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Des réfugiés ukrainiens
Signaux faibles de la reconfiguration géoéconomique et éléments fondamentaux du développement des pays émergents et en développement, les investissements directs étrangers (IDE) sont au cœur d’un numéro spécial de la revue « Macrodev » de l’AFD publié en juillet. Sylvain Bellefontaine, économiste à l’AFD et coordinateur de la revue, nous éclaire sur les enjeux liés aux « IDE ».

À quel point les investissements directs étrangers sont-ils importants dans le développement des pays

Sylvain BellefontaineS.B. : Les investissements directs étrangers (IDE) sont loués pour leurs vertus multiples sur l’économie réelle. L’implantation d’un site industriel, d’un parc éolien, d’un call center ou la montée au capital (au moins 10 %) d’une société financière par une entreprise étrangère participe de la croissance économique, des créations d’emplois, des transferts technologiques, des gains de productivité, des recettes d’exportations, des ressources fiscales, et in fine de l’attractivité du pays hôte.

Attirer beaucoup d’IDE permet de couvrir un déséquilibre dans la balance des paiements, qui relate comptablement les flux commerciaux et financiers entrant et sortant d’un pays. L’Amérique latine en attire par exemple suffisamment pour combler son déficit du compte courant, ce qui n’est pas le cas de l’Afrique, contrainte de s’endetter vis-à-vis du reste du monde.

 
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Les IDE ne représentent toutefois qu’une petite part du taux d’investissement global au sein des pays. Et parmi les plus pauvres, ce taux global reste faible. Le besoin d’IDE en est d’autant plus prégnant. Mais ceux-ci ne sont pas faciles à attirer dans des pays qui manquent d’infrastructures de transport ou énergétiques, de main-d’œuvre qualifiée ou de stabilité politique. Sauf, évidemment, lorsqu’il existe une manne pétro-gazière ou minière exploitable par des majors internationales en l’absence de moyens financiers et de compétences techniques locales.

Les investissements directs étrangers ont-ils pâti des tensions géopolitiques observées ces dernières années ?

S.B. : Le contexte mondial est en effet marqué par des tensions croissantes depuis 2018, qu’elles soient directement commerciales avec la rivalité Chine-États-Unis, ou à l’origine de rupture de chaînes d’approvisionnement et de flambée des prix des matières premières avec la pandémie de Covid-19 et les conflits en Ukraine et au Proche-Orient. On assiste à un morcellement géoéconomique et à une volonté de nombreux pays de sécuriser leur autonomie à la fois sur l’énergie, les produits alimentaires et plus généralement les produits stratégiques, en érigeant des barrières protectionnistes face à la concurrence internationale.

Pour autant, ces tensions n’ont pas généré de coup d’arrêt des flux d’IDE. Après le coup de frein dû à la pandémie en 2020 et 2021, les IDE sont même parvenus à un niveau record en 2023. D’après les données du rapport fDi Markets, les flux d’investissement « greenfield* » ont atteint 1 337 milliards de dollars au niveau mondial. L’Europe en aurait attiré 38 %, suivie par l’Asie (25 %), l’Amérique du Nord (14 %), l’Afrique et le Moyen-Orient (16 %), l’Amérique latine et les Caraïbes (7 %). Quand on les rapporte à la taille de chaque économie, on observe que les pays en développement en attirent plus que les pays avancés.


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Et lorsqu’on considère toutes les formes d’IDE, pas seulement les « greenfield » mais aussi les prises de participation, les privatisations ou les prêts intra-groupes, on note cette fois une baisse dans les pays développés et toujours une hausse dans les pays émergents et en développement en 2023. Si une année ne fait pas une tendance, c’est quand même plutôt rassurant. Sachant que les stratégies d’investissement à l’étranger relèvent logiquement de visions et d’engagements à long terme.

Il y a bien sûr des gagnants et des perdants. Sur les quatre dernières années, le secteur des énergies renouvelables reste le plus attractif – plus de 700 milliards de dollars cumulés en 2022 et 2023 – suivi de l’électronique et des énergies fossiles, avec des investissements récents dans plusieurs pays africains ayant découvert des réserves d’hydrocarbures (Sénégal, Mauritanie, Niger, Ouganda, Mozambique, etc.). Les financements de projets d’infrastructures sont en revanche sur le recul, ce qui n’est pas forcément une bonne nouvelle pour les pays très en retard dans ce domaine.

* Un investissement « greenfield » est un investissement direct à l’étranger où l’entreprise réalise une nouvelle installation (usine, centrale solaire…) dans le pays d’accueil.


Quelles solutions le groupe AFD soutient-il ?

S.B. : Proparco (la filiale du groupe AFD dédiée au secteur privé) participe au financement à travers des prêts ou des prises de participations, et à l’accompagnement d’entreprises et d’établissements financiers en Afrique, en Asie, en Amérique latine ou encore au Moyen-Orient, notamment dans les secteurs de l’énergie, dont forcément les ENR, et de l’immobilier durable.

Notre Groupe favorise aussi indirectement les IDE à travers l’assistance technique fournie à nos partenaires sur les aspects de gouvernance, de renforcement des capacités au sein des administrations ou de finances publiques. Il y a des fondamentaux sur lesquels chacun peut s’entendre : la probité, l’absence de corruption, des appels d’offres justes et équitables, une justice impartiale contribuent à améliorer le cadre légal, la stabilité politique et plus généralement l’environnement des affaires. 

L’action que nous menons dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’égalité de genre, en faveur du capital humain et du bien-être des populations, a également son importance pour attirer les acteurs économiques étrangers, en plus d’apporter sa pierre à l’édifice des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies.