Viengkeo Souksavatdy : « Préserver le patrimoine du Laos, c’est préserver son identité »

publié le 06 Juillet 2020
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À l’occasion de la signature d’un nouveau projet de 6 millions d’euros en subvention pour la préservation et la valorisation de deux sites historiques au Laos - le projet Champa -, le Dr. Viengkeo Souksavatdy, directeur général adjoint à la Direction du patrimoine du ministère de l'Information, de la Culture et du Tourisme, détaille le travail mené avec l’AFD depuis plus de vingt ans.

vkQuels sont les enjeux en termes de préservation du patrimoine au Laos

Dr. Viengkeo Souksavatdy - La protection du patrimoine au Laos est un véritable enjeu pour le développement du pays, qui héberge des richesses inestimables. Mais nous devons relever de nombreux défis pour que ces actions s’inscrivent dans un cadre durable et bénéfique pour les populations. 

D’une part, le développement du tourisme a entraîné une augmentation du trafic illicite d’antiquités, notamment dans les temples bouddhistes, qui regorgent d’images et de peintures anciennes et de pièces religieuses d’une grande valeur. Il est crucial de préserver ces sites, au cœur de l’identité de notre nation et irremplaçables. 

D’autre part, certains sites sont méconnus ou inaccessibles au public, alors même qu’ils renferment des trésors patrimoniaux. Par exemple, la province de Savannakhet héberge un trésor de l'époque de l'empire Sikhottaboon (royaume du VIIe au Xe siècle), qui n'est pas visible par le public aujourd’hui. 

Enfin, de par son caractère multi-ethnique, le Laos tire une grande partie de sa richesse de sa culture et de ses traditions. Pour préserver ce patrimoine immatériel, nous devons absolument encourager la participation active des populations locales dans la valorisation de ces sites, par le développement d’une économie locale qui valorisera l’artisanat et le tourisme durable, et les activités en lien avec le patrimoine. 

L’administration du pays a conscience de ces enjeux mais n’a pas les ressources suffisantes pour la mise en œuvre des politiques de préservation du patrimoine. Le soutien de bailleurs comme l’AFD est donc essentiel. 

Depuis quand l’AFD soutient-elle ce secteur

L’AFD travaille avec le gouvernement du Laos depuis plus de vingt ans pour accompagner des projets de protection et de valorisation du patrimoine. Plusieurs projets ont été soutenus consécutivement à Luang Prabang, ancienne capitale du Laos, fondée il y a plus de 1 200 ans, pour mettre en valeur l’architecture traditionnelle lao et les constructions des XIXe et XXe siècles de style colonial européen. 

Ce que nous en avons retenu, c’est que pour assurer une conservation culturelle efficace, il est essentiel d’impliquer tous les acteurs. La préservation du patrimoine et la mise en valeur culturelle sont indissociables, c’est pourquoi nous avons mis en place une approche intégrée à Luang Prabang, alliant rénovation des édifices et mise en valeur de l’artisanat et des coutumes. 

Cette démarche permet de s’assurer que les populations locales bénéficient des revenus touristiques et a un véritable impact sur la réduction de la pauvreté. Les habitants dans et autour des zones préservées bénéficient aussi de la rénovation des espaces urbains et du développement de la ville, qui leur permet d’accéder aux services de base (eau, traitement des déchets, routes…). Aujourd’hui, Luang Prabang est une destination touristique reconnue et dispose même de son propre aéroport international. 

Travaillez-vous aussi dans des provinces moins connues ?

Oui, nous venons de signer le projet Champa, financé par l’AFD et partiellement mis en œuvre par l’École française d’Extrême-Orient (EFEO), pour la préservation de deux sites : Vat Phu (Champassak, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO), dans le sud du Laos, et la province de Savannakhet. Ce projet adoptera la même approche intégrée qu’à Luang Prabang et des sessions de transfert de compétences seront organisées entre des jeunes du programme de la jeunesse pour le patrimoine des différents sites. 

L’objectif est de sensibiliser les populations locales au patrimoine qui les entoure et les encourager à valoriser et à faire vivre leurs traditions, par exemple à travers des représentations (danse, tradition orale, musique, chants folkloriques, théâtre d’ombres…). À Savannakhet, le musée provincial sera rénové, un pavillon d’exposition sera construit au village de Nong Huathong pour exposer les reconstitutions du fameux trésor de l'époque de l'empire Sikhottaboon, et le quartier colonial sera mis en avant. Dans les deux provinces, des fouilles archéologiques et un relevé LIDAR (Light Detection and Ranging, laser aéroporté), permettront d’établir un inventaire complet et de haute résolution du paysage culturel et naturel, et potentiellement de découvrir des sites aujourd’hui inconnus ! 

Des plans de développement touristique seront également élaborés afin de créer de véritables destinations touristiques pour inciter les touristes à prolonger leur séjour, ce qui permettra d’augmenter les retombées économiques pour les populations locales. J’espère que ce projet connaîtra un succès aussi retentissant que ceux menés à Luang Prabang !