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« Atlas de l’Afrique AFD » : au fil des années, l’extrême pauvreté se concentre en Afrique
Dans son « Atlas de l'Afrique AFD » publié fin août 2020, l'Agence française de développement (AFD) interroge les dynamiques en cours sur le continent. À travers une carte inédite, zoom sur le phénomène d’extrême pauvreté en Afrique.

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atlas afrique carte extrême pauvreté
Une situation contrastée à l'échelle du continent

 

Si la baisse des taux de pauvreté en Afrique peut être source d’espoir, la forte concentration de l’extrême pauvreté devient préoccupante. Aujourd’hui le continent concentre plus de 60 % des individus extrêmement pauvres de la planète, et ce taux devrait grimper à 90 % en 2030, selon la Banque mondiale. Une évolution d’autant plus préoccupante que l’Afrique n’en concentrait qu’un quart en 1990.

L’extrême pauvreté est mesurée par le nombre de personnes vivant avec moins de 1,90 dollar par jour. Si l’Afrique concentre le plus grand nombre de personnes en situation d’extrême pauvreté à l’échelle mondiale, les disparités sont encore plus marquées au sein même du continent. Au Mali, au Nigéria, au Malawi, à Madagascar, au Lesotho et au Congo, plus de 70 % de la population est concernée par cette définition établie par l’ONU. Les taux d’extrême pauvreté battent ainsi des records en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest. 

En revanche, dans les pays d’Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie et Égypte), seulement 5 % de la population vit sous le seuil d’extrême pauvreté. C’est moins de 20 % dans les pays du Sud : Afrique du Sud, Botswana et Namibie. 

La part d’Africains connaissant l’extrême pauvreté a néanmoins sensiblement diminué sur le continent au cours des dernières décennies. La première décennie des années 2000 s’est en effet avérée favorable au développement et à la croissance économique. Preuve de sa résilience, l'Afrique a par exemple enregistré une diminution de 8 % du taux de pauvreté entre 1985 (47 %) et 2017 (39 %). 

Mais cette performance peine à compenser l’accroissement de la pauvreté en Afrique, en nombre d’individus, dû à une croissance démographique élevée. Les projections de la Banque mondiale pour 2030 pourraient prendre encore de l’ampleur avec la crise sanitaire liée au coronavirus, qui menace de catalyser et de concentrer encore plus l’extrême pauvreté non seulement à l’échelle mondiale, mais surtout au sein même du continent. 

L’analyse de Jean-David Naudet, économiste et statisticien à l’AFD : « Pour le moment, nous ne connaissons pas l’ampleur de l’impact de la crise sanitaire en Afrique. Cependant, la Banque mondiale prévoit que la pandémie devrait entraîner plus de 150 millions de personnes supplémentaires dans l'extrême pauvreté d’ici 2021. En conséquence, le taux mondial d'extrême pauvreté devrait augmenter pour la première fois depuis vingt ans.

L’Afrique bénéficie d’une population assez jeune et il faut également souligner que les pays africains ont globalement su anticiper et réagir rapidement face à la crise sanitaire. Ayant déjà été confrontés à d’autres épidémies ces dernières années, ces pays se sont montrés très réactifs pour endiguer la propagation du virus en fermant les frontières, décrétant des couvre-feux et mesures pour populariser les gestes barrière très rapidement avec plus ou moins de succès. 

Néanmoins, on peut observer et prévoir certaines répercussions de la crise en Afrique, notamment sur le plan budgétaire. Déjà confrontée à un surendettement plus ou moins répandu avant la crise, l’Afrique doit faire face à une perte de recettes dans certains secteurs autrefois fructueux et prometteurs qui se retrouvent désormais fortement sinistrés (tourisme, hôtellerie…). À cette crise budgétaire s’ajoutent des restrictions de mobilité (limitation des déplacements et fermeture des frontières) qui risquent de marginaliser et enclaver des territoires, augmentant ainsi les inégalités et la pauvreté dans ces zones.

De même, alimentées par la crise du coronavirus, la concentration et l’accroissement de l’extrême pauvreté amplifient et font réapparaître des problématiques qui étaient en voie d’amélioration. C’est par exemple le cas de la malnutrition qui redevient une priorité majeure et alarmante. 

Dans ce contexte où l’extrême pauvreté et ses conséquences risquent d'augmenter significativement, il faudrait prôner une croissance inclusive, c’est-à-dire une croissance où les 40 % les plus pauvres d’une population auraient une croissance de leurs revenus plus forte que la moyenne (celle du PIB). Les Objectifs de développement durable (ODD) caractérisent bien cette démarche promotionnelle qui met à la fois l’accent sur l’éducation, la santé, la diminution des inégalités, de la pauvreté, et promeut également une forte croissance avec la poursuite du développement des infrastructures et de l’industrialisation, dans le cadre des transitions énergétiques et urbaines. 

La croissance inclusive, basée sur l’idéal selon lequel chacun devrait avoir la possibilité de contribuer à l’augmentation de la prospérité ainsi que d’en bénéficier, peut être une piste prometteuse pour faire face à la concentration de l’extrême pauvreté et donner un souffle nouveau aux territoires africains les plus en proie à ce phénomène. »
 


couverture atlas« Atlas de l'Afrique AFD », Pour un autre regard sur le continent africain, éditions Armand Colin, 25 euros.