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Circulation pendant l'heure de pointe du matin à Ho Chi Minh-Ville (Vietnam)
Dans le cadre de sa série « Innovation partagée », l’AFD met en lumière des programmes novateurs créés ou développés dans nos pays partenaires.

Le Vietnam, avec ses 96 millions d’habitants et malgré sa proximité avec la Chine, se place aujourd’hui comme un exemple de bonne gestion de la crise du Covid-19 : le pays compte seulement 268 cas, 214 guérisons et aucun décès au 21 avril 2020. Décryptage.

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Bien que partageant une frontière de 1 000 kilomètres avec la Chine, le Vietnam est l’un des pays les moins touchés par le Covid-19 en Asie du Sud-Est. Une performance qui fait parler d’elle et qui a été érigée en exemple dans plusieurs pays.

Pourtant, le ratio du nombre de lits d’hôpital pour 1 000 habitants est plus bas que dans les pays européens : 3,2 en 2018, contre 6 en France par exemple. La clé du succès ne se trouve donc pas ici dans les infrastructures sanitaires en elles-mêmes mais dans l’anticipation dont a fait preuve le gouvernement, fort des enseignements tirés de la crise du SRAS en 2003, et dans les mesures de prévention mises en œuvre. 

Réagir dès les premiers signaux 

Tout d’abord, le pays a immédiatement pris la menace au sérieux et n’a pas tardé à agir : à peine une semaine après l’apparition du premier cas avéré en provenance du Wuhan, le 23 janvier, le pays a fermé sa frontière avec la Chine et a décidé de ne pas rouvrir les écoles après les vacances scolaires du Têt.

Les aéroports ont également été très rapidement contrôlés et, depuis début mars, toute personne entrant sur le territoire doit se placer en quatorzaine. 

Le Vietnam a également été le premier pays après la Chine à fermer une ville pendant trois semaines dans la commune de Son Lôi, située au nord de Hanoï et à proximité de l’aéroport international de la capitale, où vivent plus de 10 000 personnes. Une décision prise après quelques cas tracés parmi des ouvriers de retour de Wuhan. Plusieurs quartiers ont également été fermés et entièrement désinfectés après l’identification de cas positifs. 

La stratégie du risque zéro : tout miser sur la prévention

L’approche vietnamienne se différencie par une stratégie définie comme « low cost » par certains médias. Elle consiste à déployer des mesures simples mais efficaces, ciblées et systématiques en cas de suspicion ou de cas avéré. 

Lorsqu’une personne est testée positive (appelée F0), une liste est établie de toutes les personnes qu’elle a rencontrées. Ces dernières (dénommées F1), sont envoyées immédiatement en quatorzaine dans des centres fermés – casernes, hôtels et immeubles collectifs réquisitionnés à cet effet – ou dans leur propre logement si possible. Elles sont systématiquement testées et doivent à leur tour prévenir les personnes avec lesquelles elles ont été en contact. Ces dernières (F2) devront quant à elle respecter la distanciation sociale et si possible se confiner chez elles 14 jours. Si l’un des F1 est testé positif, il devient F0, et le processus se réplique : les F2 deviennent F1 et la recherche des nouveaux F2 est lancée, etc. 

L’avantage de ce système : même les personnes potentiellement asymptomatiques ou ayant des tests négatifs (le taux d’échec des tests est de 30 % environ) sont confinées lorsqu’elles ont été en contact avec un cas avéré. Ce système n’a nécessité à ce jour l’utilisation que d’environ 120 000 tests, ciblés sur des personnes à risque revenant de zones de pandémie ou de quartiers où a été identifié un début de transmission communautaire. Il a permis de contenir l’épidémie sans congestionner les hôpitaux et sans avoir à mener de grandes campagnes de dépistage. 

Un filet social pour les plus vulnérables 

Enfin, le gouvernement vietnamien a très rapidement pris la mesure des impacts socio-économiques sur sa population. Afin que les progrès impressionnants de ces 30 dernières années en matière de réduction de la pauvreté (58,1 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté en 1993 contre 9,8 % en 2016) ne soient pas sapés par la crise, des mesures sont en cours de déploiement pour renforcer les filets sociaux déjà en place : report de taxes et de charges, aides financières complémentaires pour les plus vulnérables, protection sociale, incitation pour des crédits à taux préférentiels…

Pour Fabrice Richy, directeur de l’Agence française de développement (AFD) au Vietnam, « il est essentiel que le pays conserve ses acquis en matière de réduction de la pauvreté et de lutte contre le changement climatique. Le Vietnam est l’un des seuls pays à avoir atteint les objectifs du millénaire définis par les Nations unies et est en bonne voie dans l’atteinte des objectifs de développement durable. Afin de soutenir ces efforts, nous sommes actuellement en discussions avec le gouvernement vietnamien pour mettre au point un appui budgétaire exceptionnel. »  

Cette bataille sur le front social représente un enjeu de taille pour le gouvernement, à l’approche du prochain congrès du Parti prévu en janvier prochain et qui permettra de dire si, au-delà de la crise sanitaire, le pays a également réussi à atténuer les impacts de la crise sociale et économique à court terme. Avant de se projeter vers le moyen et le long terme.