Quel est l’objectif de ce forum ?
Placide Tagdine Dougah : Passer à l’action ! Les éditions précédentes organisées au Togo étaient avant tout des moments de réflexion autour du concept de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). C’est un sujet protéiforme et ses différentes dimensions – sociales, environnementales, politiques, managériales, etc. – sont souvent abordées de manière fragmentée. Nous nous sommes efforcés d’apporter un éclairage multidimensionnel sur les enjeux et bénéfices des approches RSE. Ces évènements ont ainsi permis aux participants de s’approprier le concept et de s’inspirer des bonnes pratiques d’intervenants de haut niveau.
Nous passons ici à la vitesse supérieure. Cette troisième édition du Forum RSE en Afrique francophone est celle des solutions concrètes. Elle doit mobiliser toutes les énergies, renforcer les relations entre les acteurs institutionnels, les entreprises et la société civile en Afrique francophone pour consolider un « écosystème multi-acteurs » et définir ensemble une feuille de route pour l’avenir.
Quels sont les principaux enjeux en matière de RSE en Afrique francophone ?
P. T. D. : Ils sont avant tout institutionnels : les acteurs politiques ne maîtrisent pas suffisamment les problématiques de RSE. La plupart des pays de la sous-région commencent à prendre conscience du potentiel de la RSE pour réaliser durablement leurs objectifs de développement humain, sociaux et économiques. Ce manque de leadership s’accompagne d’un déficit de cadres politiques, juridiques et de programmes de soutien structurants. Sans l’impulsion du déploiement de politiques de long-terme, il manque un signal pour les investisseurs. Et en l’absence de garanties institutionnelles et de leur soutien, l’accès au financement reste un défi majeur pour les porteurs de projets et les jeunes entrepreneurs en Afrique.
À cela s’ajoutent les besoins de sensibilisation et de renforcement des capacités. Notre organisation RSE et PED s’attache à initier cette dynamique, à engager toutes les parties prenantes, à transférer les connaissances et compétences et à soutenir le déploiement d’un écosystème multi-acteurs.
Il existe un autre défi prégnant – qui n’est pas propre à l’Afrique francophone : celui de l’usage promotionnel intempestif de la RSE et son emploi à outrance sans être suivi d’effets. Il faut pouvoir encourager les entreprises à s’engager en matière de RSE sans pour autant donner un blanc-seing et en faire seulement un outil de communication. L’adoption d’un cadre légal pour la mise en place de mécanismes de suivi et de reporting RSE contribuerait à résoudre cette problématique.
Comment réussir la transition vers une économie durable et résiliente en Afrique francophone dans ce contexte de crise sanitaire mondiale ?
P. T. D. : La priorité pour l’Afrique francophone devrait être de reconstruire une vision commune en réconciliant les objectifs de compétitivité et de croissance, de développement humain, d’indépendance énergétique et d’atténuation des impacts anthropiques. L’Agenda 2063, pour « l’Afrique que nous voulons », pose les bases de cette vision renouvelée pour le développement durable de l’Afrique. Il est en parfaite cohérence avec l’Agenda 2030 des Nations unies et identifie les activités clés à entreprendre au cours de la décennie à venir dans le but d’obtenir des résultats transformationnels.
Il faut également accélérer les prises de conscience. Pour cela il est nécessaire d’associer autour d’un plan d’actions toutes les « forces vives », d’informer et de former des acteurs. Enfin, encourager la jeunesse à s’engager, à entreprendre pour une économie durable constitue une des pistes privilégiées pour réussir cette transition. Les pouvoirs publics et les investisseurs ont un rôle primordial à jouer pour aider au déploiement de dispositifs de financement durable des TPE et PME qui s’engageront à déployer des modèles d’affaires durables, circulaire, éthiques.