En Tunisie, les nombreuses inégalités qui frappent l’intérieur du pays ont motivé, en 2013, l’émergence d’un programme de coopération franco-tunisien inédit, Soyons Actifs/Actives, fruit de la collaboration entre associations, collectivités territoriales et pouvoirs publics des deux pays. Dès les premiers cas de contamination observés en Tunisie, début mars, le programme soutenu par l’AFD a mis en place un fonds d’urgence pour appuyer les nombreuses initiatives citoyennes de ses 80 membres.
Bien implantées dans leurs territoires, ces associations ont pu organiser, en lien avec les autorités locales administratives et sanitaires, des campagnes de prévention et de solidarité, et participer à la coordination de l’intervention des différents acteurs.
De Bizerte à Tataouine, en passant par le Grand Tunis, Sidi Bouzid, Kasserine, Mahdia, Gabes, Sfax et Djerba, des centaines de bénévoles accompagnés par Soyons Actifs/Actives se sont mis en action pour répondre à des besoins d’urgence et pour venir en aide à plus de 10 000 familles isolées et précaires.
Accompagner et sensibiliser
À Djerba, des produits alimentaires, des masques, des gants, du gel et des produits d’hygiène ou de première nécessité ont été distribués aux familles les plus précaires et aux cadres médicaux des établissements de santé de la région.
À Sfax, de nombreuses associations se sont également mobilisées pour assurer la continuité des services publics, malgré la crise. « Nous sommes intervenus pour désinfecter des bureaux de poste, des postes de police et autres administrations locales, témoigne Nidhal Ben Amor, bénévole aux scouts de la cité El Habib. Nous avons également sécurisé l’accès à l’alimentation en organisant des distributions alimentaires et des files d’attente devant les commerces. » Autre initiative à saluer, à Kasserine, l’association Jeunes Actifs a produit un comic book destiné à sensibiliser, de façon ludique, les enfants de cette région à la crise actuelle.
Dans le gouvernorat voisin de Sidi Bouzid, l’association Victoire pour la femme rurale, qui agit depuis de nombreuses années auprès des ouvrières agricoles de la région, a décidé, de son côté, d’organiser des activités de sensibilisation auprès de ces travailleuses du secteur informel et de leur fournir masques de protection et produits de nettoyage, de manière à ce qu’elles puissent continuer à travailler et à gagner leur vie.
Enfin, à Ras Jebel, l’association de diplômés chômeurs Création, créativité pour le développement et l’embauche (CCDE), qui développe des projets d’économie sociale et solidaire, s’est mobilisée pour édifier un hôpital provisoire en un temps record.
« Alors que le secteur public de la santé a été négligé ces dernières années, nous apportons la preuve qu'il est encore possible d’agir, témoigne Hamadi Jeljeli, son président. Notre modèle économique doit désormais se tourner davantage vers le social et l’humain, c’est pour cela que nous avons plaidé auprès du gouvernement et des parlementaires tunisiens en faveur de l’élaboration urgente d’une loi sur l’économie sociale et solidaire, qui reconnaisse et soutienne ces acteurs. Des milliers de travailleurs précaires vont se retrouver au chômage demain, proposons-leur de prendre part à des projets utiles et durables pour nos territoires. »
Penser l’après-Covid
Au sein du programme Actifs/Actives, on pense d’ailleurs déjà à l’après. Le dernier comité de pilotage a abouti à la définition de trois nouveaux axes stratégiques qui seront déployés dans les prochains mois :
- Soutenir le développement de clubs scolaires d’éducation populaire lors des examens de fin d’année et lors de la prochaine rentrée scolaire de septembre afin que les enfants puissent partager leurs émotions, s’entraider pour réussir leur scolarité et développer des mini-projets pour agir sur le monde de demain (jardins scolaires, clubs cinéma, etc.) ;
- Accompagner des projets d’économie sociale et solidaire visant les communautés largement fragilisées économiquement par la crise sanitaire ;
- Se mobiliser pour que la participation citoyenne et l’utilité sociale des associations soient inscrites dans toutes les politiques publiques locales et nationales.
« Cette crise sans précédent vient nous rappeler encore une fois que nous vivons dans une époque de mondialisation qui se veut être une interdépendance sans solidarités, analyse Lassaad Arfaoui, directeur du programme à Tunis. De ce fait, nous nous devons, en tant qu’acteurs de la société civile des deux rives de la Méditerranée et bien au-delà, de nous unir afin de préserver les droits des plus démunis et réfléchir ensemble aux systèmes de solidarité dans et entre les pays. »