Depuis les années 1950, la cordillère Centrale, principale région montagneuse de la République dominicaine, subit une déforestation sévère. En cause, principalement, le développement de pratiques agricoles, d’élevage ou d’exploitation forestière qui menacent les équilibres naturels des écosystèmes.
Accentué par les premiers effets du changement climatique, ce déséquilibre entraîne une dégradation de la qualité de vie des habitants, tout en restreignant considérablement leur capacité à développer des activités génératrices de revenus.
Rare exception à la règle, la région du bassin-versant du Yaque del Norte, plus long fleuve de la République dominicaine, est parvenue en l’espace de deux décennies à enrayer cette dynamique, au point de retrouver sa couverture forestière des années 1950. Ce petit miracle, on le doit à un partenariat public-privé original né en 2001, le Plan Sierra, du nom de l’association chargée de sa mise en œuvre.
Un accompagnement sur mesure
« La clé du succès de Plan Sierra est d’avoir trouvé la bonne combinaison entre une approche sur mesure et une vision intégrée du territoire afin de dépasser les risques habituels de conflits entre préservation des ressources naturelles, agriculture et élevage, détaille Sandra Kassab, directrice de l’AFD à Saint-Domingue. Grâce à la forte adhésion des communautés ainsi créée au fil des années, Plan Sierra a accompagné un grand nombre de petits acteurs locaux dans l’élaboration et la mise en œuvre d’actions adaptées à leurs besoins. »
Au cours des phases 1 et 2 du projet, ces actions ont permis d’obtenir des impacts significatifs à l’échelle du bassin-versant : 10 250 hectares ont déjà été replantés et plus de 1 000 nouvelles familles ont désormais accès à l’eau potable en continu.
Cet excellent bilan social et environnemental doit également à l’échange de bonnes pratiques avec la France, notamment en matière de Gestion intégrée de la ressource en eau (GIRE) : « Grâce à une coopération avec la Société du Canal de Provence et à un voyage d’étude en France, Plan Sierra a approfondi son savoir-faire en termes de gestion coordonnée des usages du territoire, de ses ressources en eau et de ses écosystèmes dans un souci de développement socio-économique », précise Bénédicte Alsac, chef de projet au siège de l’AFD.
Capitaliser sur les acquis
Capitalisant sur le succès du modèle d’action de Plan Sierra établi lors de ses deux premières phases, le projet entre désormais dans sa troisième phase. Cette nouvelle étape consolidera un mode de gestion territoriale dont la valeur ajoutée repose essentiellement sur l’excellente connaissance du terrain par le tissu associatif local.
Début 2020, la République dominicaine s'est vu allouer par l'AFD un prêt concessionnel d’un montant de 20 millions d’euros. En parallèle, l'agence lui a également accordé une subvention de 1,5 million d’euros. Ces nouveaux fonds doivent permettre d’accompagner l’association dans un changement d’échelle, tant au niveau des montants de subvention mobilisés que des impacts obtenus, et de la soutenir dans son nouveau rôle de coordinatrice des institutions publiques et acteurs locaux sur un territoire élargi.
Parmi les nombreuses actions sur mesure que mettra en œuvre l’association, on peut citer notamment la mise en place d'une politique d'appui à la professionnalisation de filières à tous les niveaux : « par exemple, la transformation de la filière laitière se fera à la fois par de la formation technique dispensée aux éleveurs pratiquant le silvopastoralisme, par du conseil aux coopératives, par l’identification de débouchés et la certification des produits, et par la mise à disposition de produits d’assurance », détaille Patricia Andrade, chargée de communication à l’agence de Saint-Domingue.
Une capacité d'évaluation à renforcer
L’appui aux communautés se fera également à travers la construction et la gestion de nouveaux systèmes d’adduction d’eau, en partenariat avec l’opérateur public en charge de la distribution d’eau potable dans la Sierra.
Plusieurs chantiers transverses de transformation du Plan Sierra seront entrepris en parallèle, et notamment la modernisation des systèmes d’information et le renforcement du cadre de suivi, de contrôle et d’évaluation du projet : « Pour accompagner le changement d’échelle prévu dans la troisième phase du projet, Plan Sierra doit renforcer sa capacité à mesurer ses impacts et à suivre leur évolution », explique Pauline Vialatte, chargée de projet à l’agence de Saint-Domingue. « C’est d’ailleurs un prérequis à l’exploration de nouveaux modèles de financement basés sur les résultats. »
Une étude devra notamment permettre d’étudier la possibilité, pour Plan Sierra, de mettre en place des mécanismes de paiements pour services écosystémiques : « Il s’agit d’explorer la pertinence d’une compensation financière aux producteurs qui, dans les parties haute et médiane du bassin-versant, adaptent leurs pratiques agricoles et leurs usages des sols pour garantir l’approvisionnement en eau de la partie basse. »
Enfin, cette troisième phase sera l'occasion d'expérimenter de nouvelles sources de financement, par exemple via la certification carbone de nouvelles activités pour l’émission de crédits sur le marché carbone volontaire.