La Mauritanie a longtemps enregistré un niveau de mortalité maternelle parmi les plus alarmants au monde. Selon l’Organisation mondiale de la santé, celui-ci était en 2015 de 602 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes – un taux bien supérieur à celui de pays voisins, comme le Burkina Faso (371 décès pour 100 000 naissances). À titre de comparaison, la mortalité maternelle se situe en France autour de 10 pour 100 000 naissances.
Afin d’améliorer l’accès financier aux soins maternels, mais aussi la qualité des soins, le Forfait obstétrical (FO) a été lancé en 1998 à Nouakchott, avec le soutien de la France, avant d’être progressivement étendu à la majeure partie du pays. Le FO est un dispositif d’assurance volontaire qui, moyennant un paiement de 15 à 17 euros (en 2020), permet aux femmes d’être suivies dans des établissements sélectionnés : consultations prénatales, postnatales, examens biologiques, échographie, accouchement assisté, transport et prise en charge des complications éventuelles.
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Des évaluations à la fois quantitatives et qualitatives
En 2015, 40 % des femmes enceintes, soit 65 000, adhéraient au forfait, contre 25 % en 2010. Mais encore fallait-il mesurer l’efficacité du FO. Une évaluation d’impact a donc été lancée au démarrage d’une nouvelle phase d’extension géographique du dispositif. L’Institut de recherche pour le développement (IRD) a mené deux études quantitatives, en 2015 puis en 2018, en s’appuyant à chaque fois sur les données de grandes enquêtes sanitaires. Un second groupe de recherche réunissant des experts de santé publique, en anthropologie et sociologie, a réalisé une étude qualitative sur les pratiques du personnel soignant, la relation soignants-patientes et la perception du Forfait obstétrical par les bénéficiaires. L’évaluation a fait l’objet de trois publications : une lors de la première phase d’analyse quantitative, une lors de la seconde phase qualitative, puis une synthèse du rapport final, publiée fin 2019.
Un impact positif sur le recours aux soins et la prise en charge
En termes quantitatifs, il ressort de ces évaluations que les femmes qui ont adhéré au forfait ont accouché dans 84 % des cas dans des établissements de santé, contre 61 % pour celles qui n’ont pas adhéré. Elles ont davantage recours aux consultations prénatales (+11 % de probabilité de bénéficier d’au moins quatre consultations prénatales), réalisent davantage d’examens complémentaires (échographie, bilan sanguin…) et ont plus de chances d’être assistées par du personnel médical qualifié lors de l’accouchement.
Par ailleurs, l’adhésion au forfait réduit de manière significative l’inégalité d’accès aux consultations prénatales selon le niveau de vie des patientes, qu’elles vivent en zone urbaine ou rurale. Ce forfait a contribué à la réduction des inégalités entre les plus riches et les plus pauvres dans l’accès à la césarienne en zone rurale et dans l’accès aux accouchements en établissement de santé en zone urbaine.
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Des progrès à faire en termes de qualité des soins
Au niveau qualitatif, l’évaluation démontre que le FO a contribué à former du personnel de santé et à améliorer l’offre de soins, notamment par une meilleure prise en charge des complications et le transfert des patientes vers l’hôpital. Il reste néanmoins des progrès à faire concernant la qualité des soins. D’une part, parce que la formation du personnel, la maintenance et le renouvellement des équipements ont eu du mal à suivre la rapide extension géographique du FO ; d’autre part parce que l’augmentation du prix des médicaments et les difficultés de gestion financière du dispositif ont nui au bon fonctionnement des centres de santé de proximité.
Avancer vers une couverture universelle en santé
Les différentes enquêtes lancées permettent d’avoir une vision d’ensemble des actions à mener pour soutenir le recours aux soins maternels, et donc de guider la décision publique. Au-delà du volet financier, il est nécessaire d’agir pour renforcer les ressources humaines, la disponibilité des produits médicaux, l’efficacité du système d’information ou encore la supervision.
Suite aux premières conclusions, une nouvelle approche plus globale au niveau régional a été mise en place dès 2016, associant un travail sur les ressources humaines, sur la filière du sang et du médicament, ainsi que sur la sensibilisation communautaire. La prochaine étape souhaitable serait d’intégrer le forfait dans la construction d’une couverture santé universelle en santé pour la Mauritanie et de refonder son ancrage institutionnel, pour une meilleure intégration au sein du ministère de la Santé.