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Échographie au centre de santé de Ryad en Mauritanie
La Mauritanie a longtemps été caractérisée des niveaux parmi les plus alarmants de grossesses non suivies et de décès périnataux. Elle reste en outre l’un des rares pays africains où les patients doivent systématiquement payer l’intégralité des actes pour pouvoir être soignés. Pour favoriser la couverture de la prise en charge et du risque obstétrical, la coopération française soutient depuis 1998 un dispositif singulier de financement de l'accès aux soins maternels et infantiles, qui a été progressivement étendu sur la majeure partie du territoire. Une évaluation d’impact actuellement en cours vise à jauger son efficacité.
Contexte

L’accès aux soins et la réduction de la mortalité pour les femmes et les nouveaux nés était au cœur des objectifs du millénaire pour le développement et ont été réaffirmé comme une priorité internationale par les objectifs de développement durable. Les mécanismes de protection sociale sont considérés comme un levier majeur pour améliorer l’accès et l’équité en ce sens. En Mauritanie, le « forfait obstétrical » est un dispositif d’assurance volontaire couvrant les frais de santé maternelle au sein des formations sanitaires publiques. Lors de leur première consultation prénatale, les femmes qui le souhaitent prépayent un montant (entre 15 et 17 €), pour accéder ensuite gratuitement à tout un ensemble de services (consultations prénatales postnatale, examens biologiques, accouchement dans une formation sanitaire par du personnel qualifié, prise en charge d’éventuelles complications). Ce dispositif a été initié en 1998 à Nouakchott avec le soutien du Ministère français des Affaires Etrangères, puis progressivement étendu sur la majeure partie du territoire national, avec l’appui de l’AFD depuis 2007. Il s’agit d’une approche originale, qui allie recouvrement des coûts, partage du risque et amélioration de l’offre de soins, dans un contexte où la plupart des pays sahéliens ont privilégié des politiques de gratuité en matière de santé maternelle.

Objectifs

L’évaluation d’impact a été lancée au démarrage d’une nouvelle phase d’extension géographique du dispositif du forfait obstétrical. Elle vise à mesurer de manière rigoureuse les effets du forfait en termes d’accès aux soins de santé maternelle ; sur les structures sanitaires, en termes de quantité et de qualité des soins ; sur l’utilisation des services de santé maternelle et l’issue des grossesses.

Méthode

L’évaluation d’impact se répartit en trois phases :

  • Une première phase d’analyse statistique a été menée en 2014-2015 par des chercheurs de l’IRD et de l’Université de Montréal, à partir de plusieurs jeux de données disponibles à l’époque par le Ministère de la Santé et l’Office national de la statistique mauritanien.
  • Une deuxième phase d’étude plus qualitative a ensuite été menée en 2016, associant des spécialistes des politiques de soins et du financement de la santé (ALTER) des socio-anthropologues de la santé (Lasdel) et des équipes mauritaniennes familières du fonctionnement du système de soins (Adage-Conseil).
  • Une troisième et dernière phase statistique a été confiée en 2017 à la même équipe IRD-Université de Montréal. Il s’agit d’exploiter des données plus précises qui ont récemment été produites et qui permettront d’affiner l’analyse sur les déterminants de l’accès aux soins et les effets du forfait sur la qualité des soins offerts par les structures sanitaires.
Résultats

La première phase a montré que la disponibilité du forfait obstétrical n’a pas eu d’impact significatif à l’échelle des territoires couverts sur l’amélioration du recours aux services de santé maternelle (consultations pré/post natales ou accouchement), hormis pour les populations les plus vulnérables (femmes les plus jeunes, pauvres, non éduquées). La disponibilité du forfait obstétrical a néanmoins eu un impact positif à l’échelle des localité couvertes sur les modalités de prise en charge des femmes dans des établissements de proximité (centres et postes de santé). On constate un impact négatif sur le taux de césarienne, mais ce n’est pas forcément négatif car ce taux dépasse largement les niveaux prescrits par l’OMS dans les zones hors forfait. Le rapport complet est en ligne et un article de recherche a été publié dans la revue Health Policy and Planning.

 

L’analyse qualitative a pour sa part mis en avant la pertinence initiale de la mise en place de ce dispositif. Son efficacité s’est cependant essoufflée avec son extension, à mesure qu’il était confronté aux dysfonctionnements structurels du système de santé mauritanien. Le renforcement du suivi de la gestion financière semble en particulier urgent, compte tenu de l’ampleur prise par le dispositif. L’évaluation pointe l’importance d’agir sur d’autres leviers (ressources humaines, disponibilité d’intrants, système d’information, supervision, etc.) parallèles au financement et d’intégrer le forfait dans la construction d’une couverture universelle et de refonder son ancrage institutionnel, pour une meilleure intégration au sein du Ministère de la Santé (Cliquez ici pour télécharger le rapport complet).

La troisième phase est en cours de finalisation. La disponibilité de données plus précises et récentes a permis d’isoler les déterminants de l’adhésion au forfait, et ainsi de comparer les femmes adhérentes à d’autres femmes directement comparables. Les résultats préliminaires montrent un impact positif de l’adhésion au FO sur le recours aux soins et sur la prise en charge des femmes enceintes pendant leur grossesse. Toute chose égale par ailleurs, l’adhésion accroît la probabilité d’avoir au moins quatre consultations prénatales de 11%, celle de passer au moins une échographie de 9%,  celle d’avoir une analyse sanguine de 12%, celle d’être assisté par un personnel médical qualifié lors de l’accouchement de 8%. L’adhésion au FO a également diminué les inégalités socio-économiques d’accès aux consultations prénatales, mais elle est restée sans effet sur les inégalités de recours à l’accouchement dans une structure sanitaire ou sur la probabilité de faire l’objet d’une césarienne. L’étude ne permet pas de mettre en évidence d’impact sur la qualité des soins offerts par les structures sanitaires, suggérant que, s’il y avait un impact, celui-ci devrait être faible. 

 

Enseignements

Ces résultats ont directement influencé la conception, courant 2016, de la phase suivante de l’appui au dispositif de forfait obstétrical. Une approche multi composantes a été mise en place au niveau régional pour améliorer la qualité et le recours aux soins, associant un travail sur les ressources humaines, la filière du sang et du médicament, ainsi que la sensibilisation communautaire. Ces enseignements alimentent également le débat national et international sur le financement de l'accès aux soins. 

01/10/2014
Date de début du projet
01/02/2019
Date de fin du projet
4 ans et 4 mois
Durée du programme
Mauritanie
Localisation

Contact : Florent Bédécarrats (bedecarratsf@afd.fr)