s’articulent, voire s’hybrident, avec la puissance publique : de nombreux cas de communs étudiés font ressortir l’importance d’une approche partenariale. Autrement dit, l’État ne se contente pas de consulter ou de faire participer les acteurs de manière plus ou moins efficace : il co-construit les diagnostics, les objectifs et les solutions en vue de systèmes hybrides et originaux de gouvernance. La question de la durabilité des arrangements institutionnels et organisationnels est au cœur de la problématique.
Regarder la vidéo « Soutenir le potentiel des communs en Afrique » :
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Communs, action publique et propriété exclusive
En renversant la perspective et en considérant les communs non comme des objets mais comme une grille de lecture, les travaux menés permettent d’élargir nos réflexions sur l’action publique et de redéfinir le rôle des usagers et des citoyens.
À partir d’expériences concrètes, et dans une logique comparative Nord/Sud, les travaux mobilisent des disciplines telles que les sciences politiques, l’histoire, la sociologie et les sciences économiques. Ils interrogent les notions de participation, de citoyenneté, de démocratie et de souveraineté. Ils mettent en évidence des modèles où des communautés de citoyens ont la possibilité de délivrer des services (qui ne sont plus uniquement fondés sur le secteur public et ses déclinaisons) et où des formes renouvelées d’exercice de démocratie directe sont expérimentées. En parallèle, les travaux menés s’intéressent aux alternatives aux droits de propriété exclusifs à travers l’élaboration de droits partagés et de droits d’usage.
L'exemple des communs de la terre et des ressources naturelles dans la vallée du fleuve Sénégal
Le droit des communs se distingue de la tradition juridique occidentale, étatique, centrée sur les droits individuels : il se fonde sur un corpus de droits, formels ou informels, écrits ou oraux mais socialisés, construits par une communauté donnée, en fonction de ses besoins. Cette notion de « faisceaux de droits » est déjà mobilisée sur les questions foncières. Elle est également intéressante dans le cas de ressources informationnelles auxquelles sont attachés des droits de propriété intellectuelle. Les travaux menés mettent en évidence des expériences dans les champs de la santé et de la nutrition, où des outils juridiques différenciés sont pensés en dehors du caractère exclusif ou strictement mercantile de la propriété intellectuelle.Revoir l'événement : Quelles politiques publiques pour les communs ?
Entrepreneuriat en communs
Tout en empruntant à l’entreprise certaines de ses pratiques, des formes d’entrepreneuriat en communs émergent avec des spécificités tant dans leurs constructions juridiques que dans les modèles économiques qui leur servent de support. Avec une approche croisée Nord/Sud, les travaux de l'AFD privilégient les axes suivants :
- Repenser l’entreprise à l’aune du commun en l’analysant notamment sous l’angle des faisceaux de droits qui la constituent. Les travaux montrent qu’il faut distinguer « l’entreprise comme commun » des dispositifs qui peuvent contribuer à mettre « l'entreprise au service du commun ». Par ailleurs, au-delà des communs « circonscrits » au service de communautés « fermées » et déterminées, certains communs sont en prise avec différentes modalités ou expressions de l’intérêt général.
- Travailler sur des modèles économiques viables pour les communs sur lesquels les nouveaux acteurs de l’économie collaborative ou de communs peuvent asseoir leurs activités. Les travaux montrent que ce sont des modèles fragiles, souvent fondés sur le travail gratuit et bénévole, ou l’auto-entreprenariat. Les modèles peuvent être néanmoins plus ou moins en prise avec le marché.
- Reconnaître et valoriser les produits et services délivrés par les communs, qui ne sont pas conçus d’abord pour le marché mais pour fournir une utilité sociale ou environnementale. Les travaux mettent en évidence le rôle des collectivités locales et des États vis-à-vis des communs ainsi que la diversité des formes de contributions possibles.
- S’interroger sur la rétribution pour les commoners : les travaux montrent que cette question ne suscite pas une réaction homogène et que les formes originales qui émergent pour concilier absence de subordination et formes de garanties d’existence restent fragiles.
- Comprendre le rôle des communs numériques et la manière dont les plateformes en communs se distinguent des plateformes classiques et constituent, pour la nouvelle génération, un moyen de s’auto-former et d’entrer activement dans le monde du numérique.
A lire dans The Conversation : « Afrique : écrire une histoire numérique commune »
Biens communs globaux
À un niveau plus macro, le travail mené permet de qualifier le positionnement original de l’AFD sur les communs.
La notion de biens communs mondiaux, mobilisée dès le quatrième plan d’orientation stratégique de l’AFD, complète l’héritage des biens publics mondiaux (BPM), notion fédératrice de l’aide publique au développement depuis les années 2000. Comme les biens publics mondiaux, les biens communs globaux mettent l’accent sur une humanité qui doit se comprendre comme une, sur l’affirmation de valeurs communes et l’urgence de préserver les ressources (naturelles ou non).
En revanche, si les biens publics mondiaux s’appuient sur les États et la coopération internationale pour mettre en place des outils réglementaires et économiques s’imposant à l’ensemble des acteurs, les biens communs globaux comptent sur les dynamiques d’acteurs locaux prenant en charge des préoccupations écologiques et sociales « à portée d’action ». En écho aux Objectifs de développement durable (ODD), les communs jouent ainsi sur les échelles et les niveaux d’acteurs et leur complémentarité.
Par ailleurs, les biens communs globaux sont un principe philosophique qui met le renforcement du lien social et la soutenabilité environnementale au centre des problématiques de gouvernance : ils considèrent l’économie comme « encastrée » dans l’écologie et le social.
Enfin, les biens communs globaux s’attachent à déconstruire la propriété exclusive et à déterminer les droits à protéger et des accords à passer en ce sens entre les acteurs (usagers, acteurs privés, acteurs publics, citoyens, etc.).
Opérationnalisation des communs
L’ensemble des travaux mettent en lumière le potentiel des communs et des approches dont ils sont porteurs, afin d’assurer la réalisation du mandat de l’AFD. Une partie des travaux confrontent les résultats de recherche aux opérations financières du groupe AFD.
Opérationnaliser les communs nous amène à ne pas les considérer comme des modèles idéaux et uniques à appliquer coûte que coûte. L’approche par les communs constitue plutôt un cadre conceptuel pour :
- Porter un regard neuf sur les dynamiques sociales locales et soutenir les transitions avec l’ensemble des acteurs.
- Penser le droit de propriété en dehors de la propriété individuelle exclusive.
- Mettre l’accent sur les transitions empruntées et les processus transformatifs autant que sur l’atteinte de résultats finaux.
Cette approche ne peut en aucun cas être normative et ne peut s’appliquer que de manière différenciée en fonction des contextes et des appétences des partenaires. Par exemple, le guide « Approche par les communs de la terre et des ressources qu’elle porte » propose des outils opérationnels pour intégrer l’approche par les communs dans la préparation, le suivi et l’évaluation des projets de développement financés par l’AFD et impliquant des questions foncières et de gestion des ressources naturelles. Fruit d'une collaboration avec le Cirad, ce guide n’impose pas une démarche normative, mais met à disposition des méthodes dont peuvent se saisir les agents de l’AFD et leurs partenaires locaux.
A lire sur GlobalDev : Les communs. Un nouveau cadre pour les politiques de développement en Afrique ?