Dans la lutte contre les pandémies, la malnutrition ou pour la planification familiale, la diffusion des bonnes pratiques sanitaires auprès des populations représente un enjeu majeur. Spécialisée dans la lutte contre la pauvreté et les inégalités dans le monde, l’ONG Gret a mis en place au Burkina Faso un système facilitant l’accès des familles aux informations de santé grâce à une technologie maîtrisée par tous : le SMS.
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Un téléphone peut sauver des vies. C’est l’expérience que mène avec succès le Gret au Burkina Faso depuis 2016 grâce à un nouveau système d'alertes par SMS. Le pays compte parmi ceux où les taux de malnutrition et de mortalité infantile sont les plus élevés au monde : 27 % des enfants souffrent de malnutrition chronique et près de 9 % décèdent avant d’avoir 5 ans. En cause, une alimentation inadaptée aux enfants en bas âge, une mauvaise hygiène et un recours tardif aux soins.
Pour améliorer les pratiques nutritionnelles et sanitaires des familles, le Gret a eu l’idée de lancer des campagnes d’information et de sensibilisation d’un genre nouveau. Il s’agissait de s’affranchir des contraintes de coût et de temps des campagnes classiques menées dans les villages par les agents de santé communautaire. Mais aussi d’exploiter la banalisation du téléphone portable au Burkina Faso, aujourd’hui utilisé par 90 % de la population, dont 75 % des femmes.
Des conseils personnalisés
Le service AlloLaafia (« Allô santé » en mooré) permet aux familles de recevoir par SMS des conseils personnalisés sur trois thématiques de santé : la planification familiale, le suivi de la grossesse et l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant. « Ces messages sont personnalisés suivant le genre du bénéficiaire, l’âge de l’enfant ou le stade de la grossesse. Ils sont disponibles en français, en gulmancema et en mooré », indique l’ONG Gret.
Ce projet a bénéficié d’un soutien financier de l’Agence française de développement (AFD). « Ces messages les incitent à prendre rendez-vous en centre de santé quand il le faut. Les patients sont ainsi mieux suivis », souligne Gwenael Prié, responsable d’équipe projet Numérique à l’AFD. « Cet outil permet aussi aux populations de lire les conseils de santé dans un cadre plus intime. Il autorise aussi les proches, enfants, grands-mères ou maris à avoir accès aux informations. »
Car ces campagnes ne s’adressent pas qu’aux femmes. Leurs conjoints aussi ont la possibilité de s’abonner au service pour recevoir des conseils personnalisés. Et le succès ne se dément pas dans cette population : sur les 26 500 abonnés au service, plus de 40 % sont des hommes.
Une abonnée témoigne : « Dans les messages il y a des conseils pratiques très utiles. Comme conseillé, je n’ai pas donné d’eau à ma fille avant ses 6 mois, alors que je le faisais pour mes autres enfants. Ils tombaient souvent malades alors que ma fille, elle, n’est jamais tombée malade. Mon mari est lui aussi abonné à AlloLaafia. Je transmets également certains messages à ma voisine qui a un enfant de 3 mois. »
Un taux de confiance de 96 %
Plus de 2 millions de messages ont été envoyés depuis le lancement du service. Les abonnés sont aujourd’hui 96 % à avoir confiance dans ces conseils et 72 % à les appliquer. Selon le Gret, les enfants des familles abonnées ont été pesés deux fois plus souvent que les enfants des non-abonnés. Dans le même temps, les agents des centres de santé voisins constatent une présence masculine plus importante lors des consultations périnatales.
Le projet ne va pas s’arrêter là. Les parents ont en effet été nombreux à demander des conseils nutritionnels sur leur propre alimentation, et celle de leurs adolescents, mais aussi des informations sur les pratiques agricoles. Le Gret s’apprête donc à lancer une nouvelle campagne sur ces thématiques. Au Burkina Faso, le téléphone sauvera sans doute encore plus de vies.