Quelles sont les nouvelles formes de l’urbanisation africaine au XXIe siècle et comment penser l’articulation entre urbanisation et croissance économique ? Comment les États africains peuvent-ils financer leurs infrastructures et leurs services publics dans un contexte d’augmentation rapide de l’endettement ? Que nous apprend l’analyse des données sur les caractéristiques des flux migratoires africains et sur la complexité des liens entre migrations et développement ? Quels bénéfices l’Afrique peut-elle attendre d’une industrialisation tardive au regard de l’exemple éthiopien ? Dans quelle mesure les « communs » constituent-ils, entre autres, une solution aux problèmes fonciers du Mali ?
Table des matières
I / Les grandes tendances macroéconomiques de l’Afrique et de ses régions
II / Le dilemme des États africains : entre besoin d’investir et risque de surendettement
III / L’industrialisation en Afrique et l’exemple éthiopien
IV / L’Afrique de demain sera rurbaine
V / L’Afrique redécouvre les communs : une lecture des enjeux fonciers ruraux au Mali
VI / La migration africaine
L’ensemble des auteurs sont disponibles pour d’éventuels échanges et interviews.
Le résumé de l’ouvrage est disponible à la suite du communiqué.
« Je me réjouis de la parution de L’Economie africaine 2020 qui vient nourrir la réflexion académique sur les mutations à vitesse accélérée de l’Afrique alors que l’actualité économique mondiale reste calée sur un rythme américain, européen ou chinois. Conçu à partir de l’approche « Tout Afrique » promue par le Groupe Agence française de développement, ce livre traite des grands enjeux africains à l’échelle continentale. Cet axe de recherche contribue également à un nécessaire changement de regard sur l’Afrique pour prendre toute la mesure des changements qui s’y opèrent, en déconstruisant les idées reçues et en donnant à voir l’Afrique en train de se faire. Il s’agit du premier d’une série de rendez-vous annuels qui auront vocation à donner lieu à des contributions d’horizons pluriels, en partenariat avec les chercheurs du Groupe AFD », a indiqué Rémy Rioux, Directeur général du Groupe Agence française de développement.
A propos de l’Agence française de développement
Le groupe Agence française de développement (AFD) est un établissement public qui met en œuvre la politique de la France en matière de développement et de solidarité internationale.
Climat, biodiversité, paix, éducation, urbanisme, santé, gouvernance… Nos équipes sont engagées dans plus de 4000 projets à fort impact social et environnemental dans les Outre-mer français et 115 pays. Nous contribuons ainsi à l’engagement de la France et des Français en faveur des Objectifs de développement durable (ODD).
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L’ouvrage en résumé
I / Les grandes tendances macroéconomiques de l’Afrique et de ses régions
Par Yasmine Osman, normalienne, diplômée de l’ESCP Europe et titulaire d’un Master en économie théorique et empirique de l’Ecole d’Economie de Paris. Avant de rejoindre l’AFD en 2018, elle a travaillé à la Direction Générale du Trésor, chargée notamment de l’élaboration des prévisions de croissance pour la France et la zone euro.
Après une décennie de confiance retrouvée, des doutes sont de nouveau apparus sur la capacité de l’Afrique à maintenir des taux de croissance durablement élevé.
Le retournement du cours des matières premières entamé en 2014 a en effet donné un coup d’arrêt à l’épisode de croissance élevée des années 2000. L’objectif de ce chapitre est de comprendre où se situe véritablement l’Afrique sur le plan économique en ce début d’année 2020 et d’identifier les grands enjeux de l’année à venir. Pour cela, on propose une approche originale qui consiste à examiner la situation du continent dans son ensemble mais aussi celle des grandes régions qui le composent ; car, sur ce continent qui est grand comme trois fois l’Europe, les trajectoires individuelles comptent autant que la perspective générale. La croissance du continent africain se maintient en 2019, confirmant sa reprise.
Le PIB réel progresse de +3,2% en 2019 et ce, malgré un contexte international peu porteur. Les difficultés des grandes économies du continent masquent un dynamisme quasi général. Les six premières économies du continent en termes de taille du PIB concentrent à elles seules plus de 65 % du PIB total africain. Or quatre d’entre elles — toutes riches en ressources naturelles — sont en difficulté. Les autres pays africains affichent des taux de croissance plus élevés et cinq d’entre eux comptent même parmi les plus dynamiques au monde. L’accélération prévue pour 2020 (+3,8 %) sera conditionnée par sept enjeux clés : deux enjeux extérieurs et cinq enjeux intérieurs.
II / Le dilemme des États africains : entre besoin d’investir et risque de surendettement
Par Christophe Barat, économiste et responsable d’équipe projet « Entreprises publiques ». Il travaille à l’AFD depuis 20 ans, occupant alternativement des fonctions de recherche et opérationnelles. Ses recherches portent notamment sur le risque pays, les finances publiques et les questions de dette.
Et Hélène Ehrhart, économiste à l’AFD, spécialisée sur les domaines des finances publiques et de l’analyse du risque pays. Elle contribue à l’analyse macro-économique des pays d’intervention de l’AFD et mène des travaux de recherche sur la thématique des finances publiques.
Le processus de développement économique induit des besoins de financement importants pour la mise en place d’infrastructures et de services publics, dont l’essentiel est couvert par l’endettement, notamment public. La viabilité de la dette publique africaine est donc étroitement dépendante de la nature des actifs qu’elle finance. L’encours de la dette publique africaine représentait 57% du PIB continental en 2018, et s’inscrit en hausse depuis le début de la décennie 2010. Dans ce contexte haussier, ce chapitre vise à analyser les dynamiques de croissance, budgétaires et monétaires qui expliquent les trajectoires d’endettement. Cet exercice permet de bien mettre en avant les caractéristiques propres à chaque pays et de sortir d’une vision manichéenne et souvent négative de l’endettement, résultant notamment de l’historique d’allègements de dette accordés dans les années 2000.
Ce chapitre met également l’accent sur les modifications radicales de la nature des créanciers des Etats africains, ainsi que sur leurs impacts sur les conditions de financements, sur les caractéristiques des actifs financés et sur les capacités du système international à se coordonner pour gérer d’éventuelles restructurations à venir.
III / L’industrialisation en Afrique et l’exemple éthiopien
Par Gaëlle Balineau, économiste régionale pour la direction Afrique de l’Est de l’AFD. Elle est également en charge d’appuyer les activités de prospection et d’identification visant la diversification du portefeuille est-africain.
Et Ysaline Padieu, économiste à l'AFD où elle effectue des analyses de risques et des évaluations pays. Ses recherches portent sur les inégalités, l’économie de la santé et du développement, l’économie de la Chine et la microéconométrie.
Historiquement, c’est le développement du secteur industriel, et notamment manufacturier, qui a accompagné la création d’emplois et la croissance dans les pays riches au 19ème siècle. En Afrique, après de lourds échecs dans les années 1970, les politiques d’industrialisation sont de nouveau érigées au rang d’impératif par les gouvernements. Comment expliquer ce regain d’intérêt ? Quelles sont les stratégies mises en œuvre et quels en sont les résultats ? Ce chapitre présente une synthèse de la situation en Afrique et du cas éthiopien. La part de la valeur ajoutée manufacturière dans le PIB s’établit à 12 % en Afrique actuellement, contre 23 % en Asie du Sud-Est.
Ces taux sont interprétés comme les signes d’une « désindustrialisation précoce ». Le secteur industriel est pourtant l’un des plus réducteurs de pauvreté : une augmentation de 1 % de la valeur ajoutée industrielle induit une réduction de la pauvreté de 1,1 %. Ainsi, le cas éthiopien illustre à quel point il est difficile de dépasser les faiblesses structurelles. Sur le continent en général et malgré quelques réussites (Maurice par exemple), la productivité reste faible. Il est ainsi difficile pour les « nouveaux entrants » de faire face à la concurrence des géants du secteur manufacturier (Chine et Asie du sud-est). En conséquence, les gouvernements et les observateurs extérieurs craignent que la majeure partie de la jeunesse africaine se retrouve sans emploi, et que cela constitue une menace pour la stabilité sociale.
Pour ce front de l’emploi, développer le secteur manufacturier reste une priorité, mais cela ne suffira pas. Les activités de transformation des produits agricoles et les services non-échangeables sont d’autres secteurs importants. Développer le commerce intra-africain et servir avant tout la demande locale est une autre priorité.
IV / L’Afrique de demain sera rurbaine
Par Irène Salenson est docteure en géographie-urbanisme. Elle est chargée de recherches à la Direction Innovation, Recherche et Savoirs de l’AFD. Elle est en charge du programme de recherches sur les transitions urbaines : développement urbain, gestion des déchets, logement, inclusion sociale.
On parle souvent d’une « explosion urbaine » africaine comme d’un phénomène inquiétant. Certes, la croissance urbaine est la plus forte du monde (4% par an), mais il s’agit d’un processus de rattrapage, car la majorité de la population habite encore à la campagne. L’urbanisation africaine de demain consistera en la transformation de bourgs ruraux en ville (rurbanisation) et non pas en un exode rural massif. Contrairement aux pays de l’OCDE, l’urbanisation en Afrique n’est pas liée à un processus d’industrialisation. Par ailleurs, la précarité urbaine est généralisée en Afrique : 43 % des citadins vivent en dessous du seuil de pauvreté. Une partie des pays africains tirent leurs richesses de ressources minières tout en ayant des économies peu redistributives. Les pistes d’accompagnement des villes africaines pourraient être des programmes de logements sociaux, des investissements pour les villes secondaires et non uniquement pour les capitales économiques, l’intégration des quartiers informels existants (réseaux et équipements publics), et l’amélioration des ressources financières des institutions en charge du développement urbain (gouvernement, municipalités, entreprises locales).
V / L’Afrique redécouvre les communs : une lecture des enjeux fonciers ruraux au Mali
Par Stéphanie Leyronas, chargée de recherches à la Direction Innovation, Recherche et Savoirs de l’AFD. Elle mobilise des disciplines diverses pour questionner l’aide au développement et les transitions écologiques et sociales à l’aune des communs.
Par Mathieu Boche, ingénieur en chef des Ponts des Eaux et Forêts et docteur en économie du développement. A l’AFD, il assure le suivi des interventions de l’AFD sur le foncier et le développement des territoires ruraux dans plusieurs pays d’Afrique et dans les pays du bassin amazonien.
Et Emeline Baudet, doctorante à la Direction Innovation, Recherche et Savoirs de l’AFD. Elle travaille sur les représentations du lien social et des communs dans la littérature postcoloniale, essentiellement africaine et latino-américaine.
En dépit de son urbanisation croissante, l’Afrique est aujourd’hui encore un continent essentiellement rural. De ce fait, l’accès à la terre et aux ressources qu’elle porte est l’une des pierres angulaires de la lutte contre la pauvreté en Afrique. Quand on aborde la question de l’accès à la terre, on parle souvent de « droit de propriété » privé formel mais, sur le continent africain, l’accès à la terre se caractérise plutôt par une diversité de droits individuels ou collectifs, temporaires ou permanents, qui sont inscrits dans des contextes culturels et historiques particuliers. Dans ce chapitre, nous démontrons comment le Mali réinvente des communs fonciers pour réduire les conflits autour de l’usage de la terre et sécuriser les droits, en s’appuyant sur des systèmes de gouvernance locaux et sur, notamment, des commissions foncières villageoises. Ce faisant, il s’inscrit tant dans les traditions précoloniales que dans des expérimentations contemporaines internationales d’émergence de communs pour protéger certaines de ses ressources naturelles, enrichir des ressources immatérielles et pallier les déficiences de certains services publics.
VI / La migration africaine
Par Rohen d’Aiglepierre, responsable du pôle développement humain au Congo et expert régional éducation auprès de la direction régionale Afrique Centrale. Docteur en économie, Rohen a travaillé sur le développement humain au département de recherche de l’AFD.
Anda David, économiste, en charge de programmes de recherches sur les inégalités, la pauvreté et les migrations internationales. Ses projets actuels portent sur l’impact de l’émigration sur les pays d’origine, sur les inégalités ainsi que sur la cohésion sociale et l’efficacité de l’aide.
Et Gilles Spielvolgel, économiste à la division des migrations internationales, à l’OCDE. Il est également maître de conférences à l'Institut d'études du développement de la Sorbonne (IEDES) et chercheur associé à l'institut de recherche pour le développement (IRD-DIAL).
« Crise », « ruée vers l’Europe », « bombe migratoire », la migration africaine fait l’objet d’un traitement souvent partial, loin de la réalité du phénomène. Ce chapitre vise à sortir les lecteurs des idées reçues sur la migration africaine. Elle représente 14,1 % de la migration internationale alors même que l’Afrique représente presque 16,6 % de la population mondiale et sa part n’a augmenté que très légèrement depuis 2000. La majorité de la migration africaine se fait en réalité au sein même du continent africain.
Les tendances récentes montrent que la migration africaine est plus jeune, plus féminisée et mieux éduquée. L’Afrique reste la région du monde la plus affectée par les déplacements internes et internationaux et le changement climatique pourrait accentuer les déplacements forcés. Un des grands enjeux pour l’avenir des migrations africaines concerne sa capacité à améliorer les opportunités économiques et sociales offertes à sa jeunesse.