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ONG, Play international
Cela fait désormais dix ans que l’Agence française de développement (AFD), sur délégation du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, est au coeur du dispositif de soutien aux initiatives de développement des Organisations de la société civile françaises (OSC). Pierre Salignon, responsable de la division des partenariats avec les OSC de l’AFD, détaille ci-dessous quelques éléments de prospective qui influeront à l’avenir sur cette relation.

1Les cofinancements mobilisés par l’AFD pour soutenir les initiatives OSC sont en constante progression et atteindront 100 millions d’euros en 2020, contre 40 il y a cinq ans. Ils permettent la mise en œuvre de projets de terrain dans des secteurs aussi divers que l’agriculture, la santé, les droits humains, le climat et la protection de la biodiversité, la protection de l’enfance et l’éducation. 

Ils participent également à la structuration et au renforcement des acteurs français de la solidarité internationale et au développement des actions d’éducation au développement et à la citoyenneté, et donc à la sensibilisation du public. Dans un monde en profonde mutation – accroissement des inégalités, réchauffement climatique, crises multiples –, la mise en place de partenariats équilibrés entre OSC françaises et organisations locales représente un défi majeur, tout comme les actions qui appuient un environnement favorable aux sociétés civiles. 

Le soutien aux initiatives des OSC françaises, un levier essentiel

Soutenir les initiatives des OSC françaises reste une priorité à la fois pour soutenir un écosystème varié et dynamique d’organisations, mais également pour développer des partenariats opérationnels et financiers ambitieux. Le renforcement du dialogue avec les OSC et le soutien de leurs initiatives favorisent la « génération » par les OSC de nouveaux projets de développement, au-delà du dispositif Initiatives OSC

En effet, si les OSC plébiscitent le soutien à leurs initiatives et appellent à un soutien financier accru, elles sont également volontaristes pour répondre aux appels à projets lancés par l’AFD ou répondre à des « commandes », en lien avec les attentes de l’AFD et ciblant les priorités françaises en matière de développement (éducation et insertion professionnelle des jeunes, santé, genre, biodiversité, vulnérabilités, Sahel…). Grâce au soutien apporté aux initiatives des OSC françaises, des partenariats plus ambitieux et pluriannuels ont vu le jour et peuvent désormais s’élargir.

Les OSC françaises soulignent en effet leur volonté de voir évoluer les relations avec l’AFD et de participer à la construction commune d’alliances objectives sur des plaidoyers partagés avec les pouvoirs publics et de nouveaux projets ambitieux, visant des impacts rapides, dans des zones parfois de grande fragilité, ou soutenant des approches innovantes et des problématiques orphelines. L’accroissement du pourcentage de l’Aide publique au développement (APD) française transitant par elles va dans ce sens.

Faire plateforme et favoriser une plus forte cohérence des actions

Pour l’AFD, le défi de la mise en cohérence de la relation avec l’ensemble des OSC partenaires devient central. Le réflexe partenarial de l’AFD avec les OSC se développe progressivement au-delà des activités de la seule division des partenariats OSC, impliquant un suivi plus précis et informé de la relation avec les « tiers » OSC (et de leurs projets), que ce soit au siège ou dans les agences, au niveau des directions régionales également. 

De plus, persiste un enjeu d’articulation sur lequel nous travaillons avec les services du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) pour plus d’impact et de lisibilité de l’offre française. Une coordination renforcée entre les membres de l’« Équipe France » apparaît importante pour mieux faire converger les actions en faveur de la société civile, et faciliter le dialogue avec les OSC concernées, ici et ailleurs. 

Enfin, progressivement se renforcent en France même d’autres dynamiques communes entre les acteurs français de la solidarité internationale implantés dans nos régions (collectivités territoriales, réseaux régionaux multi-acteurs, PME, OSC) qui développent des actions de coopération décentralisée, avec l’aide du MEAE et de l’AFD, initiant ainsi des ponts entre plusieurs rives.

Un point d’attention concerne toutefois l’évolution du cadre réglementaire en matière de risques de financement du terrorisme, de blanchiment d’argent et de corruption. Il se renforce au niveau européen et nécessite d’accompagner les OSC partenaires, quelle que soit leur taille, afin de mieux encadrer les risques potentiels, mais aussi pour préserver leurs capacités d’agir notamment dans les régions les plus fragiles. 

Comment limiter les risques fiduciaires tout en soutenant les OSC de développement partenaires intervenant dans les zones les plus exposées ? Leurs actions sont essentielles au développement et la stabilité, ou pour lutter contre les menaces qui pèsent bien souvent sur la paix. Ce dilemme soulève de nombreuses interrogations parmi les OSC partenaires dans des contextes d’intervention parfois très dégradés (Haïti, Sahel…), nécessitant beaucoup d’agilité et de flexibilité. Reconnaissons-le, les OSC françaises soutenues restent expertes dans ces domaines et font office de garantie pour mener à bien des actions de développement et de secours dans ces environnements complexes. 

La « localisation de l’aide » et le renforcement des acteurs de la société civile locale

Les OSC des pays émergents sont des acteurs majeurs et incontournables pour l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD), pour la lutte contre la pauvreté et pour la préservation de la planète. Leur financement et leur structuration sont des enjeux importants. Le MEAE, via le réseau des ambassades, renforce progressivement ses capacités de soutien des acteurs locaux de la société civile (via des appels à projets locaux pilotés par les postes diplomatiques notamment). 

Pour ce qui concerne l’AFD, le dispositif de soutien aux initiatives des OSC françaises permet aussi depuis plusieurs années le financement de nombreux micro-projets portés par les organisations locales via des programmes intégrant des fonds redistributifs portés par des ONG françaises (Programmes concertés pluri-acteurs pilotés par les ONG CFSI et Solidarité laïque, financement des micro-projets des diasporas du Forim, Agence des micro-projets de la Guilde, et d’autres). Sans oublier les micro-financements mobilisés par le FFEM sur les enjeux d’environnement, ou encore les financements mobilisés par l’Initiative 5% d’Expertise France dans la lutte contre le VIH, le paludisme ou la tuberculose.

Toutefois, le processus de « localisation de l’aide » (issu de la Conférence d’Istanbul sur l’aide humanitaire) se renforce et nécessite certainement d’aller plus loin. La demande de financement de la part des OSC locales et nationales est forte. Elle devrait conduire dans les années à venir à y consacrer des ressources spécifiques et plus importantes à la fois pour participer à l’émergence, au renforcement et à la structuration des OSC locales mais aussi pour soutenir les projets qu’elles pilotent. 

Les OSC françaises, par les partenariats qu’elles ont su développer avec les OSC des pays émergents, représentent en ce sens un atout majeur pour identifier les plus dynamiques et les renforcer, les accompagner, les autonomiser ainsi que pour construire des alliances et des stratégies opérationnelles et d’influence communes.

Soutenir un environnement plus favorable aux sociétés civiles

Les relations internationales se caractérisent par une dégradation de l’environnement de la société civile. En Afrique, au Moyen-Orient, en Amérique latine, cette tendance n’est certes pas nouvelle mais elle s’accélère. Comme le demandent de nombreuses ONG partenaires et reconnues (FIDH, Forus, RSF, Solidarité Laïque, Coalition plus, etc.), il est vital de réfléchir à comment mieux soutenir la société civile et maintenir un environnement favorable à leurs actions, à l’émergence et la structuration de nouveaux acteurs, à la protection d’autres. 

Les restrictions imposées aux libertés d’association, d’expression ou de mobilisation questionnent dans de nombreux pays les capacités des OSC et de leurs partenaires à poursuivre leurs missions, défendre les droits humains, la liberté de la presse, favoriser une « meilleure » gouvernance, mettre en œuvre des projets à forts impacts sociaux ou économiques…

Comment les accompagner face à ces évolutions ? Quels nouveaux outils et mécanismes développer pour soutenir des partenaires français, internationaux et locaux dont la légitimité est remise en question parfois, et les libertés d’action menacées ? Quelles alliances développer aussi avec d’autres bailleurs internationaux soutenant activement les acteurs de la société civile (SIDA, DANIDA, Union européenne, Fondation de France…) ? Autant de pistes de partenariats qu’il nous appartient de tenter de développer et renforcer à l’avenir.